De mémoire et de symboles

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La résilience canadienne-française était surtout incarnée par la figure héroïque de Dollard des Ormeaux


Petite tranche de vie : hier, ma mère m’a demandé si ça me faisait quelque chose que la journée nationale des Patriotes se tienne en même temps que la fête de la Reine. Interloquée par mon drôle de sourire, s’attendant plutôt à ce que je m’enflamme, je lui ai répondu, sans équivoque, que je trouvais ça super. Mais d’abord, contextualisons un peu, car je réalise que, pour beaucoup, ce choix de date représente un énième affront à la nation québécoise. 



Je crois qu’il faut premièrement saisir que l’art de la domination passe systématiquement par l’implantation de symboles forts dans le quotidien et l’esprit des gens. Ainsi, forcer sur les populations conquises des fêtes et des commémorations de figures étrangères est toujours le premier geste observable partout où on a un jour voulu détourner la mémoire et la tradition locale. 



Car bien que ça puisse sembler curieux, les symboles sont toujours nettement plus efficaces que la violence pour qui entend s’imposer. Car plus elle est terrible, plus elle est sauvage, plus la violence créée en contrepartie des résistants et leur donne courage. Par contre, l’assimilation des symboles locaux à ceux de la nouvelle culture dominante assure tous les biens faits léthargiques d’une soumission progressive et durable. 



Pour moi, cette date commune représente pour le Québec et son histoire un bouclier symbolique qui nous proscrit l’agenouillement mental annuel. Autrement, à quoi pourrait bien servir un « jour de la Reine », sinon à nous rappeler, même inconsciemment, que nous sommes toujours ses sujets? Cette ruse de notre calendrier nous donne, en fait, le choix de faire front symboliquement et de choisir à qui nous payons les honneurs. 



Je crois qu’il faut ensuite prendre conscience que cette journée ne concerne pas seulement les actions de nos héros de 1837 pour la reconnaissance nationale de notre peuple, sa liberté politique et l’obtention d’un système de gouvernement démocratique. Car s’ils symbolisent la lutte et sa part tragique, ils sont néanmoins flanqués des patriotes de toutes les générations qui, d’une façon ou d’une autre, ont contribué, hier comme aujourd’hui, au fleurissement de la nation québécoise. Cette journée est, par conséquent, celle de tous ceux et celles qui portent en eux ce grand sentiment de fierté et qui s’appliquent à le transmettre. À le partager. 



Enfin, ce jour dit qu’il y a, maintenant plus que jamais, ces irréductibles Québécois, héritiers de ces Canadiens-français intrépides et entêtés, qui refusent encore et toujours d’oublier. Et cette possibilité de choisir, doublée de ce cran de sûreté pour notre mémoire que représente cette journée nationale, nous la devons à un grand patriote. Merci, monsieur Landry. Nous ne nous l’oublierons pas. 



Je suis persuadée que devant le drapeau patriote qui flotte, en ce moment même et pour la toute première fois de son histoire, sur le mât de l’Assemblée nationale, nos aïeux de 1837, où qu’ils puissent être, sont en train de sourire. 



Et si moi je souris plus encore, c’est parce que ce symbole, ce qu’il me montre, c’est que la majorité francophone a retrouvé une voix véritable à l’intérieur des murs du pouvoir. Ce qu’il me raconte surtout, c’est que si la brillante initiative est venue du Parti Québécois, il y a néanmoins, quelque part, un Premier ministre et ses parlementaires qui ont tous donné leur accord. 



Je tenais à saluer cette noble action conjointe. 



Sur ce, chers amis, je vous souhaite une belle journée des Patriotes et on se retrouve bientôt pour les 364 autres.