Hier, quand j’ai vu Pascal Bérubé, chef intérimaire du Parti Québécois, sortir des consultations sur le projet de loi 21, à l’Assemblée nationale et se faire demander pourquoi il n’avait pas posé de questions à Charles Taylor, les yeux m’ont brillé en entendant sa réponse. Car voyez-vous, chers amis, j’aime à dire qu’il n’y a pas que le diable qui soit dans les détails... La grande idée d’indépendance aussi.
« Ça suffit. Monsieur Taylor a renié son rapport [Bouchard-Taylor sur les accommodements religieux]. Il nous a fait perdre du temps. Il entretient des préjugés tenaces sur quiconque a envie de prendre des décisions pour la nation québécoise. J’ai assez entendu monsieur Taylor. La décision sur ce projet de loi, c’est les parlementaires qui vont décider. On va écouter d’autres avis, mais moi c’est terminé avec Charles Taylor. Je connais ses opinions et je ne croyais pas pertinent de lui adresser des questions », a déclaré monsieur Bérubé, sans équivoque, aux journalistes.
Je sais que pour beaucoup, ce geste peut sembler anodin ou sans envergure particulière, mais pour moi, c’est venu faire directement écho à quelque chose que je me tue à répéter depuis longtemps : les gens comme Charles Taylor et Gérard Bouchard n’ont de pouvoir sur nos esprits que celui que nous leur reconnaissons.
Rien n’exige que nous leur accordions une confiance aveugle ou que l’on subisse à perpétuité l’incohérence de leurs propos, sous prétexte qu’ils sont philosophes et historiens. Car des philosophes et des historiens, il y en a des bons et des mauvais, comme dans n’importe quel domaine. De fait, il est plus qu’impératif de tracer, une bonne fois pour toutes, la ligne au-delà de laquelle nous ne prêtons plus l’oreille aux renégats récidivistes. Car la parole de celui qui n’en a pas n’a strictement aucune valeur.
L’écoute, la confiance et le respect du peuple sont des choses qui se méritent, qui se cultivent et qui s’honorent. Précisément ce que n’ont pas fait Charles Taylor et Gérard Bouchard en revirant leur chemise de façon aussi brutale. Le spectacle qu’ils nous offrent depuis quelque temps est formidable. On ne lésine sur aucun artifice ni aucune tromperie pour tenter d’effrayer la nation. De l’atteindre dans son estime et son opinion d’elle-même. De la confondre et de la blesser pour la faire reculer sur ses objectifs et ses principes les plus fondamentaux et légitimes.
Demain, ils nous diront que le PL21 est responsable du réchauffement climatique et du génocide au Yémen. Cette surenchère n’en est même plus choquante, tellement elle est devenue burlesque.
Vous savez, je suis profondément convaincue que bien avant de se régler aux urnes, l’indépendance devra avant tout passer par le cœur et l’esprit. Qu’elle se traduira d’abord par des milliers de petits gestes constructeurs, avant de se réaliser définitivement par la voie référendaire. C’est le principe des gammes qui précèdent le musicien, de la grammaire qui outille et forge l’écrivain.
Pascal Bérubé, hier, a fait preuve d’une audace très séduisante. Il a posé un geste d’indépendance. Simple et pourtant indéniable.
L’indépendance, ce n’est pas qu’un drapeau. C’est avant tout des fondations profondes et solides. C’est quelque chose qui se construit brique par brique et, hier, Pascal Bérubé en a posé une, sans tambour ni trompette. Une brique qui ne fait certes pas le mur à elle seule, mais sur qui il compte et repose néanmoins.
Un premier geste d’indépendance de l’esprit : celui de sortir de la danse macabre menée par Charles Taylor, Gérard Bouchard et leurs collaborateurs.
Ce « ça suffit » calme et fort est à mes yeux une très belle manifestation de l’esprit québécois. De sa force tranquille et tenace. Je nous suggère de lui emboîter le pas, de comprendre qu’on a fait le tour de leurs arguments loufoques, qu’il y a des gens de bien meilleure foi à entendre et avec qui travailler, et qu’il ne nous reste plus qu’à tourner le dos à ces vieux épouvantails. Tout simplement.