En politique, on dit souvent que les couteaux n’arrivent jamais par en avant. Pour les libéraux, qui s’engagent pour les six prochains mois dans une longue course à la chefferie, l’adage a son importance. La direction du PLQ aime bien brandir le fait que le parti a des traditions et que les deux rivaux se ménageront pour la suite des choses. Mais sur le terrain, on a déjà commencé à aiguiser les couteaux.
Le parquet du conseil général était une occasion en or de marquer le coup pour les candidats à la chefferie, et Dominique Anglade s’est assurée de faire son entrée la première.
Il est clair qu’elle a une longueur d’avance, puisqu’elle occupe le terrain, seule, depuis des mois. Ses partisans ont été visibles, affichant le t-shirt ou le macaron de couleur bleu et corail, à l’effigie de Dominique. On a pu noter que le rouge libéral a été exclu de son image de marque.
L’entrée en scène d’Alexandre Cusson a été plus timide. S’il a passé le test de la première mêlée de presse sans faire de gaffe, personne n’a fait wow.
L’aspirant chef libéral a mal planifié son arrivée. Alors que les journalistes l’attendaient et que les chaînes d’information en continu étaient en direct, il s’est plutôt dirigé vers la table d’inscription pour aller chercher sa cocarde.
Sa campagne n’est pas encore bien ficelée et on a l’impression qu’il pourrait être battu, ce qui ouvre la porte aux attaques sournoises.
Dans le camp Cusson, on a laissé entendre ce week-end qu’il n’est pas facile de travailler avec « l’intense » Dominique Anglade. Pourtant, il profite de l’appui de deux anciens collaborateurs de l’ex-ministre, la députée Lise Thériault et l’ancien député Stéphane Billette, qui ont successivement occupé le poste de ministre responsable des Petites et moyennes entreprises. On se demande pourquoi ils ne se sont pas naturellement rangés dans le camp de leur ancienne supérieure hiérarchique.
Le camp Anglade a aussi fait courir ses ragots dans les corridors. On n’a pas manqué une occasion de dépeindre « l’establishment libéral » derrière Alexandre Cusson comme le responsable de la défaite historique de Philippe Couillard.
On s’est empressé de définir Mme Anglade comme une leader assumée qui s’est constitué une équipe, tandis que le camp adverse est formé de vieux libéraux à la recherche d’un chef. Après avoir cherché et cherché, ils ont fini par convaincre Alexandre Cusson de se présenter, dit-on.
C’est inévitable, les campagnes à la direction forcent la formation de clans à l’intérieur d’un parti, et principalement dans son caucus. Le député Gaétan Barrette, qui n’appuie personne pour l’instant, a sans doute senti que les hostilités s’engageaient. Il a dit craindre les dérapages tout au long de la course.
On veut une course
Il reste que les libéraux sont contents qu’il y ait une course. L’idée que Dominique Anglade soit couronnée semblait démotiver les militants. Elle est certainement respectée au sein du parti, mais sa candidature n’a jamais suscité l’engouement.
On lui a d’ailleurs trouvé plusieurs défauts dans le contexte où le principal défi des libéraux est de reconquérir les régions. Est-ce qu’une Montréalaise issue des communautés culturelles pourrait y arriver? Est-ce que son passé à la présidence de la CAQ la disqualifie?
La course ne s’annonce pas sans péril. Mais si elle triomphe, elle jouira d’une légitimité qu’une victoire par acclamation ne lui aurait jamais donnée.
Quant au candidat Cusson, il souffre d’un sérieux manque de notoriété. La course lui en donnera certainement un peu. Mais si sa force réside dans son réseau de contacts dans le milieu municipal, il devra préciser son discours sur des enjeux sensibles, notamment la Loi sur la laïcité de l'État. À l’entendre s’enfarger sur la définition d’un Québécois de souche, on a compris que le candidat Cusson n’est pas à l’abri d’une bourde.
Y aura-t-il un troisième candidat? À l’issue du conseil général, certains semblaient l’espérer. En fin de compte, une seule question s’impose pour les membres du Parti libéral. Qui pourra battre François Legault en 2022?