À plus d’une reprise, le premier ministre espagnol, Mariano Rajoy, avait martelé que l’Espagne n’aurait pas recours à une aide extérieure. Après ce qu’il faut bien nommer un déni fanatique de la réalité de sa part, cette dernière s’est invitée alors que les marchés étaient clos. Samedi, après deux heures seulement de pourparlers, les Européens ont convenu de prêter une somme plus élevée que prévu. C’est le cas de dire, les dirigeants du Vieux Continent excellent dans la torture espagnole réputée pour sa lenteur. Pour bien mesurer combien le déni de réalité de Rajoy était profond, pour ne pas dire ridicule, on va avancer quelques chiffres. Avant l’annonce de l’accord, les agences de notation estimaient que les besoins des banques espagnoles en argent frais variaient entre 60 et 100 milliards. Après une évaluation effectuée par on ne sait quelle administration espagnole, la somme des besoins a été fixée bien au-delà du maximum prévu, soit 130 milliards. Au ras des pâquerettes, cette entente signifie que l’étendue de la version espagnole d’une tragédie financière vieille de deux ans et plus est beaucoup plus ample qu’on ne l’avait imaginé ici et là. Signe particulier ? Le prêt accordé aux banques ne s’est pas accompagné de conditions particulières. Plus exactement, l’allocation de ces milliards n’a pas été assujettie à l’obligation imposée à l’État, comme ce fut le cas ailleurs, de confectionner un plan d’austérité. Il y a peut-être là un embryon de bonne nouvelle pour la Grèce d’abord et le Portugal ensuite. En effet, dans les semaines postérieures aux élections législatives grecques qui se tiendront dimanche prochain, le futur gouvernement aura beau jeu de faire miroiter l’exemple espagnol. Plus précisément, les prochains dirigeants pourront marteler qu’à l’instar de ce qui a été observé en Espagne, le plan d’austérité imposé par le prédécesseur de Rajoy a eu les effets pervers que l’on sait. Mais encore ? Une récession beaucoup plus sévère que ce qui était espéré. Cela étant, l’encre de l’accord de samedi était à peine sèche que l’Italie attirait les regards appuyés des acteurs financiers répartis aux quatre coins de la planète. La raison est aussi simple que technique : l’Espagne ayant été secourue, elle ne fait plus partie du groupe de nations qui garantissent les capitaux regroupés au sein du Mécanisme de stabilité financière. Le fardeau étant supporté par un nombre restreint, celui qui incombe à l’Italie est passé de 18 à 22 % du total. À l’image de la poupée russe, les marchés se sont empressés, si l’on peut dire, de hausser l’intérêt imposé aux obligations italiennes. Ce dernier est passé au-delà des 6 %. Autrement dit, l’Italie vient de pénétrer la zone des hauts risques. Cette réalité faite de conséquences plus perverses les unes que les autres a été le sujet très récent de commentaires aussi ironiques que désabusés de la part de deux Prix Nobel d’économie, soit Paul Krugman et Joseph Stiglitz. Rien ne mesure mieux la portée de leurs propos que le qualificatif employé par ce dernier pour décrire la politique développée et imposée par les Européens : « économie vaudou. » Comme un chien qui essaye de se mordre la queue depuis deux ans maintenant, on tourne en rond et, ce faisant, on amplifie la portée des problèmes. On ne répétera jamais assez, et pour l’exemple, que lorsque la crise grecque a éclaté en mars 2010 le total des problèmes équivalait à 5 % du PIB de la zone euro. Lorsque Georges Papandréou, l’ex-premier ministre, avait évoqué l’organisation d’un référendum en novembre dernier, référendum qui lui avait été refusé pour mieux être tenu sept mois plus tard (!), le total des problèmes dépassait les 18 %. Peut-être faut-il d’ores et déjà songer à attribuer le Nobel de cette année à Angela Merkel pour avoir composé à son corps défendant un Éloge du retard.
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