Coup d’État et déclaration de guerre contre le Québec

M. Harper utilise la question nationale pour imposer au pays son programme de droite en réponse à la crise économique

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Crise politique canadian

Avec l’aval d’une gouverneure générale de pacotille, le premier ministre Stephen Harper a bafoué la règle fondamentale du régime parlementaire en prorogeant la session pour éviter un vote de non-confiance. Au cours des six prochaines semaines, le Canada sera dirigé par un gouvernement illégitime qui n’a pas la confiance de la majorité des députés du pays.
Par la même occasion, Stephen Harper a déclaré la guerre au Québec en démonisant ses représentants à la Chambre des communes, c’est-à-dire la députation du Bloc Québécois qui a remporté les deux-tiers des circonscriptions lors de la dernière campagne électorale. Dans son discours à la nation, M. Harper est allé très loin en affirmant que « les partis de l’opposition n’ont pas le droit démocratique d’imposer une coalition avec les souverainistes ». Le même Stephen Harper qui piétine les droits fondamentaux du Parlement qualifie d’« illégale » la coalition des partis dont les membres ont été dûment élus par la population du pays.
M. Harper a déclaré lors de son point de presse, après sa rencontre avec la gouverneure générale, que la fracture entre les partis fédéralistes et le Bloc Québécois était fondamentale et plus importante que l’opposition entre la gauche et la droite. Mais, dans les faits, M. Harper utilise la question nationale pour imposer au pays son programme de droite en réponse à la crise économique.
Crise politique et crise économique
Car un des enjeux cruciaux de l’heure est la réponse qui sera apportée par le gouvernement fédéral à la crise de l’industrie automobile qui emploie plus de 400 000 personnes en Ontario. Les milieux d’affaires voudraient une aide sur le modèle qui se dessine aux États-Unis, où GM, Ford et Chrysler cherchent à arracher aux syndicats d’importantes concessions pour ramener leurs conditions salariales au niveau des usines japonaises non syndiquées.
Au Canada, le Syndicat des travailleurs canadiens de l’automobile (TCA) vient de recevoir une demande similaire de la part de la direction de GM Canada et on peut s’attendre à ce que le gouvernement Harper les encourage dans cette direction. Il est significatif que M. Harper avait prévu se rendre à l’inauguration d’une usine Toyota (non syndiquée) en Ontario après sa rencontre avec la gouverneure générale.
Mais les TCA canadiens ont une longue tradition de lutte. Ils ont vu le jour en 1984 au terme d’une lutte épique, dirigée par Bob White, pour se séparer des United Auto Workers des États-Unis, précisément sur la question des concessions demandées par l’employeur. Les TCA sont très actifs au sein du Congrès du travail du Canada et au sein du NPD. Ils sont de fervents promoteurs de la coalition des partis d’opposition et n’ont aucun problème à s’unir aux « séparatistes » québécois. On se rappellera que c’est lorsqu’il était dirigé par Bob White que le CTC a reconnu le droit à l’autodétermination du Québec et a accordé un statut particulier à la FTQ. Aux dernières élections, les TCA canadiens ont appelé leurs membres au Québec à voter pour le Bloc Québécois.
En échange de son soutien aux partis de la coalition, le Bloc a obtenu des gains importants pour les travailleurs québécois. Mentionnons l’élimination du délai de deux semaines avant d’obtenir de l’assurance-emploi, un programme de soutien pour les travailleurs âgés, abaisser de 50% le retrait minimum dans les FERR pour 2008.
Mais il a aussi obtenu des mesures pour l’ensemble de l’économie québécoise dont un plan de soutien pour le secteur forestier. Frank Dottori, l’ancien p. d.-g. de Tembec déclarait : « Avec le gouvernement de coalition, nous allons peut-être dépenser moins en armements pour bombarder l’Afghanistan. Nous pourrons, je l’espère, dépenser plus d’argent pour sauver notre industrie forestière qui agonise. »
Un plan néolibéral ou un plan keynésien ?
La crise politique et son évolution ne se comprennent qu’à la lumière des réponses devant être apportées à la crise économique. Les milieux d’affaires de l’Ouest du pays et de Toronto favorisent une réponse néolibérale à la Harper, alors que le NPD et le Bloc font la promotion d’une approche keynésienne. Quant au Parti libéral, il est déchiré sur l’attitude à adopter.
Voyant que Stephen Harper voulait le détruire en coupant les subventions aux partis politiques, le Parti libéral n’avait d’autre choix que de s’unir au NPD et au Bloc pour renverser les conservateurs. Mais les choses évoluent. Frank McKenna et John Manley, deux ex-politiciens aujourd’hui très proches de Bay Street, ont annoncé leur retrait du comité aviseur économique mis en place par les partis de la coalition. Il ne serait pas étonnant que McKenna et Manley, qui avaient décidé de ne pas participer à la course à la direction du Parti libéral, changent d’idée, s’ils jugent que Michael Ignatieff, Bob Rae et Dominic Leblanc se sont discrédités aux yeux de l’électorat canadien, chauffé à blanc par la propagande conservatrice, en apportant leur appui à une coalition appuyée par des « séparatistes ». Tout comme on ne peut exclure que des députés libéraux traversent la Chambre pour donner à Stephen Harper la majorité qu’il recherche.
Pour faire adopter un plan de crise concocté en fonction de ses intérêts plutôt que de ceux des travailleurs canadiens et de la nation québécoise, il semble bien que les milieux d’affaires de l’Ouest et de Toronto sont prêts à donner carte blanche à Stephen Harper. La stratégie de ce dernier est toute simple : déclarer la guerre au Québec pour rallier une majorité au Parlement, soit en dévoyant des députés de l’opposition ou à la faveur d’un nouveau scrutin.
Les masques sont tombés. L’ADQ et tous les commentateurs qui prônaient une alliance avec Stephen Harper sont déculottés. Notre seule réponse à cette déclaration de guerre est d’élire un gouvernement du Parti Québécois à Québec. Et cela signifie voter en grand nombre et éviter d’accorder son appui à des partis marginaux avec le risque que cela comporte de diviser le vote progressiste et faire élire des députés adéquistes ou libéraux.
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Marc Laviolette et Pierre Dubuc
Respectivement président et secrétaire du club politique Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre (SPQ Libre)


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