Corruption au Québec - Des reproches injustes

Faire le constat de 143 ans de corruption en cinq pages pour conclure que le Québec a inscrit la corruption dans ses gènes est un peu court.

Maclean's - corruption Québec



Le Québec l'a échappé belle. Si le magazine Maclean's avait poussé ses recherches plus loin, peut-être aurions-nous eu en couverture de sa dernière livraison un titre encore plus frappant: «The most corrupt state in North America». Mais c'était déjà bien assez de lui attribuer le titre de champion de la corruption au Canada.
Le Québec tout entier a été choqué de cet article, non pour les situations répétées de corruption qu'il décrit, mais pour une analyse impressionniste et simpliste reposant sur des préjugés. Faire le constat de 143 ans de corruption en cinq pages pour conclure que le Québec a inscrit la corruption dans ses gènes est un peu court.
Le regard porté par Maclean's se veut révélateur d'une réalité qu'on ne veut pas voir. Or, s'il est une chose qu'on ne peut reprocher à la société québécoise, c'est d'être complaisante envers elle-même à propos de corruption. Elle connaît bien les faits grâce au travail de ses médias. Elle réclame depuis 18 mois la tenue d'une enquête publique approfondie sur l'existence de collusion entre entrepreneurs et décideurs politiques dans l'octroi de contrats, car elle en est tout simplement révoltée.
Le regard de Maclean's est plutôt révélateur d'une perception que veut bien entretenir ce magazine dans l'explication d'un phénomène pourtant équitablement répandu au Canada. Il attribue au Québec le premier prix sans aucune analyse comparative d'une province à l'autre. On cite bien quelques cas, comme ces premiers ministres de Colombie-Britannique obligés de démissionner à la suite d'enquêtes de la GRC, mais sans dire pourquoi c'est moins grave que ce qui se passe au Québec. La corruption au Canada serait-elle le fait de cas isolés, alors qu'au Québec elle serait systémique?
Ce défaut nous viendrait de notre éducation catholique, une religion qui relativise la faute par le pardon. S'ajouteraient une série d'autres facteurs allant du centralisme de l'État distributeur de la manne des contrats jusqu'à la question nationale où la fin justifie les moyens. Puis, il y aurait ce rejet de la critique qui ne soit pas de l'intérieur. Menacée dans sa survie, la société québécoise serre les rangs devant les critiques extérieures qu'elle reçoit comme du Quebec bashing.
Combien facile est cet argument! N'importe quelle société qui se sent attaquée ne réagit-elle pas ainsi? Faut-il rappeler aux amis de Toronto comment la bonne société de cette ville a serré les rangs lorsque son corps de police a été accusé de bafouer les droits individuels lors de la réunion du G20 en juillet dernier? Ces 143 dernières années, la société canadienne ne peut surtout pas prétendre à un comportement exemplaire en matière des droits et libertés chaque fois qu'elle s'est sentie menacée.
Ce reproche fait à la société québécoise est d'autant moins fondé qu'elle est capable d'autocritique. D'ailleurs, le fait que deux Québécois sur trois réclament une vaste enquête publique capable de donner un grand coup de balai le démontre bien. Ils ne savent plus comment faire réagir le gouvernement Charest. Celui-ci comprendra peut-être avec cet article de Maclean's les dommages à la réputation du Québec qu'entraîne son refus d'agir.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->