Contre la reconduction de la loi antiterroriste

Loi antiterroriste

Depuis le 18 décembre 2001, une loi exceptionnelle et à bien des égards extrêmement dangereuse pour nos libertés fondamentales est en vigueur au Canada: il s'agit de la loi C-36, ou la Loi antiterroriste.
De nombreuses organisations luttant pour le respect des libertés fondamentales ont alors mis en garde la population contre les dérives possibles d'une telle loi ou de lois semblables (l'ONU a publiquement critiqué de telles mesures législatives). Tout récemment, la Ligue des droits et liberté a dénoncé la possible reconduction, pour les trois prochaines années, de deux dispositions de la loi antiterroriste, soit l'audience d'investigation et l'arrestation préventive.
Nos médias et la société civile canadienne dans son ensemble semblent faire peu de cas d'un important débat qui a lieu en ce moment à la Chambre des communes.
Deux dispositions de la loi, qui arriveront à échéance le 1er mars, font l'objet d'une attention particulière. La première offre la possibilité aux forces de l'ordre d'arrêter quelqu'un sans mandat pour 72 heures. La seconde permet aux autorités d'obliger le témoignage d'un individu. Ces deux dispositions n'auraient jamais été utilisées. On se demande dès lors ce qui se cache derrière la volonté politique de les reconduire.
Le député libéral d'Etobicoke-Nord, Roy Cullen, qui avait pourtant voté contre le projet de loi avant son entrée en vigueur, est aujourd'hui un de ses défenseurs. Selon lui, la loi n'ayant conduit à aucune dérive, il n'y aurait pas lieu de la craindre. Ses arguments sont malheureusement beaucoup trop simplistes: une loi n'est pas dangereuse a priori, il faut attendre et en constater les effets avant de la critiquer. Mais la loi C-36 n'est pas une loi comme les autres. Sa seule existence a pour effet de laisser aux forces de l'ordre le soin de décider ce qui est une menace terroriste et ce qui ne l'est pas.
On dit que l'affaire Maher Arar n'a rien à voir avec la loi C-36. C'est peut-être le cas. Mais on peut douter énormément du bon jugement d'un appareil policier capable d'une chose aussi grave que l'injustice commise à l'égard de Maher Arar. Notre société n'a pas fini de payer ses dettes à son égard, et la reconduction de la loi C-36 n'est très certainement pas la bonne façon de le faire.
L'usage politique de la terreur
Il existe de nombreuses raisons de rejeter l'ensemble de la loi C-36, et a fortiori ces deux dispositions, qui correspondent exactement à ce que l'on peut attendre du terrorisme, soit l'usage politique de la terreur. Il n'est pas besoin d'être un grand sage pour voir comment un tel usage n'est pas le fait des seuls terroristes. Par cette loi, on peut se demander si le véritable objectif est celui de la sécurité, celui de plaire à nos voisins ou de conforter une partie de la population dans l'idée selon laquelle nous sommes en guerre avec un ennemi omniprésent, puissant, sournois et bien organisé. À ce sujet, on lira avec profit le mémoire intitulé La Loi antiterroriste de 2001: une loi trompeuse, inutile et... dangereuse sur le site Internet de la Ligue des droits et libertés (www.liguedesdroits.ca).
Le 28 septembre 2006, le Congrès des États-Unis a adopté un projet de loi sur la détention et le jugement des terroristes présumés (Military Commissions Act of 2006). Cette loi a été signée par le président Bush le 17 octobre dernier.
Le projet de cette loi a été l'objet d'un très grand nombre de débats, notamment, mais pas seulement, dans le monde universitaire. Il a été également précédé de nombreuses révélations sur les cas réels de torture pratiquée par des militaires américains, dont la plus importante est le scandale entourant la torture des prisonniers d'Abou Ghraïb.
Malgré tout, jamais n'avait-on assisté à une telle expansion des pouvoirs exécutifs aux États-Unis, ce qui donne lieu à un arbitraire extrêmement dangereux. L'administration Bush peut se féliciter d'avoir réinventé la guerre froide, avec un ennemi, le terrorisme, idéologiquement encore plus malveillant que naguère l'ensemble du Bloc de l'Est.
Nous pouvons peu de choses sur le cours de la politique américaine, qui nous touche pourtant de très près. Mais nous disposons par contre d'un pouvoir sur nous-mêmes et nous nous devons de revenir en arrière et lutter contre la folie du discours sécuritaire. [...]
Christian Nadeau, Professeur, département de philosophie, Université de Montréal


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