La politique crée souvent des alliances étranges.
Surtout quand un parti politique, comme la CAQ, se conçoit d’abord et avant tout comme une «coalition», mot défini dans mon Petit Robert comme «une réunion momentanée [...] de personnes dans la poursuite d’un intérêt commun».
La Coalition avenir Québec a le vent dans les voiles avant la pause politique estivale. Elle annonce «belles prises» sur «belles prises» : l’Olympienne Isabelle Charest dans Brome-Missisquoi ; le neurologue réputé Lionel Carmant dans Taillon ; l’ancienne conseillère des Parizeau et Harel, Christine Mitton, dans Laval-des-Rapides.
Mais quel sera le ciment qui unira toutes ces fortes personnes? Je me le demande. Si c’est simplement le pouvoir ou le désir de mettre fin aux «15 années» libérales, cela pourrait bien ne tenir que «momentanément», comme le dit la définition.
Laïcité ou prière?
Prenez le ralliement de Jean Tremblay à la CAQ, dévoilé lundi par TVA. Ancien libéral, Tremblay a promis qu’il travaillerait bénévolement pour la formation de François Legault.
Voilà une alliance pour le moins étrange. D’abord parce que l’ancien maire de Saguenay Jean Tremblay a incarné la lutte contre la neutralité religieuse et la laïcité, au nom du lien historique entre le Québec et la religion catholique.
On se souvient de sa croisade juridique pour conserver son droit de prononcer une prière religieuse au début de chaque conseil municipal.
Une pratique que... François Legault avait rejetée en avril 2015, après que la Cour suprême a débouté Tremblay : «La solution est toute trouvée. Il s’agit d’utiliser exactement la méthode qu’on a ici, à l’Assemblée nationale, c’est-à-dire d’avoir un moment de recueillement.»
Plus globalement, comment réconcilier les positions de Tremblay sur la place du religieux dans notre société et celles de la CAQ, qui veut abolir la loi 62 et en adopter une autre plus stricte sur la laïcité?
Couacs
En fait, les couacs sont nombreux dans le concert de la CAQ.
La pratique shylockienne de l’entreprise dans laquelle le président de la CAQ Stéphane Le Bouyonnec était impliqué, jugée non conforme aux valeurs de la CAQ selon le caquiste Éric Caire.
Pensons à cet autre candidat Éric Girard, présenté comme le potentiel ministre des Finances caquiste, qui avait eu cet aveu contradictoire avec le discours de la CAQ : «Ça n’aurait pas été complètement farfelu que j’aille avec le Parti libéral. Il s’est fait du bon travail là.»
Le médecin Lionel Carmant, qui soigne des enfants avec l’huile de cannabis, a défendu des positions presque en porte-à-faux avec celles de la CAQ sur la légalisation du pot.
L’économiste Youri Chassin, candidat dans Saint-Jérôme, a promis de mettre ses convictions quasi libertariennes de côté pour obtenir l’investiture.
Bien sûr, tous les partis, dans notre régime, sont plus ou moins des coalitions. Notre mode de scrutin y pousse.
Mais la CAQ est la formation la plus éclatée idéologiquement, comme son ancien logo multicolore — qui aurait donné la nausée à un caméléon — l’illustrait bien.
C’est un de ses défis les plus grands pour l’élection qui vient.