J’ai grandi à Arvida au Saguenay dans les années 50 et 60. Comme tout le monde, mon père travaillait pour l’Alcan. À l’époque, les anglophones formaient environ 1% de la population du Saguenay. Les contremaîtres (qu’on appelait foreman naturellement), qui étaient très majoritairement francophones, s’adressaient à leurs supérieurs en anglais. Avec la Révolution tranquille et la montée indépendantiste qui a suivi, les choses ont changé.
Enfin, je croyais… Avec cette histoire incroyable de commission parlementaire sur l’ubérisation de l’industrie du taxi dont une séance s’est déroulée quasi complètement en anglais, j’ai l’impression de retourner cinquante ans en arrière.
Le député péquiste Joël Arseneau a eu le mot juste lorsqu’il a parlé d’une formidable métaphore. On utilise la langue du maître pour discuter avec lui d’un projet de loi qui lui déroule un boulevard. Pire, au moment même où se tenait cette commission, des chauffeurs d’Uber d’un peu partout dans le monde protestaient contre leurs bas salaires. Et le représentant d’Uber d’en rajouter en demandant une baisse de moitié de la contribution projetée pour dédommager en partie les chauffeurs expropriés…
Décidément, pour Uber, l’expression « avoir du front tout le tour de la tête » est un euphémisme. Un auteur aurait campé une scène quasi surréaliste pour décrire le ridicule de la situation qu’il n’aurait pas fait mieux.
Pour ma part, j’ai honte de ceux qu’on appelle mes représentants. Et tant qu’à revenir en arrière, je paraphraserai les Dupont et Dupond : « je dirais même, je dirais même plus », je me sens humilié!
Photo : UQAM