Comment Philippe Couillard peut-il être contre l'abolition du Sénat?

B2b00ebb95a14312dc0a5eb09dd6db7d

La défense des parasites






Le premier ministre Philippe Couillard s’est récemment prononcé contre l’abolition du Sénat. Pardon? C’est une assemblée poussiéreuse, archaïque, de non élus, qui coûte une fortune. C’est une planque pour organisateurs politiques et candidats défaits. C’est un club indigne, dont au moins le tiers des membres ont abusé de leurs privilèges selon le Vérificateur général du Canada. Neuf dossiers sont tellement hors normes, qu’ils ont été transférés à la GRC. Et il faudrait garder ça? 


 


Difficile de considérer un autre scénario tant le Sénat est discrédité. Mais serait-il possible, paradoxalement, que ce qu’on a fait du Sénat justifie sa nécessité?


 


Le Sénat actuel est une honte. Mais il est une honte parce qu’il a été détourné de sa mission par la turpitude de la politique partisane. Stephen Harper, qui promettait de le réformer, l’aura plutôt enfoncé dans la disgrâce comme aucun autre premier ministre. 


 


Dans la plupart des fédérations du monde, l’Allemagne, l’Espagne, les États-Unis, l’Italie, la Suisse, et le Canada bien sûr, on trouve un parlement bicaméral, à deux chambres. La chambre basse est celle des députés élus au suffrage universel. Cette chambre représente la population. L’autre chambre, la chambre haute, représente les entités fédérées, comme des régions, et ses membres sont élus ou nommés selon des méthodes qui varient considérablement d’un pays à l’autre.


 


Dans tous ces pays, on a jugé bon d’avoir cette chambre haute pour modérer l’action de la chambre basse. C’est-à-dire que la chambre basse, comme elle représente la population en nombre, peut prendre des décisions désavantageuses pour des régions moins populeuses ou pour des groupes minoritaires faiblement représentés. De là, la pertinence de soupeser ses décisions. Certains diront qu’il y a des tribunaux pour invalider des lois et protéger les minorités. Ce sont toutefois des démarches qui sont longues et coûteuses. Effectuer un deuxième examen par un sénat sage et éclairé serait à l’avantage de tous. Mais on n’y est pas. Ou on n’y est plus.


 


Et si on n’y est plus, c’est parce que le premier ministre Harper a ridiculisé le Sénat en enchaînant, pour son propre profit politique, de mauvaises nominations : Mike Duffy, Pamela Wallin, Patrick Brazeau. On pourrait ajouter Jacques Demers, un gentilhomme, à n’en point douter, mais en quoi remporter une Coupe Stanley peut procurer le bagage nécessaire à l’évaluation de textes de loi? 


 


En fait, Stephen Harper a tellement diminué le Sénat, qu’en abusant de son privilège de premier ministre élu pour nommer des sénateurs indignes, il a démontré par l’absurde la nécessité d’avoir une véritable chambre haute formée de sages. 


 


C’est donc le monde de nomination des sénateurs qui doit être revu, bien plus que l’existence même de la chambre haute. Si, par exemple, l’Assemblée nationale proposait pour nomination au Sénat une courte liste de citoyens reconnus pour l’ampleur de leur contribution à la société; si la même procédure était mise en œuvre d’un bout à l’autre du pays, le Sénat retrouverait sa crédibilité et son utilité.


 


Abolir le Sénat, comme le propose le NPD, est peut-être même impossible en vertu de la constitution et des règles d’amendement. Le PLC a proposé une voie probablement plus réaliste en expulsant les sénateurs libéraux de son caucus. Les 32 sénateurs jusqu’alors libéraux sont désormais indépendants, sans appartenance partisane. 


 


Dans son opposition à l’abolition du Sénat, le premier ministre Couillard invoque le maintien du poids politique du Québec dans le pouvoir fédéral. C’est un autre point important à considérer. Comme la population du Québec croît plus faiblement qu’ailleurs au Canada, les révisions successives de la carte électorale fédérale entrainent une érosion du poids du Québec à la Chambre des communes.


 


Or, au Sénat, la représentation est fixe. Le Sénat se compose de 105 membres : 24 pour le Québec; 24 pour l’Ontario; 24 pour les provinces de l’Ouest (c’est-à-dire 6 pour chacune, Colombie-Britannique, Alberta, Saskatchewan, Manitoba); 24 pour le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et l’Île-du-Prince-Édouard; et 9 pour Terre-Neuve-et-Labrador, les Territoires du Nord-Ouest, le Yukon et le Nunavut. (Il y a actuellement une vingtaine de postes vacants.)


 


S’il est incontestable que le Sénat dans sa forme actuelle est devenu dysfonctionnel et embarrassant, son élimination n’est pas nécessairement la bonne solution et elle serait particulièrement désavantageuse pour le Québec.


 



Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé