Rapport Grenier sur Option Canada

Comment les indépendantistes doivent-ils agir et réagir?

Option Canada - Rapport Grenier - les suites

Depuis plus d'un an, plusieurs dans le mouvement indépendantiste entretenaient des espoirs par rapport au rapport que le juge Bernard Grenier devait rendre public concernant les actes frauduleux que les fédéralistes ont posés en 1995 afin de s'assurer malhonnêtement de la victoire. Ces militants naïfs ne peuvent qu'être déçus aujourd'hui. Et pourtant, les indépendantistes ne devraient pas être déçus, puisqu'une telle conclusion était écrite dans le ciel. Tout cela était plus que prévisible.

Au cours des derniers mois, plusieurs indépendantistes - et non les moindre - étaient très sérieusement convaincus que les conclusions du juge Grenier seraient de nature à mousser l'option, peut-être même suffisamment pour qu'il soit enfin possible de foncer rapidement vers l'indépendance. De telles suppositions ont même figuré semble-t-il parmi les éléments de réflexion de la direction péquiste quant à savoir si le PQ devait aller en élections afin de prendre Jean Charest en défaut. Que la naïveté soit aussi répandue dans nos rangs a de quoi surprendre. Pire : c'est très inquiétant. Il faudra bien un jour ou l'autre que tous, dans le mouvement indépendantiste, comprennent qu'en guerre (une guerre politique est une guerre tout de même), les règles de « fair-play » ne tiennent plus. Il faudra également que les indépendantistes cessent de se boucher les oreilles lorsque certains parmi leurs frères d'armes tentent de leur faire comprendre que leur position naïve est néfaste pour la cause. Admettre que l'on fait fausse route n'est jamais chose aisée, mais c'est certainement un premier pas vers la victoire.

Dès janvier 2006, l'équipe du Québécois publiait un article décapant sur le juge Bernard Grenier, qui venait tout juste d'être désigné par le Directeur général des élections du Québec (DGEQ), Marcel Blanchet, comme celui devant faire la lumière dans le dossier Option Canada. Rappelons que Robin Philpot et Normand Lester venaient tout juste à l'époque de publier un livre incriminant pour plusieurs grosses pointures fédéralistes, dont plusieurs occupent toujours des fonctions politiques importantes aujourd'hui. Dans cet article du Québécois, nous révélions que Bernard Grenier avait un bilan politique qui ne pouvait être qu'inquiétant pour les troupes indépendantistes. À nos yeux, le fait que Grenier fut notamment conseiller spécial des ministres fédéraux de la Justice Martin Cauchon et Irwin Cotler le discréditait complètement en tant que responsable de ladite enquête.

Dans cette optique, comment se surprendre aujourd'hui que le rapport du juge Grenier ne soit qu'un chapelet d'euphémismes pour décrire les agissements frauduleux de certains fédéralistes? Aucune condamnation, aucun blâme, que de simples « conclusions défavorables » pour ces individus qui auraient, selon Grenier, simplement manqué de « vigilance » (sic). Un manque de vigilance qui fit que les fédéralistes ont dépensé frauduleusement au moins un demi million de dollars dans la campagne référendaire (mais l'évidence est que c'est beaucoup plus que ça), violant la démocratie québécoise et volant le référendum aux Québécois. Un demi million de dollars, voilà la somme qui, selon le juge Grenier, a été dépensée frauduleusement et pour laquelle on peut prouver qu'il y ait eu malversation. Pourquoi le juge Grenier ne condamne-t-il pas tous les responsables de cette fraude? Bien sûr, son enquête n'a pas, nous le savons, de portée légale. Au moins, peut-on pointer au public ceux qui ont fraudé ou permis la fraude? Le juge s'en abstient. Toutefois, le juge Grenier a pu établir que l'organisme de choc des fédéralistes en 1995, Option Canada, a dépensé au moins 11 millions de dollars dans l'aventure référendaire québécoise.

Mais ce qui devait arriver, arriva! Le juge Grenier n'a pu enquêter pour les dépenses relevant du gouvernement fédéral, puisque le DGEQ n'a pas la juridiction pour faire la lumière sur ce qui se passe hors-Québec, que ce soit au fédéral ou dans les autres gouvernements provinciaux (dans de telles circonstances, pourquoi avoir lancée une telle enquête dès le départ, aventure qui a coûté 2 millions aux contribuables québécois?). Quel système pourri à l'os que le régime fédéral canadien! Rendons tout de même à César ce qui lui appartient : les fédéraux savent s'y prendre intelligemment pour « écraser les séparatistes » et contrôler la démocratie québécoise. De cette façon, nous ne pourrons jamais savoir le fond de l'histoire d'Option Canada. Le financement du « love-in » d'octobre 1995? Jamais nous n'en connaîtrons l'origine ni l'ampleur. Il ne faut pas être naïf, jamais les fédéraux ne dévoileront eux-mêmes leurs fraudes et leurs malversations! Et nul autre ne pourrait le faire, car le système ne le permet pas.

Qu'à cela ne tienne, le PQ, le Bloc et d'éminents indépendantistes semblent assez crédules pour penser que le gouvernement fédéral s'enquêtera lui-même pour révéler ses propres fraudes et se discréditer lui-même! Il est en effet assez navrant de voir la réaction des milieux indépendantistes eu égard au rapport Grenier, alors qu'on demande à Ottawa de s'enquêter lui-même pour faire la lumière sur Option Canada. Si nous voulons vaincre, le mouvement indépendantiste devra cesser un jour de vivre dans le rêve et se sortir la tête du sable.

La réaction du mouvement indépendantiste devrait plutôt être de montrer, à l'aide de l'affaire Option Canada, que le régime fédéral canadien est prêt à tout quand vient le temps de violer la démocratie québécoise et que, après 250 ans de colonialisme, ce système est si bien huilé qu'il est impossible de savoir ce qui se magouille (avec notre argent) derrière les portes closes des « war rooms » anti-séparatistes d'Ottawa. Il s'agit d'expliquer aux Québécois que le Canada est prêt à toutes les illégalités pour les maintenir dans le carcan canadien. Dans les années 1960-1970, la Gendarmerie royale du Canada faisait brûler des fermes au nom du FLQ et volait la liste des membres du Parti Québécois. Aujourd'hui, les fédéraux usent de financements illégaux afin de brimer le droit du peuple québécois à disposer de lui-même. C'est une méthode différente, mais l'objectif est le même. Voilà ce qu'il faut comprendre et dénoncer et non pas brailler en demandant à Ottawa de s'enquêter lui-même!

Décidément, il est plus que temps que les indépendantistes comprennent qu'ils sont engagés dans une guerre politique où il n'y a pas de « fair-play ». Il leur faut comprendre qu'ils ne sont pas dans de nouveaux épisodes de Passe-Partout! Ensuite, il leur faudra bien se préparer en conséquence pour ne pas se faire voler encore une fois la liberté à laquelle rêve le peuple québécois depuis des générations maintenant. Depuis 1995, les fédéraux savent que nous pouvons vaincre et ils se préparent toujours plus sérieusement en prévision de la prochaine fois. Nous, les indépendantistes, pouvons-nous en dire autant?


Pierre-Luc Bégin
Dir. Éditions du Québécois

Patrick Bourgeois
Dir. journal Le Québécois


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