À lire les médias canadiens-anglais, depuis l’élection de Justin Trudeau, le Canada serait devenu le pays de toutes les merveilles. À l’aube de son 150e anniversaire, on le dépeint comme l’épicentre mondial de la tolérance, de la fierté et de la paix. On se croirait en plein conte de fées.
Le jour de la fête du Canada, dans sa dernière chronique au Globe and Mail, mon respecté collègue Jeffrey Simpson s’ajoutait au concert d’éloges patriotiques.
Se réjouissant de la fin des «débats existentiels» sur le Québec, la plus grande réussite du pays, écrivait-il, est toutefois d’avoir «intégré» des millions d’immigrants «sans le moindre ressac politique».
Bref, il ne reste plus qu’à régler la question autochtone. Qu’à cela ne tienne, «un jour», selon M. Simpson, «il y aura un Obama autochtone, un leader transcendant d’unité et d’espoir». Il suffisait d’y penser...
Le ministre des Affaires étrangères, Stéphane Dion, voit même en Justin Trudeau l’antidote à la xénophobie et à l’intolérance qui montent ailleurs sur la planète.
Discours et image
S’il est vrai qu’autant de panégyriques frôlent le narcissisme national et un périlleux sentiment de supériorité morale, en minimiser l’impact politique serait néanmoins une erreur. Car derrière les hyperboles se cache aussi un certain fond de vérité, même s’il commande plusieurs nuances majeures.
Sous un angle plus analytique, on y voit en fait l’apparition d’un discours politique résolument post-Harper, antipolarisation et antiaustérité. Dans un monde violent où les écarts de richesse se creusent aussi dangereusement, ce discours traduit avant tout l’image non conflictuelle et rassurante que dégage Justin Trudeau lui-même.
Cette image repose à son tour sur le socle d’une «diversité» tous azimuts, décomplexée et élevée au rang de «valeur» nationale. En couvrant un large spectre social, cette «diversité» devenue «valeur» se distingue du «multiculturalisme» plus idéologique de Trudeau père.
Pour les souverainistes, cela pose déjà en soi un très sérieux défi. Et ce n’est pas tout...
Disparu du radar
Justin Trudeau caracole toujours au sommet des sondages, y compris au Québec. La «question nationale», sous toutes ses formes, a bel et bien disparu du radar canadien.
Quant au Parti québécois, il doit aussi une part de son recul à ses 20 ans de silence sur son option et à la référendophobie dont il souffre lui-même depuis 1996.
Sans compter le temps précieux perdu au pouvoir à s’entêter sur des «signes religieux» au lieu de plancher sur une promotion renouvelée de la souveraineté et de la social-démocratie tout en faisant un premier pas plus consensuel vers la laïcité.
Tout mettre sur le dos du «multiculturalisme» comme un mantra rate aussi le coche. Offrir une vision claire où la «diversité» est tout aussi invitante et possible au sein d’une nation francophone serait nettement plus inspirant.
La course à la chefferie du PQ étant officialisée, le moment est propice à une vraie mise à jour. La suite dira si les candidats en seront ou non vraiment capables.
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