LONDRES, CORRESPONDANT - Goldman Sachs joue-t-elle double jeu en trahissant ses clients et, par ricochet, vos fonds de placement, chers lecteurs ? Greg Smith, l'ancien trader qui dénonce son mépris de l'éthique la plus élémentaire de la vie des affaires, dans une tribune publiée mercredi 14 mars dans le New York Times, a raison et tort à la fois.
Raison, car ce conflit d'intérêts est inhérent au casino spéculatif planétaire, pariant sur tout et n'importe quoi, qu'est devenue la célèbre banque d'affaires américaine. Obsédée par sa puissance, elle n'a plus d'états d'âme, avançant ses pions sur l'échiquier mondial par le truchement d'un réseau de pouvoir politique inégalé et d'un système ultra-sophistiqué de collecte et de partage de l'information.
De surcroît, la culture de cette institution, qui prétend, selon son PDG, Lloyd Blankfein, "faire le travail de Dieu", a dérivé, l'amenant trop souvent à faire passer ses intérêts avant ceux de ses clients. Le recrutement des meilleurs et la pression maximum du Kill or die ("Tue ou meurs") conduisent l'institution à franchir trop souvent la ligne blanche de la morale.
Qu'importe le service aux clients puisque, au nom du culte de la victoire à tout prix, tous les coups sont permis, quitte à "plumer" ces derniers pour remplir les caisses et gonfler les primes de fin d'année !
Mais Greg Smith a aussi tort. Ses critiques sont valables pour l'ensemble du secteur financier, comme l'atteste la crise des crédits subprimes de 2007-2008 ou le cataclysme de la dette souveraine. Si Goldman Sachs, aujourd'hui joli bouc émissaire des affres des seigneurs de l'argent, n'existait pas, il aurait fallu l'inventer. Après tout, les clients qui lui ont acheté des produits "pourris" n'étaient pas des enfants de choeur, mais des investisseurs sophistiqués, disposant d'équipes de spécialistes pour évaluer ce qu'on leur proposait.
Pour sortir de l'ornière, Goldman Sachs doit revenir au premier principe de sa charte, "les intérêts de nos clients priment". Pour ce faire, la banque doit se recentrer sur ses deux points forts, les activités de conseil et la gestion de patrimoine au détriment des activités spéculatives. C'est pourquoi les traders qui détiennent le pouvoir, Lloyd Blankfein et son numéro deux, Gary Cohn, doivent partir. Seule la nomination d'un banquier d'affaires traditionnel à sa tête permettra à "la Firme" de retrouver son aura.
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