La position canadienne dans la course pour un siège au Conseil de sécurité peut se résumer en deux constats: premièrement, dans l'état actuel des choses, nous ne méritons pas cette place; deuxièmement, compte tenu de nos mérites passés, nous avons de bonnes chances de la décrocher.
Je ne suis pas la seule à le dire. En fait, je ne fais que résumer l'opinion de quelques personnes qui s'y connaissent bien. À commencer par Paul Heinbecker, ancien ambassadeur du Canada aux Nations unies, qui a dirigé la dernière opération de charme du Canada devant l'ONU il y a 12 ans.
À l'époque, nous faisions face aux Pays-Bas et à la Grèce pour l'obtention de l'un des deux sièges non permanents réservés à ce qu'on appelle, dans le jargon onusien, le WEOG - un groupe qui rassemble les pays d'Europe occidentale et quelques autres, dont le Canada.
À cette époque, dès le départ, l'élection du Canada était considérée comme quasiment acquise, un peu comme l'est aujourd'hui celle de l'Allemagne. La campagne électorale avait été féroce, se souvient Paul Heinbecker. Pour gagner le coeur de la planète, la Grèce avait organisé un voyage culturel dans ses îles pour les représentants des 192 pays membres de l'ONU. Rien de moins.
Et le Canada, lui? Un voyage au Nunavut? Pas du tout. Seulement une représentation du Cirque du Soleil à New York, rappelle l'ancien ambassadeur.
Mais les plus beaux voyages et les meilleurs spectacles ne suffisent pas à gagner sa place à la table du Conseil. Quand ils tracent leur croix sur le bulletin de vote, les ambassadeurs à l'ONU sont influencés par deux grands facteurs, selon Paul Heinbecker: l'attitude du «pays candidat» face aux Nations unies et son attitude face aux questions internationales qui comptent aux Nations unies. Or, dans les dernières années, le Canada a failli sur les deux plans.
Rappelons-nous que, il y a un an à peine, Stephen Harper a préféré aller inaugurer un centre d'innovation de Tim Hortons à Oakville plutôt que d'assister au premier discours de Barack Obama devant l'Assemblée générale de l'ONU! Cet étrange choix a laissé des souvenirs. Assez pour que des gens se demandent pourquoi le Canada veut à tout prix siéger à une organisation qu'il n'a pas hésité à bouder de façon aussi ostentatoire.
Pour ce qui est des questions qui comptent, on n'a pas fait mieux. À plusieurs reprises, l'attitude du Canada lui a aliéné telle ou telle autre partie de la planète. En bloquant les négociations climatiques à Copenhague, on a perdu pas mal d'amis européens, par exemple. En changeant notre politique d'aide étrangère pour viser davantage l'Amérique latine, on a perdu quelques amis en Afrique.
Mais surtout, notre changement de cap dans le conflit du Proche-Orient, avec un alignement inconditionnel sur Israël, nous a fait perdre des amis un peu partout. À commencer par les 57 pays musulmans dont plusieurs avaient l'habitude de voter en faveur du Canada.
Ottawa a voulu corriger le tir en accueillant les sommets du G8 et du G20, au mois de juin dernier. C'est peu et c'est tard. De plus, là encore, on a réussi à se faire des ennemis. «Nos plus grandes réalisations ont été d'empêcher l'adoption d'une taxe bancaire et de promouvoir une politique de santé maternelle qui a reçu très peu de soutien», résume Errol Mendes, politologue à l'Université d'Ottawa.
Nos engagements militaires ne plaident pas trop en notre faveur non plus. «Oui, nous sommes présents en Afghanistan et nous avons payé le prix fort, mais c'est tout», dit Paul Heinbecker. Récemment, le Canada a refusé de diriger la mission de paix en République démocratique du Congo - autre occasion ratée de montrer qu'on a notre place à la table des grands.
En fait, la seule chose que le Canada peut mettre à son crédit, c'est sa grandeur passée. L'époque où il a joué un rôle de premier plan dans la lutte contre l'apartheid, par exemple. Ou celle où il a été l'architecte de la Cour pénale internationale, ou encore quand il a fait campagne en faveur d'une convention internationale des droits des enfants.
Il n'y a pas que Lester B. Pearson. Des premiers ministres comme Brian Mulroney et Jean Chrétien ont laissé un bon souvenir à l'ONU, peu importe leurs divergences politiques.
Les conservateurs de Stephen Harper, eux, ont «rapetissé» le Canada, déplore Errol Mendes. Tout comme Paul Heinbecker, il croit que le Canada a malgré tout des chances de gagner le vote d'aujourd'hui. Mais ce n'est pas tant grâce au gouvernement actuel que malgré lui.
En 1998, en entendant le résultat du vote, Paul Heinbecker avait poussé un grand soupir de soulagement: 131 voix, c'était à peine 3 de plus que le nombre de votes nécessaire pour entrer au Conseil de sécurité.
C'est dire que, même si l'élection du Canada est probable, l'affaire n'est pas dans le sac. Or, si le Canada devait perdre le vote au profit de son principal rival, le Portugal, ce serait l'équivalent d'une gifle planétaire assénée pour le pauvre bilan de sa politique internationale durant les années Harper.
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