Aujourd'hui, le Canada demandera à l'Assemblée générale des Nations Unies de lui accorder un siège au Conseil de sécurité. Le Canada a une belle histoire avec ce conseil: il y a siégé à six reprises depuis 1948, la dernière fois en 1999-2000. À l'exception des membres permanents de ce conseil, seulement trois pays y ont siégé plus longtemps. Notons qu'une des plus grandes richesses des Nations unies, les Casques bleus, est une idée canadienne. De plus, historiquement, le Canada est vu comme un excellent arbitre en négociation.
Pour la première fois, la demande du gouvernement canadien risque de ne pas trouver d'écho. Autrefois, une demande du Canada était pratiquement gagnée d'avance; cette fois, ce ne sera pas le cas. D'abord, pour les deux sièges disponibles, le Canada doit faire face à l'Allemagne et au Portugal qui ont également de bonnes réputations internationales. Ensuite, la prestation canadienne des dernières années n'est pas la plus reluisante.
Rigidité conservatrice
La faute est à mettre au crédit de la rigidité du gouvernement Harper dans ses positions internationales et son incapacité à construire son soft power, cette capacité d'influer sur les décisions des autres gouvernements sans avoir recours à des moyens contraignants. Cette approche des politiques internationales décrite pour la première fois au début des années 1990 est assise sur trois sources: le prestige des institutions d'un État, les valeurs et les politiques internes du gouvernement, ainsi que la politique et l'attitude que celui-ci entretient dans ses relations internationales.
La première source est suffisamment indépendante du gouvernement pour ne pas être véritablement affectée par les grands changements qui y surviennent. Toutefois, les deux dernières sont particulièrement sensibles au gouvernement en poste et à ses politiques.
Ainsi, lorsqu'un gouvernement défend des valeurs universelles, il marque des points au tableau de son soft power, ce qui lui permet de gagner de l'influence. Cependant, si ce gouvernement prétend partager de telles valeurs, mais que la réalité vient contredire ses prétentions, il verra son soft power fondre rapidement. C'est précisément ce que vit le gouvernement Harper.
Droits de la personne
À la base de ses relations internationales, le gouvernement Harper prétend défendre «les grandes valeurs canadiennes que sont la liberté, la démocratie, le respect des droits de la personne et de la primauté du droit». Cette liste de valeurs a été répétée à maintes reprises à la Chambre des communes, dans les discours et dans les communiqués de presse du premier ministre et de ses ministres.
Cependant, les révélations sur le traitement des prisonniers afghans transférés par les forces canadiennes aux autorités afghanes laissent entendre que les droits de l'homme ne sont pas une véritable priorité pour ce gouvernement. Ensuite, les prorogations de la Chambre des communes, le refus des ministres de remettre les documents que les comités de la Chambre leur demandent et les retards dans le traitement des demandes d'accès à l'information montrent que ce gouvernement réfute le principe selon lequel il est responsable devant la Chambre et qu'il ne se plie pas aux règles de la démocratie.
De plus, les dernières révélations sur le SCRS démontrant qu'il n'hésiterait pas à utiliser de l'information obtenue sous la torture vont à l'encontre du respect des droits de la personne. Et finalement, l'obstination du gouvernement à ne pas rapatrier Omar Khadr, dernier prisonnier occidental à la prison de Guantanamo, malgré les décisions des cours fédérales et d'appel dans ce dossier, donne l'impression que ce gouvernement se place au-dessus de la loi.
Inconséquence
Faire de beaux discours et de belles promesses à l'ONU, comme ce fut le cas la semaine dernière, n'est pas suffisant pour construire un soft power solide. Les gestes doivent s'harmoniser aux paroles. Dans sa démarche pour obtenir ce siège, le Canada prétend vouloir donner une voix de plus à l'Afrique au Conseil de sécurité. Toutefois, il y a environ deux ans, le Canada a retiré une grande partie de son aide à l'Afrique pour se concentrer sur l'Amérique du Sud. Encore une fois, le geste n'est pas cohérent avec le message.
Il en résulte, sur le niveau international, un énorme déficit de crédibilité pour le Canada et un soft power réduit à néant. D'ailleurs, au moment de négocier de grands accords, comme ce fut le cas à la conférence de Copenhague sur l'environnement, en décembre 2009, le Canada n'a même pas été invité à la table des négociations, alors qu'il est membre non seulement du G20, mais également du G8. C'est également cette réalité qui lui coûtera très cher en appuis alors qu'il se présente aujourd'hui devant l'Assemblée générale de l'ONU pour se faire élire au Conseil de sécurité.
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Frédéric Mayer - Étudiant à la maîtrise à l'ENAP
Conseil de sécurité des Nations unies
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