Au Québec, nous avons tendance à nous méfier des politiciens campés de façon trop rigide dans une idéologie. Nous préférons des gens avec un bon sens pratique, capables de s’adapter aux situations. Des gens qui sont capables de faire la part des choses entre leurs convictions personnelles et la réalité des événements.
Stephen Harper a été souvent décrit comme un idéologue. Relisez la revue de presse de sa décennie au pouvoir, vous verrez que dans la presse québécoise, il fut souvent dépeint comme le porteur féroce d’une idéologie de droite. Le mot « dangereux » idéologue traînait toujours en filigrane comme pour faire peur au monde.
Justin Trudeau n’a jamais été dépeint comme un idéologue. Son côté jovial, bon enfant, tout projette l’image d’un homme souple. Son élection fut présentée comme une libération pour le Canada, la fin de l’idéologie Harper.
Certes en 2015, le Canada est passé d’un homme plutôt à droite à un homme plutôt à gauche. Cela est une évidence. Mais sommes-nous réellement passés d’un idéologue à un leader plus pragmatique ? Et si c’était l’inverse...
L’épreuve des faits
À la fin de l’été 2008, une crise financière a cogné dur, mettant fin à un cycle économique favorable. En peu de temps, cette crise financière a dégénéré en crise économique. Grave. Stephen Harper faisait adopter des budgets équilibrés depuis son arrivée au pouvoir. Il faut dire qu’il héritait de finances saines grâce à Paul Martin. Des budgets sans déficits, cela coïncidait parfaitement avec ses convictions politiques.
Au Québec, on a aimé présenter Stephen Harper comme un idéologue. Et si Justin Trudeau l’était davantage ?
Comment le premier ministre Harper a-t-il réagi à la crise ? Une réaction idéologique aurait été de s’entêter à équilibrer le budget. Stephen Harper déteste les emprunts et les dettes des gouvernements. Mais ce n’est pas ce qu’il a fait.
Le gouvernement Harper a choisi l’approche pratico-pratique en de telles circonstances : un gouvernement qui dépense en période de crise pour maintenir une stimulation de l’économie et amoindrir la récession. Monsieur Harper a laissé son ministre des Finances déposer des budgets avec des déficits allant jusqu’à 50 milliards.
Il s’est montré tout sauf idéologue. Ceci dit, sa vision plus à droite l’a encouragé à dépenser massivement dans des programmes d’infrastructures temporaires, faciles à stopper après la récession. Beaucoup plus sage que de dépenser dans l’embauche de fonctionnaires, qui engendre une sortie de fonds pendant des décennies à venir.
Justin Trudeau
Comparons avec l’approche qui a guidé Justin Trudeau dans la préparation de son budget de cette semaine. Le contexte économique est exactement contraire. Plutôt qu’une récession, nous avons une poussée économique, une période exceptionnellement favorable.
Justin Trudeau est plus à gauche. Il tolère les déficits. Mais dans des circonstances aussi favorables, l’homme pragmatique aurait quand même évité d’emprunter inutilement. Monsieur Trudeau creuse le déficit par choix. Sa décision est purement idéologique.
Évidemment, vous n’avez lu nulle part que monsieur Trudeau est un idéologue (à la frontière d’être dangereux). Il faut croire que lorsque ça se passe à gauche, les yeux changent.