Chemin de fer à haute vitesse

Montréal doit privilégier le corridor Montréal-New York

TGV : Montréal - Windsor/ Montréal - New York



Gaëtan Lafrance a récemment remis en question le choix du JetTrain de Bombardier dans le projet du corridor Québec-Windsor. Avec ses 200 km/h, ce train fait pâle figure à côté des TGV européens qui font plus de 350 km/h. De plus, souligne-t-il, si les TGV sont électriques et ne polluent pas, le JetTrain, lui, a un moteur thermique qui pollue. Tous auront compris que le choix du JetTrain a été dicté par des considérations économiques et non pas écologiques.
Bien plus que le choix du type de train, les Montréalais devraient remettre en question l'idée de développer un corridor ferroviaire aussi peu dense que celui de Québec à Windsor. La non-rentabilité d'un TGV ultra-rapide dans ce corridor s'explique avant tout par la faible densité de population qu'il serait appelé à desservir. D'où l'obligation de laisser de côté le lièvre TGV au profit de la tortue JetTrain.
Le problème avec le projet de corridor Québec-Windsor, c'est sans doute que personne n'en parlerait si la frontière canado-américaine n'existait pas. Dans une Amérique du Nord sans frontière, ce projet n'aurait aucune chance de tenir la route. À l'échelle du continent, l'axe Québec-Montréal-Toronto-Windsor est marginal depuis déjà longtemps. Il l'est même devenu pour Montréal elle-même depuis la création de l'ALÉNA.
Dans l'évolution des grandes métropoles de notre continent, il y a un phénomène généralement ignoré ou du moins négligé par les Montréalais et c'est celui de la soudure qui est en train de se faire entre les agglomérations nordiques de la Fall Line, cette ligne de faille qui part de New York et va jusqu'à l'Alabama en passant par Philadelphie, Baltimore, Washington, Richmond (Virginie), Macon (Géorgie) et Colombus (Géorgie). Les tissus urbains de New York et de Philadelphie sont en train de se souder, tout comme ceux de Baltimore et de Washington. Certaines données internationales prennent déjà en compte ce phénomène en fusionnant les populations de New York et de Philadelphie et en faisant de même avec celles de Baltimore et de Washington. Bien plus, les tissus urbains de Philadelphie et de Baltimore sont aussi sur le point de se rejoindre. L'immense conurbation linéaire qui va de New York à Washington compte aujourd'hui quelque 27 millions d'habitants. Cela est considérable par rapport aux 9,5 millions d'habitants de l'ensemble Toronto-London-Windsor-Detroit.
31 millions d'habitants reliés
Pour une distance équivalant à celle entre Québec et Windsor (soit 1200 kilomètres), un chemin de fer à haute vitesse pourrait relier Washington, Baltimore, Philadelphie, New York, Albany, Montréal et même Tremblant. Une telle liaison desservirait une population totale de plus de 31 millions d'habitants, alors qu'une liaison Québec-Windsor n'en desservirait que 13,5 millions, soit 2,3 fois moins. Par ailleurs, la topographie, qui donne naissance à la conurbation de la Fall Line, favorise depuis toujours une liaison entre Montréal et New York grâce aux vallées de l'Hudson et du Richelieu.
L'axe Washington-New York-Montréal est inscrit dans la géographie, mais il a aussi un sens plus élevé. Ces trois villes ont en commun une vocation internationale. Elles sont sans doute celles qui regroupent le plus d'organismes internationaux en Amérique du Nord. Depuis les débuts de l'ALÉNA, cet axe a aussi un sens économique et commercial de plus en plus prononcé. Même du point de vue touristique, il séduit. La région de Tremblant pourrait fort bien, grâce à un TGV desservant le corridor Washington-New York-Montréal-Tremblant, devenir la destination naturelle des vacanciers de la conurbation de la Fall Line à la recherche de pentes enneigées l'hiver et d'air plus frais l'été.
Montréal ne devrait pas courir deux lièvres à la fois. Entre le corridor Québec-Windsor et le corridor Montréal-New York, il faut privilégier le second. Et entre un corridor Montréal-New York et un corridor Tremblant-Montréal-New York-Washington plus ambitieux, il ne faut vraisemblablement pas se contenter du premier. Dans ce dernier corridor, le choix d'un vrai TGV s'imposerait de lui-même et le JetTrain pourrait être réservé à la desserte du mini-corridor Toronto-Windsor. Si jamais le nouveau gouvernement du Québec recherche un projet enivrant et vraisemblablement rentable, celui-là devrait attirer son attention.
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Luc-Normand Tellier
Département d'études urbaines et touristiques de l'UQAM


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