Les députés bloquistes ont beau être ravis d’avoir recruté Yves-François Blanchet pour leur course à la chefferie, des militants du parti craignent quant à eux un couronnement. Les présidents d’association bloquiste consultés par Le Devoir estiment que le parti a grandement besoin de tenir un débat sur la direction du Bloc québécois.
Yves-François Blanchet confirmait, lundi, qu’il briguerait la succession de Martine Ouellet. Seul un militant et agriculteur de Portneuf, Christian Hébert, a lui aussi annoncé la même intention pour l’instant. Le député Michel Boudrias y réfléchit, mais n’a pas pris de décision.
« À titre personnel, je trouvais et je continue de trouver que c’est important d’avoir plusieurs candidatures », fait valoir au DevoirJacques Binette, président de l’association de circonscription d’Honoré-Mercier. « Je ne voudrais pas qu’il y ait un couronnement — que ce soit M. Boudrias, qui est intéressé, ou M. Blanchet. Ça nous prend plusieurs candidats et candidates. C’est important pour amener des débats. »
M. Binette évoque les déchirements qu’a vécus le Bloc l’an dernier, lorsque Martine Ouellet voulait miser d’abord sur la défense de la souveraineté sur toutes les tribunes alors qu’une majorité de son caucus voulait défendre les intérêts du Québec. « La façon d’agencer tout ça, d’un point de vue stratégique, ce sont des débats importants qui doivent se tenir. »
Son association d’Honoré-Mercier n’avait pas pris position lors de la crise sur le leadership de Mme Ouellet, mais M. Binette appuyait l’ancienne chef. Il déplore aujourd’hui qu’Yves-François Blanchet ait été « assez dur avec elle et assez injuste ».
Autre partisan de Martine Ouellet, Jocelyn Beaudoin de Shefford estime lui aussi que le projet de refondation du Bloc doit nécessairement être accompagné de débats. Et une course à la chefferie serait l’occasion de mobiliser les membres et « de donner plus d’attention médiatique positive » au parti. À son avis, le débat sur l’orientation du Bloc est réglé depuis que Mme Ouellet a perdu son référendum, en juin, mais la stratégie du parti pour allier la défense des intérêts du Québec et l’indépendance peut encore être discutée.
Le président d’Ahuntsic-Cartierville, André Parizeau, était quant à lui dans le camp contre Martine Ouellet, mais il préférerait également une course à un couronnement. « Je trouverais ça intéressant qu’il y ait une vraie course à la chefferie, confie-t-il au Devoir. C’est toujours une bonne chose. »
Leur collègue Yvon Lévesque, d’Abitibi, croit en revanche que dans le contexte actuel un couronnement serait acceptable, puisque l’élection fédérale est dans moins d’un an et que les coffres du Bloc québécois ne débordent pas d’argent.
Yves-François Blanchet rétorque que l’éventualité d’un couronnement ne lui appartient pas. Il martèle qu’il n’a pas réclamé d’avoir le champ libre. Certains avaient rapporté le contraire, en coulisse. « Ça ne me dérange pas qu’il y ait, ou pas, d’autres candidats. J’ai même l’impression que notre campagne va amasser assez d’argent pour financer une course à la direction », plaide M. Blanchet en entrevue.
Pas d’élection partielle
S’il est élu chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet ne briguera pas d’élection partielle pour faire son entrée aux Communes.
« Je pense que ça ne vaut pas la peine », insiste-t-il, puisqu’une partielle au printemps lui offrirait un siège alors qu’il ne resterait que douze semaines à la session parlementaire.
La rumeur veut que Justin Trudeau tienne l’élection partielle à Outremont au mois de février. S’il n’y a pas d’autres candidats à la chefferie bloquiste, M. Blanchet serait élu par acclamation le 15 janvier — date limite des mises en candidature. S’il y a une course, celle-ci se conclura le 24 février.
L’aspirant chef bloquiste assure que la crise qui a déchiré le parti est terminée. « Je suis convaincu que cette division est finie. Et que les possibles amertumes que ça a laissées vont être relativement faciles à gérer. »