(Québec) À l'instar d'autres entreprises privées, le Canadien de Montréal se donne comme mission de fournir du matériel aux écoles québécoises. Le ministère de l'Éducation paie même le riche club de hockey pour son initiative. Cela n'a aucun sens. Il y a confusion des rôles. Que chacun regagne sa patinoire!
L'intrusion d'entreprises privées dans les écoles par le biais de matériel pédagogique, de publicité ou de concours n'est pas nouvelle. Il y a 10 ans, le milieu scolaire avait mené une réflexion sur le sujet et le ministre de l'Éducation de l'époque avait invité les écoles à la prudence.La vigilance a manifestement été relâchée, et ce, au sein même du ministère de l'Éducation. La Presse révélait hier que des écoles utilisaient des fascicules réalisés par le Canadien de Montréal, dans les cours de français, de mathématiques, d'anglais et d'éducation physique de la troisième à la sixième. Le quotidien indiquait également que le club avait reçu un quart de million de dollars du ministère pour sa production.
C'est inconcevable. Au lieu de tenir les vendeurs hors du temple de l'école, le ministère consent des fonds publics pour qu'une entreprise millionnaire puisse vendre sa salade aux écoliers. Ne nous leurrons pas, il s'agit bel et bien d'un exercice de marketing de la part du Canadien. Le but du club n'est pas que les petits Québécois maîtrisent mieux leur français ou leurs maths. Mais bien qu'ils connaissent et qu'ils consomment du hockey et des produits dérivés aux couleurs de l'équipe. Or, la loi interdit la publicité auprès des enfants.
Dans une récente entrevue à L'actualité, le président du Tricolore, Pierre Boivin, explique que le Canadien a entrepris de rajeunir sa clientèle, notamment par un programme qui permet de donner des billets aux élèves de cinquième année. «Dix ou 11 ans, c'est un âge critique. C'est là qu'on adopte certaines habitudes de vie», affirme-t-il. Les fascicules à saveur pédagogique font sûrement partie de la stratégie.
Comment expliquer que le ministère de l'Éducation, des directions d'école et des enseignants ne voient pas la manoeuvre? La population est en droit de s'attendre à un meilleur jugement et à un plus grand sens critique de leur part.
Le Canadien a beau être une institution centenaire, il est sur le même pied que les autres entreprises à but lucratif et n'a pas à fournir du matériel pédagogique aux écoles. Le ministère de l'Éducation et les commissions scolaires ont leur équipe de professionnels pour faire ce travail. Des maisons d'édition proposent aussi leurs titres. La réforme a d'ailleurs nécessité le renouvellement des outils utilisés en classe. En comptant sur le Canadien, le milieu scolaire révèle davantage un manque de jugement que de ressources.
Certains essaient de se justifier en soutenant que le matériel du Tricolore permet de mieux rejoindre les garçons. C'est un fait qu'un texte parlant de Guillaume Latendresse est plus accrocheur qu'un texte de Gabrielle Roy. Mais suivant cette logique, va-t-on demander à CoverGirl de suggérer des textes pour les filles potentiellement décrocheuses?
Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de collaboration possible entre le milieu des affaires et celui de l'éducation. Au contraire. Le soutien de tous les acteurs de la société est essentiel à l'école, d'autant plus dans une province où le taux de décrochage atteint 29 %. Le rôle de chacun doit toutefois être bien défini.
Si le Canadien veut être utile, des joueurs devraient prononcer des conférences pour promouvoir la persévérance. Expliquer qu'ils n'ont pas atteint la Ligue nationale sans effort. Dire aussi aux jeunes qu'ils renonceront au minimum à un million de dollars dans leur vie s'ils ne complètent pas leur cinquième secondaire. Tout le monde n'a pas le talent pour gagner des millions de dollars en jouant au hockey.
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