Karim Ouchikh réagit au départ de Florian Philippot. Ce départ, selon lui, a l’avantage d’obliger Marine Le Pen à clarifier la ligne du FN, celle de Florian Philippot n’étant pas partagée par l’immense majorité des adhérents et des cadres. Mais ce départ ne règle pas tout, tout cela étant symptomatique d’un mal plus grave : le FN peine à fonctionner selon les standards d’un parti moderne.
Florian Philippot a annoncé son départ du Front national après plusieurs jours de tensions visibles avec Marine Le Pen.
Quelle est votre première réaction, vous qui avez eu certains différents avec Florian Philippot au sein du Front national ?
Je crois que cette démission amène à une certaine clarification idéologique au sein du Front national.
Florian Philippot portait une vision du combat politique qui n’était pas partagée par l’essentiel des troupes frontistes.
Cette vision était totalement partagée avec Marine Le Pen. Marine Le Pen et Florian Philippot étaient en totale communion l’un et l’autre. Je dirais même que l’un entrait parfaitement en résonance vis-à-vis de l’autre et vice et versa.
Mais cette ligne politique qu’incarnaient Marine Le Pen et Florian Philippot n’était évidemment pas partagée par l’essentiel des adhérents et des cadres à tous niveaux.
Le fait que Florian Philippot quitte le Front national permet, et en tout cas oblige Marine Le Pen, à clarifier la ligne du Front national.
Je voudrais aller plus loin dans mon propos.
Le départ de Florian Philippot ne règle pas tout.
Il était le symptôme d’une maladie, d’une pathologie plus grave qui frappe directement Marine Le Pen.
Le Front national est un parti qui a du mal à fonctionner selon des canons politiques modernes. Il présente un certain nombre de travers dans sa gouvernance.
Le défi de Marine Le Pen consiste aujourd’hui à surmonter ces travers.
Le Front national est un parti puissant qui a un écho considérable dans l’esprit et le coeur de beaucoup de nos compatriotes.
Elle doit faire en sorte que cette machine politique fonctionne sans que ses cadres et ses militants souffrent.
Au-delà de la clarification de la ligne politique, un autre défi de Marine Le Pen sera de créer les conditions d’une pacification des débats internes, d’un mode de régulation et d’une gouvernance apaisée.
Vous avez vous-même dit que Marine Le Pen et Florian Philippot étaient d’accord sur beaucoup de choses.
Elle reste malgré tout le chef de ce parti. C’est elle qui avait fait venir Florian Philippot et elle qui avait choisi cette ligne pour la campagne présidentielle.
Certains remettent en cause sa place même de chef du parti. Est-ce votre cas ?
Je n’ai pas de recommandations à formuler à ce sujet.
On doit essayer de faire crédit à Marine Le Pen d’une volonté de remettre en ordre son parti après la double défaite cinglante des élections présidentielles et législatives.
Je lui fais par conséquent crédit d’une volonté de refonder sincèrement le Front national et de prendre à bras le corps ce double défi dont je vous ai parlé.
Marine Le Pen doit à la fois rapidement clarifier la ligne idéologique du Front national et y instaurer un mode de gouvernance apaisé.
Si elle parvient à surmonter ses travers personnels et ce mal-être que le Front national a subi bien des années, avec Marine Le Pen à sa tête, je crois qu’elle a toute légitimité pour rester à la tête de ce parti et même de le conduire vers d’autres victoires.
C’est un travail considérable qu’elle doit faire sur elle-même et autour d’elle. Elle doit démontrer qu’elle est capable de dépasser ses limites et ses travers. S’ils sont importants, elle a aussi d’énormes qualités par ailleurs.
Elle doit aussi prouver qu’elle a la capacité à rassembler.
Moi qui suis à la tête du SIEL, je peux témoigner combien il a été difficile d’entrer en dialogue avec le Front national de Marine Le Pen. Ce parti fonctionne selon un schéma très hégémonique, et qui refuse toute alliance réelle.
Le Rassemblement Bleu Marine qui devait être la structure abritant toutes les sensibilités patriotes autour de sa personne n’a jamais fonctionné tout simplement parce que le Front national de Marine Le Pen n’a jamais voulu d’espace à d’autres acteurs politiques que le Front national.
Là aussi si elle veut véritablement tendre la main à tous les Français, et notamment les Français de droite, elle devra apprendre à travailler collectivement et laisser au rassemblement auquel elle aspire une véritable réalité. Ce n’est pas le cas pour l’instant.