Je dédie cette chronique à l’imam de mon enfance, celui qui m’a appris à dessiner mes premières lettres d’alphabet arabe sur une tablette en bois (louha).
Il m’avait tellement fascinée par son intelligence et sa voix d’or, que je retournais à l’école coranique pour poursuivre mon apprentissage, auprès de lui, parallèlement à ma scolarité à l’école publique.
C’était l’époque où les imams étaient des personnages qu’on respectait pour la sincérité de leur foi, leur honnêteté et leur piété. Ils étaient entièrement dédiés à leur fonction.
Ne pas se prendre pour Dieu
Imam, en arabe, signifie celui qui se met devant (amam). Dans l’islam sunnite majoritaire (90 % des musulmans du monde), c’est celui qui guide la prière commune, dans une mosquée donnée, notamment le vendredi (salat al joumouâ).
1. Dans les pays musulmans, on distingue généralement deux types d’imams : al hafidoun, ceux qui ont appris le Coran par cœur et qui connaissent les rites et pratiques de l’islam.
Ce sont de simples « fonctionnaires du culte ». Le cas échéant, un simple fidèle reconnu pour sa maîtrise du Coran peut être désigné par les fidèles pour remplir la tâche.
2. Al alimoun (les savants), qui, en plus de leur connaissance approfondie du Coran, sont reconnus, par les gouvernements, pour leurs compétences théologiques. Ces alimoun ou oulamas sont appelés parfois à émettre des « opinions juridiques » en matière de charia, opinions qui n’ont qu’un caractère d’avis.
Par contre, dans l’islam chiite minoritaire, l’imam, qu’on nomme aussi ayat ullah (manifestation de Dieu), est plus qu’un simple guide religieux.
Au sommet de la hiérarchie, il est le chef suprême, spirituel et temporel, de l’ensemble de la communauté. En Iran, seul pays musulman officiellement chiite, l’ayatollah Khomeiney en est l’incarnation.
En Occident, on a tendance à associer les imams aux prêtres. Or, s’il est vrai que le catholicisme repose sur une hiérarchie ecclésiastique, l’islam sunnite majoritaire n’a pas de clergé.
Le rapport des musulmans à Dieu est sans intermédiaires. Il leur est commandé d’acquérir le savoir par eux-mêmes, notamment celui de leur religion. Nul n’a donc besoin de s’agenouiller devant un imam pour confesser ses péchés. L’expression de la foi est une démarche de responsabilité et non de culpabilité.
Ils n’ont à répondre de leurs actes que devant Dieu et Lui seul peut juger de leur conduite.
Il n’y a donc pas d’autorité religieuse en islam sunnite qui peut juger de la foi des musulmans. À moins que les imams instrumentalisent l’islam à des fins politiques.
Au service du salafisme
C’est la stratégie mise de l’avant par l’Arabie saoudite qui a mis ses pétrodollars au service de l’expansion de l’idéologie salafiste, en formant et en déployant des milliers d’imams radicaux dans de nombreux pays, notamment le Canada.
Depuis, les mouvances islamistes se sont diversifiées dans leurs structures, leurs stratégies et leurs sources de financement.
En 2014, c’est un obscur imam salafiste, Abou Bakr Al-Baghdadi, qui s’est proclamé calife de l’État islamique et a livré un djihad sanglant en Irak, en Syrie.
En Occident, c’est de l’intérieur que ces groupes mènent leur djihad juridique contre la démocratie. En France, il a fallu les attentats pour qu’on se résigne à expulser des dizaines d’imams salafistes.
Plus près de nous, le 22 novembre 2011, c’est l’imam de la mosquée de Brossard, Foudil Selmoune, qui a fait l’apologie de la charia au Canada, au Téléjournal de Radio-Canada. Une controverse qui ne semble pas l’empêcher de dormir.
Jusqu’à la commémoration de l’attentat de Québec, une tragédie qui nous affecte tous, qui a été instrumentalisée, dans le mépris le plus total de la mémoire des défunts, pour en faire une journée nationale contre l’islamophobie. Le premier ministre, Justin Trudeau, y réfléchit toujours.