Assis sur un bout de trottoir, derrière la scène du Boulevard Robert-Bourassa, les jeunes porte-paroles qui ont marché aux côtés de Greta au premier rang de la manifestation sont un peu sonnés. C’est fini. Ils se prennent dans les bras, ils rient nerveusement, le regard parfois hagard, parfois rempli de larmes. La plupart d’entre eux étaient là en février, lors des premières marches pour le climat, qui rassemblaient une petite centaine de jeunes les vendredis. Ils ont du mal à réaliser que près d’un demi-million de personnes viennent de participer à la grève ce 27 septembre, que Greta Thunberg était parmi eux.
« On est partis de rien et on a déjà créé un mouvement historique, on a prouvé qu’on peut changer les choses, dit Eve Grenier Houde, co-porte-parole des élèves de secondaire. Ce n’est que le début, ça va être une révolution. »
Tant que les gouvernements ne proposent pas d’engagements concrets qui mènent à la carboneutralité, les militants expliquent qu’ils ne lâcheront rien. Et promettent d’utiliser tous les moyens de pression à leur disposition pour poursuivre leur lutte pour le climat. Grèves, actions de désobéissance civile, manifestations : « Le Québec n’a encore rien vu », assure Eve Grenier Houde.
Pour Marouane Joundi, lui aussi co-porte-parole des étudiants, il ne faut pas s’arrêter en si bon chemin. Le matin, il s’est adressé à tous les responsables politiques : « Vous n’allez pas pouvoir nous éviter longtemps, parce que ce que nous menons c’est une guerre contre la destruction, contre l’injustice. »
« Vous n’allez pas pouvoir nous éviter longtemps, parce que ce que nous menons c’est une guerre contre la destruction, contre l’injustice. »
Parmi les projets qui doivent être abandonnés en urgence selon les militants, il y a Trans Mountain, le projet de port méthanier GNL Québec, et le 3e lien, projet de tunnel routier visant à relier les rives du Saint-Laurent entre Québec et Lévis. Autre priorité pour la coalition : s’attaquer à la question de la protection des territoires autochtones, qui subissent des répercussions importantes des changements climatiques.
« Le pire est à venir, nous dit David Suzuki pendant la marche, et c’est ce que Greta et les autres jeunes sont en train de réaliser. Ils seront de plus en plus désespérés s’il n’y a pas d’actions radicales du gouvernement. »
Le Canada doit être exemplaire, selon les militants, notamment parce que le pays se réchauffe, en moyenne, à un rythme deux fois plus élevé que le reste de la planète selon les conclusions d’un rapport d’Environnement Canada publié en avril 2019.
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En grignotant des carottes et du houmous sur le bord de la route, les jeunes discutent du nouveau rapport du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) publié mercredi, qui prévient que les répercussions pour la vie sur Terre seront pires au cours des prochaines décennies, si l’on ne réduit pas de façon drastique les émissions de gaz à effet de serre imputables à l’activité humaine.
« C’est quand même incroyable d’ignorer la science, non? Tout est là, c’est fatigant! » s’exclame Zak Lavarenne, un étudiant qui a presque perdu sa voix après des heures à crier des slogans.
La fatigue, Béa Mellet, une élève de secondaire, en a accumulé. Le papillon vert qu’elle a dessiné sur le front ne suffit pas à masquer son épuisement. Elle a d’ailleurs parlé de cette fatigue avec Greta, lors de la discussion privée qu’elle a eue avec un petit groupe de jeunes : « Ça parait qu’elle est épuisée, on l’est tous un peu. On a parlé de la lourdeur de son rôle. Elle dit qu’elle n’a rien demandé, que ça aurait pu être n’importe qui, mais que c’est tombé sur elle. Elle s’ennuie de sa soeur et de son pays. »
« Tant que notre avenir ne sera pas assuré, on continuera à se battre »
« Les cours lui manquent, Greta nous a dit qu’elle avait hâte de retourner à l’école, explique Eve Grenier Houde, la porte-parole des élèves de secondaire. Avant de confier partager également ce sentiment. « Mais tant que notre avenir ne sera pas assuré, on continuera à se battre », dit-elle.
Le prochain rendez-vous de la mobilisation est fixé à la semaine du 7 octobre, lors de laquelle le groupe Extinction Rebellion organisera des actions de désobéissance civile. Suivront des jours de grève et de mobilisation organisés par la coalition des étudiants, élèves du secondaire, les ONG et les collectifs pour le climat.
Au moment de quitter le trottoir pour partir célébrer le succès de cette manifestation monstre avec ses amis, Marouane Joundi veut dire un dernier mot : « Quoi qu’il arrive, on a plus d’énergie que les politiciens, et crois-moi, on y arrivera, la pression ne fait que commencer. »