Le «procès», le nom catalan désignant le processus devant mener à la sécession avec l’Espagne (et qui donne de l’urticaire à Madrid), rebondit à la surprise générale. Donné pour mort, sa résurrection s’est produite samedi grâce au «sacrifice» du messianique leader Artur Mas qui, fin 2012, avait entamé le bras de fer avec Madrid dans le but de «rompre tous les liens avec le reste de l’Espagne». Aux dernières régionales, en septembre 2015, sa liste séparatiste avait emporté le scrutin, mais sans majorité absolue. Pour l’obtenir, il fallait absolument le soutien des dix députés du mouvement d’extrême gauche anticapitaliste de la CUP, mais ce dernier refusait obstinément d’appuyer l’investiture d’Artur Mas, un libéral de centre-droit qui depuis trois ans a appliqué des remèdes de cheval pour juguler le déficit public et obéir aux injonctions de Bruxelles.
Le «salut» des séparatistes a été obtenu in extremis, au terme de négociations interminables entre les membres de la coalition disparate. Comment ? Samedi, Artur Mas a (enfin) accepté de ne pas être le chef de file, et le choix s’est reporté sur une personnalité qui rassemble davantage : Carles Puigdemont, 54 ans, maire de Gérone et président de l’association des municipalités pro-Indépendance, l’AMI.
Linguiste de formation, ancien rédacteur en chef du journal souverainiste El Punt, Puigdemont s’est fait connaître pour son radicalisme anti-espagnol et pour sa «disposition pleine et entière à proclamer l’Etat catalan libre et souverain». Il fut un des plus actifs artisans de la résolution d’indépendance approuvée le 9 novembre dernier par le parlement autonome à Barcelone – même si cette résolution a été ensuite invalidée par le Tribunal constitutionnel, à Madrid.
Indépendants dans un an et demi ?
Les élections régionales qui devaient se répéter en mars n’auront donc pas lieu. Ce dimanche, Carles Puigdemont doit devenir le 121e président de la Generalitat, l’exécutif autonome catalan. Jamais avant lui un leader n’aura hérité d’une mission aussi précise qu’extravagante : la coalition séparatiste s’est engagée à obtenir l’indépendance en 18 mois !
A court terme, d’ici février, il devrait faire approuver au Parlement régional (où il dispose dorénavant d’une majorité absolue, avec les sièges de la CUP) trois lois d’envergure pour préparer le terrain à la déclaration d’indépendance : la mise en place formelle d’un «processus constituant», une réforme de la sécurité sociale et une autre de l’agence fiscale, de telle sorte que ces deux entités ne soient plus placées sous juridiction espagnole, mais catalane.
Pour Madrid et le reste de l’Espagne, où toutes les formations voient cette dynamique centrifuge avec grande inquiétude et colère, la mise en selle de Puigdemont est une très mauvaise nouvelle. Même les indignés de Podemos s’y opposent, quoique ceux-ci prônent, «par souci démocratique», la tenue d’un référendum d’autodétermination. L’actuel chef du gouvernement, le conservateur Mariano Rajoy, qui cherche en vain des partenaires pour former une coalition après avoir perdu la majorité absolue lors des législatives du 20 décembre, a proposé à son rival socialiste Pedro Sanchez la formation d’un gouvernement d’union nationale «afin d’assurer la stabilité de l’Espagne face au défi sécessionniste».
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