Les purs et durs

Bons boucs émissaires

L’ultime fruit de nos efforts sera un pays. C’est ça le message qu’il faut passer

Tribune libre - 2007

J'aimerais réagir à deux textes publiés dans Le Devoir, le premier daté du
26 avril sous la plume de Martin Aumais, un texte intitulé [« Le PQ doit se
redéfinir»->6226], et un autre texte, celui-là rédigé par Antoine Robitaille,
titré [« Revenir à Lévesque »->6169], publié le 23 avril .
Dans un premier temps, j'aimerais aborder la perle clientéliste suivante
de M. Aumais : « Le PQ ressemble à un club sélect où le programme est
développé par et pour les militants. On est loin des préoccupations des
Québécois, qui ont peu à faire des débats sur les référendums ou sur les
élections référendaires. Il faut arrêter d’avoir peur de perdre la base
radicale militante qui dicte le programme du parti. Qu’on soit d’accord ou
pas, les électeurs ont toujours raison.»
Ma première question: dans ce parti où M. Aumais nous explique que le
programme est, normalement, développé par et pour les militants, quelle est
cette base radicale militante dont le parti devrait se départir?
Si le PQ ressemble à un club select, ça n'a rien à voir avec une supposée
base militante radicale. Cela relève plutôt de cette mentalité d'autruche
montréalaise du leadership du PQ, inspirée par ce nationalisme civique
trudeauiste que le PQ singe depuis le départ de Jacques Parizeau.
M. Aumais semble ignorer volontairement un fait important, c'est que le
leadership du PQ est débranché de sa base depuis longtemps et que certains
militants du PQ, tout aussi radicaux qu'ils puissent l'être, ont très peu
d'influence auprès de ce leadership.
Un exemple pertinent et récent de cette déconnexion avant les élections de
mars 2006 : la nationalisation de l’éolienne proposée par le SPQ Libre et
le refus d’André Boisclair avec son entourage néolibéral, qui veillent
plus aux intérêts de Bay street, plutôt que de ceux de la société
québécoise.
Je crois que la lecture de M. Aumais des préoccupations des québécois par
rapport aux débats référendaires passe à côté de certaines évidences :
c'est que beaucoup des membres du PQ ne sont pas du tout obsédés par la
tenue d'un référendum suite à une élection hypothétique d’un gouvernement
du PQ, même minoritaire.
En tant qu’indépendantiste, pour moi, le référendum n’est rien d’autre
qu’un des outils potentiels en vue de l’accession à l’indépendance de
notre nation. Comme bien des membres de ce parti, je suis animé du désir
de voir naître le pays du Québec et je veux m'assurer que c'est également
la volonté du leadership de mon parti d’en faire la promotion coûte que
coûte, avec un chef qui, au-delà des idées à la mode et des sondages sur les
référendums, tiendra toujours le même discours, c'est-à-dire, la promotion
de l’indépendance culturelle et économique d’un Québec français.
Ce parti doit revenir à l’essentiel, c'est-à-dire qu’il doit travailler
sans relâche à rallier tous les québécois pour ce projet d’accession à
l’indépendance. En 1995, on a réussi à rallier plus de 60% des québécois
de souche. Mais, avec ces règles du jeu dictées par nos maîtres, ce
n’était pas suffisant.
On ne devrait pas être révoltés et rester calmes face à ce constat !
Non. Beaucoup de militants du PQ sont très déçus de voir que le
leadership du PQ arbore cet inoffensif manteau du nationalisme civique, ce
qui a eu l’effet de diviser et de démobiliser les québécois.
Je vous mets au défi de parler à n'importe quel québécois indépendantiste
et je crois que vous trouverez qu'il y a un consensus à savoir que la quête
pour l'indépendance du Québec tire ses origines d'une volonté
d'émancipation, cette volonté est issue d'un cadre identitaire commun qui
est à la base même de notre récit historique, un volonté de préserver un
Québec français.
C'est justement sur ce plan qu'il faut voir que des types comme MM.
Michaud et Parizeau sont devenus des boucs émissaires commodes pour ce
nouveau type de leadership du PQ, Lucide Bouchard en tête.
Comme conclusion pour son texte, M. Aumais finit avec ces mots: « Les
militants devront comprendre que le PQ ne peut dicter ses volontés aux
Québécois, car en réalité, ce sont les Québécois qui dictent leur volonté
aux partis politiques. Et c’est ce qu’ils ont fait le 26 mars en votant
massivement pour l’ADQ.»
Là, M. Aumais nage dans la fiction pure. Il faut voir que les électeurs
réagissent à ce que proposent les leaders des différents partis, ceux-ci
endossant une approche provincialiste de gouvernement, même le PQ. En
terme d’exemples de ce que j’avance, il faut se souvenir des promesses de
baisses d’impôt de Jean Charest en 2003 et en 2007; les positionnements
de Mario Dumont sur la constitution du Québec et les accommodements
raisonnables ainsi que ses propositions fiscales ciblant les familles,
notamment un chèque hebdomadaire de 100$ par enfant. C’est évident
qu’André Boisclair ne faisait pas le poids avec sa feuille de choux
provincialiste. une plate-forme qui évacuait le côté identitaire de ce que
revêt notre lutte. Beaucoup de ses autres promesses de la campagne de 2006
sont déjà oubliées chez beaucoup de gens.
De surcroît, je ne connais aucun indépendantiste qui tient à dicter quoi
que ce soit à qui que ce soit. Il me semble que si beaucoup des membres du
PQ ont des problèmes avec certains leaders récents de ce parti, c’est que
ces leaders n’ont tout simplement pas su livrer la marchandise et ce,
malgré un contexte favorable à notre cause. Je pense ici aux révélations
découlant du scandale des commandites et les nombreuses démonstrations de
l’incompétence et de la corruption du parlement canadian et les services
gouvernementaux fédéraux, particulièrement ceux de l’environnement, des
finances, des transports, de la GRC et de l’armée.
***
Maintenant, j’aimerais passer au texte passéiste d’Antoine Robitaille
nommé [« Revenir à Lévesque »->6169].
Tout d'abord, voici la conclusion de son texte : « « Depuis la gaffe de
Jacques Parizeau » au sujet de « l’argent et des votes ethniques », les
péquistes sont « honteux », dit Robert Comeau. « Ils ont voulu se blanchir
en disant qu’ils n’étaient pas nationalistes, qu’il fallait abandonner les
mots "majorité francophone", en ne parlant plus des racines historiques de
ce projet », dit-il. Ce nationalisme éthéré, désincarné a peut-être poussé
bien des nationalistes québécois vers l’ADQ, aux dernières élections, elle
dont le patriotisme semblait peut-être plus incarné. « Au fond, le PQ
devrait revenir aux idées de René Lévesque », conclut Robert Comeau qui
était à la fois un Québécois enraciné et un nationaliste. »
Contrairement à M. Comeau, à Lucien Bouchard ou à d’autres des hautes
sphères du PQ, je ne crois pas qu’il y ait eu beaucoup de membres du PQ – ou de simples citoyens québécois francophones quant à ça - qui auraient été
frappés de honte ou offusqués face aux propos de M. Parizeau le soir du
référendum de 1995. Au contraire, après onze ou douze ans, je pense que
beaucoup de gens ont compris, suite aux révélations sur Option-Canada et
les tendances des votes des nouveaux arrivants assimilés au ROC, que M.
Parizeau avait tout à fait raison de soulever ce viol flagrant du processus
démocratique québécois par le pouvoir fédéral et certains groupes
culturels, et ce, afin que tous les québécois puissent en débattre sur la
place publique, en incluant ceux des groupes culturels qui votent à 90% et
plus pour les libéraux et contre l’indépendance dans les mêmes proportions,
pour qu'on puisse enfin accéder à un débat que devrait animer les forces
indépendantistes pour essayer de dialoguer avec ces communautés
récalcitrantes à l'endroit de notre cause.
Il faut bien se rendre à l’évidence que la volonté d’émancipation des
québécois, se manifestant de génération en génération, rencontre une
certaine hostilité de la part des anglos et de leurs sympathisants
assimilés, d’un bout à l’autre du Canada.
L’histoire du Royaume-Uni et de l’Irlande du Nord, de même que notre
propre histoire - en tant que peuple - devrait nous faire comprendre que
nous sommes ici confrontés à des ennemis implacables en regard de notre
cause. Ces loyalistes et leurs serfs ne ménagent rien pour nous mettre des
bâtons dans les roues. Alors, on devrait fermer notre gueule et faire
comme ce gentleman ghandiste Benoit Pelletier et tendre l’autre joue en
attendant que le fruit devienne mûr, ou pourrisse?
L’ultime fruit de nos efforts sera un pays. C’est ça le message qu’il
faut passer.
Je suis d'accord avec l'idée qu'en tant que peuple, nous devons faire
l'indépendance pour nous-mêmes. Mais, selon moi, c'est pas pour autant
qu'il faut être complaisant envers nos ennemis...
Il faut se prononcer en ce sens et engager tout le monde sur le terrain
des débats publics qui se présentent à nous.
À r'voyure
Daniel Sénéchal
Montréal
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --


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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    28 avril 2007

    M. Sénéchal, je partage votre analyse à un certain niveau. Bon nombre de personnes ont voté pour l'ADQ non pas pour les politiques de droite au niveau économique de Dumont, non pas à cause de la tenue rapide d'un référendum, mais bien parce que celui-ci incarnait mieux que Boisclair notre peuple de par son discours.
    Qu'en sera-t-il dans le futur pour son discours et ses gestes cela reste à voir mais le fait est que Mario Dumont incarnait mieux l'essentiel du peuple québécois par son ancrage historico-culturel plus fort.
    C'est bel et bien le discours faisant peu de cas des racines identitaires de la nation québécoise qui a été le talon d'Achille de M. Boisclair.
    Il faut comprendre que les Québécois veulent un pays pour le peuple québécois. Respectueux certes des gens arrivés de fraîche date mais qui n'est pas une copie conforme du Canada. Donc qui articule le pays à bâtir autour de la souche canadienne-française sans opérer une rupture avec son passé.
    Ce n'est pas là être passéiste, conservateur ou borné. C'est être nationaliste point. Car en effet si rien ne nous distingue comme nation, qu'on n'a plus de culture, pas d'histoire,... À quoi bon l'indépendance? Rappelons-nous qu'il y a davantage que la langue et l'égalité entre les hommes et les femmes qui nous distinguent.
    Il y a une limite à tout vouloir lessiver, à lessiver notre histoire et notre culture,..., pour plaire à de nouveaux arrivants qui voudraient qu'on efface tout cela de la place publique pour qu'eux se sentent encore plus chez eux.
    Peut-on se faire respecter sans se faire dire qu'on est intolérant ou raciste? Peut-on être accueillant sans s'effacer et sans effacer toutes les marques de notre mémoire collective?
    Si ça continue la tendance à vouloir aseptiser tout l'espace public ça va être plate tantôt au Québec.
    Et nous n'aurons plus aucun repère pour nous rappeler qui nous sommes. Si nous ne sommes plus rien, il n'y aurait plus d'indépendance à l'horizon... Il y aurait l'assimilation.
    Arrêtons de nous laisser dire que nous sommes racistes aussitôt que nous abordons ces thèmes.
    Nous avons bien le droit d'exister comme peuple et de vouloir un pays comme d'autres nations dans le monde.
    Ce sont des fédéralistes qui ont profité des occasions ou les ont suscitées pour que nous réprimions nos élans nationalistes parce qu'ils savent très bien que c'est cette fibre nationaliste qui est le principal ressort pour amener les gens à voter pour la souveraineté.

    Et de fait, statistiquement, en regardant froidement les chiffres des résultats référendaires en 1995 dans chaque comté, qui pourrait nier que M. Parizeau pouvait analyser que l'argent et des votes ethniques ont fait perdre ce référendum. Comme chef du camp du Oui, il pouvait constater cela.
    Et quand on sait que bien des gens ont reçu leur citoyenneté à une vitesse record à cette époque, tout cela faisait partie de l'analyse du résultat.
    Pour ce qui est de l'argent, les récentes années nous ont amplement montré jusqu'à quel point l'argent est utilisé pour acheter la conscience des Québécois.
    En terminant souhaitons que M. Boisclair cède son siège de chef parce que justement lui et sa garde rapprochée ont failli à la tâche.
    Le peuple québécois est davantage qu'une société de droit. Voilà ce que M. Boisclair et les gens qui l'appuient ne saisissent pas assez.
    Fleurdelys

  • Michel Gendron Répondre

    28 avril 2007

    Monsieur Sénéchal,
    À mon avis, M. Daunais n'a pas tort. Je suis indépendantiste et de gauche, mais je me considère tout de même pragmatique. Vous savez sans doute que pour prendre le pouvoir, les souverainistes doivent faire le plein tant à gauche qu'à droite. Or, cette coalition vient de péter au frète. Il est clair, selon moi, que le PQ n'a pas su adapter sa stratégie et ses tactiques à la réalité concrète. Par exemple, le programme de 2005 exige la tenue du référendum rapide, et ce coûte que coûte. Selon vous, est-il judicieux d'avouer à l'ennemi qu'on a les 2 pieds coulés dans le ciment! Oui, comme M. Daunais, je crois que le PQ s'est concocté un programme à l'image de ses militants (centre-gauche), ce qui est OK, à la condition que les éléments les plus forts puissent convenir à une majorité de la population. Ce que je veux dire, c'est qu'il n'y a pas de mal d'être social-démocrate, mais qu'il peut-être mal perçu de vouloir imposer une social-démocratie de type "montréaliste" (c'est un exemple...). Un autre problème réside dans le fait que l'on veuille à tout prix coucher sur papier sa stratégie. La vie politique évoluant constamment, il est impensable de croire qu'une stratégie pourra servir à toutes les situations. Il y a au PQ les Purzédurs qui comprennent ça, et il y a ceux qui, doctrinaires, ne le saisiront jamais.
    Évidemment, le mal ne réside pas qu'à ce niveau. J'étais au Conseil national du 31 octobre dernier, lorsque qu'a passé la résolution du l'éolien. Comme vous, j'ai été dégoûté par le coup de force de Boisclair et de ses apparatchiks, d'autant plus que les délégués des régions concernées avaient donné leur appui à la proposition du SPQ!!!
    Par ailleurs, adapter son discours et sa stratégie en fonction de la conjoncture ne veut pas dire se soumettre aux modes du moment, c'est plutôt essayer de les placer face à leurs contradictions. Il y a des cas où une retraite stratégique peut vous faire gagner la guerre. Je vous invite à lire "L'art de la guerre "de Sun Tzu, un petit chef d'oeuvre. Il y a quelque temps, Jean Charest a avoué avoir lu ce petit traité chinois. J'en doute, cependant...
    D'autre part, quand M. Daunais affirme que l'électorat à toujours raison, il est clair pour moi qu'il ne verse pas dans le populisme. Dans une démocratie, c'est le citoyen qui, ultimement, décide. Et ce citoyen a décidé de patiner davantage vers la droite et de placer le courant autonomiste entre nous et les fédéralistes. N'est-ca pas là une façon claire de nous dire d'aller refaire nos devoirs?
    Cela dit, je vous offre mes plus sincères salutations indépendantistes. Vous êtes un homme de débat, mais vous savez aussi respecter vos interlocuteurs. Je tenais à le souligner.
    Michel Gendron
    Membre du PQ