QUÉBEC — Le gouvernement Legault change son fusil d’épaule: il ne cherchera pas à interdire la formule d’accueil «Bonjour-Hi» dans les commerces, mais misera sur la sensibilisation.
Le ministre responsable de la langue française, Simon Jolin-Barrette, a précisé sa pensée, lundi, en point de presse à Beloeil. Il a déclaré qu’aucune loi ne sera déposée en ce sens à l’Assemblée nationale.
Plus tôt, le bureau du premier ministre François Legault était intervenu et avait indiqué que le gouvernement n’envisageait plus la mise en place de mesures coercitives pour faire du français la seule langue d’accueil au Québec.
Il s’agit là d’un changement important de discours par rapport à vendredi, alors que le ministre Jolin-Barrette laissait la porte toute grande ouverte à une interdiction du «Bonjour-Hi» dans les commerces et les services publics.
Simon Jolin-Barrette préfère maintenant parler «d’incitatifs» et de mesures de «sensibilisation» pour «accompagner les entreprises». Il pourrait cependant envoyer une directive aux sociétés d’État pour qu’elles respectent le souhait de l’Assemblée nationale concernant l’accueil en français.
«Une chose est sure, c’est que le gouvernement du Québec va mettre en place des incitatifs, parce que le français, c’est la langue qui est parlée au Québec, a-t-il déclaré lundi. Mais je n’ai pas l’intention de légiférer sur la question unique du Bonjour-Hi.»
Quelles sortes d’incitatifs prévoit-on? «Il y a plusieurs mesures qui peuvent être mises de l’avant. Vous savez, l’Office québécois de la langue française (OQLF) fait un très bon travail avec l’accompagnement des entreprises» s’est limité à dire le ministre.
Au cours des dernières années, plusieurs motions sur le français langue d’accueil ont été adoptées à l’Assemblée nationale. La plus récente, votée à l’unanimité en juin, invite tous les commerçants et les salariés qui sont en contact avec la clientèle locale et internationale à l’accueillir chaleureusement avec le mot «bonjour».
«C’est ce que l’Assemblée nationale demande, avait déclaré M. Jolin-Barrette vendredi, en réponse aux questions portant sur une possible interdiction du «Bonjour-Hi». Il y a un consensus que lorsqu’on se fait accueillir dans un endroit public, c’est le terme « bonjour » qui est utilisé, alors je réponds à la volonté de l’Assemblée nationale.»
«Je vais devoir traduire ça dans des mesures au cours des prochains mois avec la réforme que je vais proposer», avait-il poursuivi. En aucun temps n’avait-il parlé d’«incitatifs».
Le ministre avait alors cité des données de l’OQLF, selon lesquelles l’accueil en français à Montréal serait passé de 84 pour cent à 75 pour cent entre 2010 et 2017.
Malaise
Ses déclarations au sujet du «Bonjour-Hi» vendredi en ont «surpris» plusieurs, a réagi Jöel Arseneau, porte-parole du Parti québécois en matière de langue française.
«Nous, on pensait que cette solution était inapplicable. C’est ce que le premier ministre semble avoir conclu également en ramenant le ministre à de meilleurs sentiments et à d’autres priorités», a-t-il déclaré, lundi, en mêlée de presse à l’Assemblée nationale.
Surtout, cette «tergiversation» du gouvernement de la Coalition avenir Québec traduit un «malaise évident», selon lui.
«Depuis un an qu’on attend un plan d’action sur la langue et à chaque fois qu’on en parle, on dirait que la langue du gouvernement ou des ministres fourche, et puis on est obligé de revenir en arrière. Je pense qu’il est plus que temps que le gouvernement mette quelque chose sur la table», a ajouté M. Arseneau.
Simon Jolin-Barrette a hérité du dossier de la langue française le 4 septembre dernier, lorsque le premier ministre Legault a choisi de retirer ces responsabilités des mains de la ministre de la Culture, Nathalie Roy.