Boisclair peut passer à l'offensive

Université - démocratisation, gouvernance et financement


par Denis Lessard - André Boisclair avait peine à concentrer son tir et à attaquer efficacement le gouvernement libéral. Jean Charest vient peut-être de le sortir du pétrin en faisant le pari de rouvrir le débat sur le gel des droits de scolarité.
Un gros pari quand on sait que, pour profiter des problèmes d'unité des adversaires péquistes, M. Charest a choisi de hâter le pas et de déclencher dès maintenant la campagne électorale. Voter le 26 mars, dans la tête d'un organisateur libéral, signifie d'abord que les snow birds ne seront pas revenus du Sud. Mais l'élection en hiver signifie aussi que le jour du vote, les étudiants seront encore sur les campus, brouillant les cartes dans quelques circonscriptions. Dès hier matin, Louise Harel et Camil Bouchard haranguaient une poignée d'étudiants qui battaient la semelle par -20 ºC sur le campus de l'Université Laval. Deux heures plus tard, André Boisclair visait la même brèche : " La dernière chose à faire est de taxer la matière grise ", martèlera le PQ d'ici les élections.
D'ailleurs, M. Charest venait à peine de confirmer vendredi que les libéraux préconiseraient une hausse des droits de scolarité - 100 $ par année - que ses faiseurs d'images sondaient les journalistes pour savoir si, à leur avis, cet engagement risquait de ternir la campagne du PLQ. Et dès le lendemain matin, une vingtaine de membres de l'escouade antiémeutes de la SQ venaient mettre un bémol à la fête partisane des 2500 libéraux réunis à Québec. Les étudiants étaient alors une poignée pour protester contre une nouvelle annoncée la veille.
Reste à voir si ce mouvement fera boule de neige. La menace est prise au sérieux au gouvernement. Le chef de cabinet de Jean-Marc Fournier, Jean-Philippe Marois, passera toute la campagne à surveiller les organisations étudiantes.
L'ouverture que font les libéraux sur une question d'éducation est probablement ce qu'André Boisclair pouvait espérer de mieux. Sa position en faveur du gel ne peut être qualifiée d'opportuniste - c'était déjà ce qu'il prônait lors de la campagne au leadership, dont l'éducation était le thème principal. À huis clos, devant les présidents de circonscriptions, il nuançait un peu : ce gel devrait " dans un second temps " servir de mesure incitative pour que les étudiants obtiennent leur diplôme dans des délais raisonnables.
Au gouvernement, on a tôt fait de rappeler les déclarations de l'ancien ministre de l'Éducation, Sylvain Simard, qui soutenait en juin dernier que " le maintien du gel, c'est le sous-financement à perpétuité ". " Je ne crois pas que ce soit dans l'intérêt des étudiants du Québec, de la recherche et du monde de l'éducation ", avait soutenu M. Simard.
À l'interne, chez les libéraux, un membre du gouvernement explique que la décision de proposer le dégel a été passablement débattue.
Une crainte était tangible : l'annonce du dégel sans que le gouvernement ne précise le montant des augmentations envisagées. " Le débat aurait pu déraper vite ", confie-t-on - les libéraux avaient déjà dégelé ces frais, pour les tripler...
Avec 100 $ par année, la réplique des libéraux est prête : 2 $ de plus par semaine vont-ils restreindre l'accessibilité aux études postsecondaires ? Et si vous semblez perplexes, on ajoute sans hésiter : les stationnements des universités sont remplis par les autos des étudiants!
Pour le critique péquiste Camil Bouchard, la hausse est déraisonnable. " On a encore un retard sur l'accès à l'université des jeunes issus de milieux modestes ", plaide-t-il. Pour le gouvernement, par contre, la majoration sur cinq ans de 1668 $ à 2168 $ par année - une augmentation de 6 % par année - ne bouleversera pas la vie quotidienne des étudiants.
En 2003, le PLQ avait appuyé le gel en précisant que l'engagement ne valait que pour la durée d'un mandat. Depuis à chaque occasion, on avait envoyé tous les signaux nécessaires pour prévenir que les droits de scolarité devraient être revus à la hausse.
Et comme par hasard, au cours des dernières semaines, les recteurs des principales universités québécoises ont martelé que la minceur des droits de scolarité exigés condamnait leurs institutions à un sous-financement chronique. En fait, les frais afférents souvent importants sont bien plus lucratifs pour les universités.
En 2003, les organisateurs péquistes avaient éprouvé une certaine déception quand ils avaient été dépouillées les boîtes de scrutin des campus. Libéraux, et adéquistes décrochaient, grosso modo, autant de voix que le PQ. Les étudiants sont plus péquistes dans les sondages. Le jour du vote, ils font souvent l'urne buissonnière.
Cette fois, le parti d'André Boisclair sera le seul à défendre le gel des droits de scolarité. Et cela pourrait lui apporter des bénéfices.


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