Par Charles Gaudreault, Ing. M.Sc.A.
Chercheur indépendant
Samedi le 30 avril dernier, dans un texte d’analyse, Gérald Fillion de Radio-Canada présentait l’immigration comme solution à la pénurie de main-d’œuvre actuelle qui est en partie causée par le vieillissement de la population. J’aimerais prendre quelques mots pour montrer que cette solution est loin d’être une panacée.
L’immigration comme remède à la problématique du vieillissement de la population est une thématique récurrente depuis de nombreuses années. D’ailleurs, le livre « Le Remède imaginaire » du démographe Guillaume Marois et du philosophe Benoît Dubreuil déconstruit habilement ce mythe. Également, une étude de L’ONU intitulée « Les migrations de remplacement : s'agit-il d'une solution au déclin et au vieillissement des populations? » publiée en 2000 démontrait également l’impossibilité pratique d’enrayer le vieillissement des populations par l’immigration.
Avec la pénurie de main-d’œuvre que traverse actuellement le Québec, ce mythe refait surface dans les médias puisque le vieillissement de la population peut certainement avoir une incidence sur le marché de l’emploi.
Le point que je souhaite faire valoir aujourd’hui est que le vieillissement de la population est inévitable et que l’immigration ne pourra pas l’empêcher. Au mieux, il ne pourra qu’en atténuer les effets.
Pour bien comprendre cette dynamique, il faut pouvoir prendre du recul et observer les grandes tendances de fond. La première est l’augmentation de l’espérance de vie au cours des dernières décennies et la deuxième est la baisse de la fécondité qui a eu lieu en concomitance.
Pour mesurer l’effet de ces deux grandes tendances sur les finances publiques, les démographes s’intéressent au rapport de dépendance, c’est-à-dire au rapport entre la population dépendante (les 15 ans et moins ainsi que les 65 ans et plus) et la population active (15 à 65 ans). Pour des fins de vulgarisation, je présenterai le rapport de la population active sur celui de la population dépendante.
En 1971, il y avait par exemple 1.6 québécois actif pour chaque québécois en état de dépendance. En 1985, ce rapport a grimpé à 2.4, ce qui fut évidemment très bénéfique pour l’état des finances publiques. Ce rapport s’est ensuite maintenu autour de 2.3 jusqu’à 2010, moment où il a amorcé un long déclin qui devrait se stabiliser autour de 1.4 vers 2050.
Il va sans dire que l’augmentation rapide de ce rapport a été liée à l’arrivée des baby-boomers sur le marché du travail dans les années 70-80 et que son déclin coïncide avec leur départ à partir des années 2010. Ce phénomène s’explique par le fait que les boomers sont plus nombreux que n’importe quelle génération qui la précède ou qui la suit.
Et l’immigration dans tout cela ? Selon mes projections, si maintenir des seuils migratoires à 50 000 immigrants par an permet de stabiliser le rapport des Québécois actifs à 1.4 pour l’horizon 2050, l’augmenter à 100 000 par an n’aurait pour effet que de stabiliser ce rapport à 1.5. Dans le cas d’un scénario sans immigrants, le rapport descendrait à 1.2. À partir de 2050, ce rapport se maintient durant les décennies suivantes et ce pour les trois exemples présentés.
Donc, ce qui fait mal ce n’est pas de passer d’un rapport de 1.6 québécois actif par québécois dépendant en 1971 à un rapport de 1.4 pour 2050, mais plutôt de passer d’un rapport qui oscillait autour de 2.3-2.4 entre 1985 à 2010 à un rapport de 1.4 pour 2050.
Que l’on décide d’accroître, de maintenir ou de diminuer les seuils migratoires, cela ne changera pas la tendance de fond. Ainsi, le vieillissement de la population se poursuivra jusqu’à ce qu’il se stabilise à partir de 2035.
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1 commentaire
Gaston Carmichael Répondre
13 mai 2022Vous extrapolez sans doute que le taux de fécondité demeurera stable dans les prochaines années. Or, on voit clairement que les personnes issues de l'immigration ont un taux de fécondité très supérieur aux "de souche".
À moyen terme, nous aurons sans doute un autre baby boom, sans que les "de souche", toutefois, n'y participe. Cela s'appelle le remplacement de la population, et cela va mettre fin au vieillissement de la population. Réjouissons-nous!