Bastarache lance un appel au combat juridique

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Un long combat s'engage pour les Franco-Ontariens

Les coupes du gouvernement Ford dans les services aux francophones mériteraient d’être contestées devant les tribunaux, estime Michel Bastarache, ancien juge à la Cour suprême et spécialiste des droits linguistiques. Une option que les Franco-Ontariens gardent pour le moment dans leur manche.


« Vous ne trouverez personne pour dire qu’il est clair que telle ou telle loi s’applique dans ce dossier, a confié M. Bastarache en entretien avec Le Devoir jeudi. Mais je crois qu’il y a suffisamment d’espace pour intenter une action et essayer de développer le droit dans le domaine. »


Car voilà un enjeu de fond autour du droit linguistique : beaucoup reste à éclaircir, dit cet Acadien qui a siégé au plus haut tribunal du pays de 1997 à 2008. « Nous sommes plusieurs à voir ça comme un domaine où ce n’est pas clair et où on doit essayer de développer le droit. »


Le cas ontarien — abolition du Commissariat pour les services en français (dont les fonctions seront transférées à l’Ombudsman) et annulation du projet d’université francophone — relève en ce sens du cas d’espèce, plaide Michel Bastarache. Les poignées juridiques de contestation ne sont pas spontanément évidentes, mais il y a matière « à une étude approfondie » pour les définir, pense-t-il.


Et c’est là une option que la communauté franco-ontarienne envisage sérieusement, confie Carol Jolin, président de l’Assemblée de la Francophonie de l’Ontario (AFO). « Il y a des recours juridiques potentiels », dit-il. Jeudi matin, quelque 70 juristes de la francophonie ontarienne se sont réunis à Ottawa sous l’égide de l’AFO pour déterminer les avenues possibles sur le front juridique. Une autre rencontre aura lieu dimanche.



 Ils [le premier ministre Ford et son entourage] ont une chance de corriger cette erreur, notamment de comprendre que les économies dont ils parlent seraient des économies de bout de chandelle


— Carol Jolin




Politique


Mais l’AFO préférerait ne pas avoir à répéter le scénario de l’hôpital Montfort. « On va faire tout le travail possible du côté politique pour tenter de convaincre le premier ministre Ford et son entourage de revenir sur leur décision, soutient M. Jolin. On veut qu’ils comprennent bien le dossier, ce que ça implique pour la communauté. Ils ont une chance de corriger cette erreur, notamment de comprendre que les économies dont ils parlent seraient des économies de bout de chandelle. »


Outre ce travail politique, l’AFO planifie une quarantaine de manifestations qui se tiendront partout en Ontario le 1er décembre. D’autres rencontres entre les principales organisations qui représentent les francophones ontariens et canadiens auront par ailleurs lieu dans les prochains jours.


La ministre fédérale des Langues officielles, Mélanie Joly, s’entretiendra aussi vendredi matin avec Caroline Mulroney, ministre ontarienne déléguée aux Affaires francophones. Mme Joly a dénoncé sur plusieurs tribunes la décision du gouvernement ontarien, que défend Mme Mulroney.


Signe des remous que le dossier provoque dans la communauté franco-ontarienne, l’adjointe parlementaire de Mme Mulroney, Amanda Simard, s’est dite mercredi « absolument fâchée » des mesures annoncées par son gouvernement.


À Ottawa, le Comité permanent des langues officielles a pour sa part décidé jeudi de consacrer toutes ses prochaines séances au dossier franco-ontarien. « Il y a une crise assez grave, et on veut comprendre ce qui se passe, selon le président du comité, le libéral Denis Paradis. On ne veut pas que cette espèce d’attitude là déboule dans d’autres provinces. »


Dans la balance


« Je trouve tellement étrange la décision » d’abolir le poste de commissaire, dit Michel Bastarache. « Ils n’épargneront absolument rien puisqu’ils transfèrent tout le personnel au bureau de l’Ombudsman. Le problème ici, c’est que tout le volet promotion que faisait le Commissariat ne se fera plus. Il ne traitait pas que les plaintes… C’est certainement un recul. »


Est-il pour autant contestable sur le plan juridique ? M. Bastarache estime qu’il y a des questions à se poser. Notamment celle de savoir si un premier ministre peut abolir d’un trait une fonction dont le titulaire est nommé par l’Assemblée législative (et non par le gouvernement), un processus qui vise précisément à assurer son indépendance.


En même temps, rappelle-t-il, les tribunaux ne reconnaissent présentement pas le principe d’encliquetage — qui ferait qu’une fois un service mis en place pour une minorité linguistique, il serait impossible de revenir en arrière.


« L’encliquetage de tous les services établis ou promis par un gouvernement pour les minorités ferait en sorte qu’un gouvernement subséquent ne pourrait pas mettre en oeuvre son propre programme, relève M. Bastarache. Je ne crois pas que ce soit possible. »


« Il y a une dichotomie : la loi dit qu’il faut faire la promotion de la communauté. Mais d’un autre côté, on ne peut pas empêcher un gouvernement de gouverner ni les électeurs de choisir une autre voix. C’est pour ça que ce n’est pas simple d’arriver à une solution. »


> La suite sur Le Devoir.



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