A la recherche désespérée d’éloges, le président Trump ne rappellera certainement pas au premier ministre israélien Netanyahou l’histoire de l’USS Liberty, qui a été quasiment coulé par Israël il y a un demi-siècle en provoquant la mort de 34 marins, comme le rappelle l’ancien analyste de la CIA Ray McGovern.
On peut sans crainte supposer que, lorsque le président Donald Trump atterrira en Israël lundi, il n’aura pas été informé de la preuve irréfutable qu’il y a près de 50 ans, le 8 juin 1967, Israël a délibérément attaqué l’USS Liberty dans les eaux internationales, tuant 34 marins américains et blessant plus de 170 membres de l’équipage. Tous les prédécesseurs de Trump – Lyndon Johnson, Richard Nixon, Gerald Ford, Jimmy Carter, Ronald Reagan, George H.W. Bush, Bill Clinton, George W. Bush et Barack Obama – ont refusé de regarder la triste réalité en face et/ou ont occulté l’attaque contre le Liberty.
Philip Nelson publie un nouveau livre intitulé : Remember the Liberty : Almost Sunk by Treason on the High Seas (Souvenez-vous du Liberty : presque coulé par traîtrise en haute mer), c’est une lecture incontournable pour tous ceux qui souhaitent comprendre ce qui est arrivé au Liberty et réfléchir aux implications.
Comme je l’ai écrit dans l’avant-propos du livre, encore aujourd’hui, un nombre scandaleusement faible d’Américains ont entendu parler de l’attaque israélienne délibérée contre l’USS Liberty, car les lâches institutions politiques, militaires et médiatiques américaines ont réussi à cacher ce qui s’est passé. Personne « d’important » n’a voulu contester l’excuse foireuse « Oh pardon, c’est une erreur » d’Israël. Les communications israéliennes interceptées à l’époque démontrent sans le moindre doute que ce n’était pas une « erreur ».
Le premier maître J.Q. « Tony » Hart, qui écoutait les conversations entre le secrétaire de la Défense Robert McNamara et le commandant de la Sixième Flotte, le contre-amiral Lawrence Geis, a relaté la réponse instructive de McNamara à Geis, qui avait protesté contre l’ordre de rappeler les avions de guerre américains en route pour engager ceux qui attaquaient le Liberty. McNamara : « Le président Johnson ne va pas déclencher une guerre ou embarrasser un allié des américains (sic) pour quelques marins. »
Le défunt amiral Thomas Moorer, après avoir interrogé les commandants des porte-avions étasuniens América et Saratoga, a confirmé que McNamara avait ordonné aux avions de retourner sur leurs porte-avions. Moorer l’a appelé « l’acte le plus honteux auquel j’ai assisté de toute ma carrière militaire. »
Grâce à ce livre, ceux qui se soucient de tels agissements peuvent apprendre ce qui s’est passé il y a 50 ans :
(1) Le 8 juin 1967, Israël a tenté de couler le navire de collecte de renseignements de la marine américaine USS Liberty et de ne laisser aucun survivant. L’attaque a été menée par des avions et un torpilleur, en plein jour dans les eaux internationales pendant la guerre israélo-arabe des Six-Jours.
(2) Le silence des États-Unis a enseigné aux Israéliens qu’ils pouvaient carrément commettre des meurtres, impunément ; Ils ont tué 34 marins américains (et en ont blessé plus de 170 autres) ;
(3) Dans le cadre de cette dissimulation gouvernementale abusive, la Marine a menacé de cour martiale et de prison tout survivant qui dévoilerait, même seulement a son épouse, ce qui s’était réellement passé. (Ce qui, entre parenthèses, a augmenté de façon vertigineuse les effets du syndrome post traumatique subi par beaucoup des survivants).
La vérité poignardée
La seule enquête digne de ce nom a été dirigée par l’amiral Moorer, qui était Chef d’Etat major des Armées. Il a mené une commission de spécialistes éminents et indépendante pour examiner ce qui était arrivé au Liberty. Parmi les résultats annoncés par la commission en octobre 2003, on trouve :
« … Un avion israélien non immatriculé a largué de petites bombes au napalm sur le pont de l’USS Liberty et a tiré des obus de 30 mm et des missiles sur le navire ; Les survivants estiment que le navire a subi au moins 30 frappes par au moins 12 attaques aériennes israéliennes…
« … L’attaque des vedettes lance-torpille implique non seulement le tir de torpilles, mais le mitraillage des pompiers et des sauveteurs du Liberty… Les vedettes lance-torpille israéliennes sont revenu mitrailler trois des radeaux de sauvetage du Liberty qui avaient été mis à l’eau par des survivants pour secourir les blessés les plus gravement atteints. »
Peu de temps avant sa mort en février 2004, l’amiral Moorer lançait un appel solennel pour que la vérité soit révélée et il désignait directement ce qu’il considérait comme le principal obstacle : « Je n’ai jamais vu de président… résister à Israël… Si les Américains réalisaient de quoi sont capables ces gens au gouvernement, ils prendraient les armes ». [Comme le citait Richard Curtiss dans A Changing Image : American Perception of the Arab-Israeli Dispute.] ( Une image changeante : la perception américaine du conflit israélo-arabe )
Faisant écho à Moorer, l’ancien ambassadeur des États-Unis Edward Peck, qui a servi de nombreuses années au Moyen-Orient, a condamné l’attitude de Washington à l’égard d’Israël, la qualifiant de « servilité obséquieuse et obscène… au prix de la vie et du moral de nos militaires et de leurs familles ».
Et la guerre des Six-Jours ? La plupart des Américains croient que les Israéliens ont été forcés de se défendre contre une menace militaire de l’Égypte. Pas vraiment, a admis l’ancien Premier ministre israélien Menahem Begin il y a 35 ans : « En juin 1967, nous avions le choix. Les concentrations de l’armée égyptienne dans les approches du Sinaï ne prouvaient pas que [le président égyptien] Nasser était sur le point de nous attaquer. Nous devons être honnêtes avec nous-mêmes. Nous avons décidé de l’attaquer ». [Le New York Times citant un discours du début d’août 1982].
L’amiral Moorer s’est toujours demandé pourquoi notre gouvernement continue de subordonner les intérêts américains à ceux d’Israël. C’est LA question.
La guerre en Syrie
Revenons rapidement à la catastrophe qu’est maintenant la Syrie. Le soutien de la politique des États-Unis à des « rebelles modérés » illusoires, y compris le faux flagrant des attaques chimiques accusant le président syrien Bachar al-Assad, ne peuvent être pleinement compris qu’au regard de l’approbation par les USA des objectifs israéliens.
Le chef du Bureau du New York Times de Jérusalem en 2013, Jodi Rudoren, a reçu une réponse exceptionnellement franche quand elle a demandé aux hauts fonctionnaires israéliens quelle était leur issue préférée en Syrie. Dans un article du New York Times du 6 septembre 2013 intitulé : « Israel Backs Limited Strike Against Syria », (Israël soutient des frappes limitées en Syrie) Rudoren a signalé l’opinion israélienne selon laquelle la meilleure issue pour la guerre civile en Syrie était aucune issue :
« Pour Jerusalem, le statu-quo, bien que terrifiant en termes de désastre humanitaire, est préférable soit à une victoire de Mr Assad et de son soutien iranien, soit à une montée en puissance des groupes rebelles, complètement sous la coupe des djihadistes sunnites.
« Il s’agit d’une situation d’éliminatoires dans laquelle vous avez besoin que les deux équipes perdent, ou au minimum qu’aucune ne gagne », a déclaré Alon Pinkas, ancien consul général israélien à New York. « Laissez-les se saigner entre eux, et mourir d’hémorragie : c’est la vision stratégique ici. Tant que cela persiste, il n’y a pas de menace réelle de la Syrie. »
Obama a peut-être lu ou été informé de l’article de Rudoren. Quoi qu’il en soit, l’année dernière, il a déclaré au journaliste Jeffrey Goldberg qu’il était fier d’avoir résisté aux fortes pressions exercées par la quasi-totalité de ses conseillers pour tirer des missiles de croisière en Syrie en septembre 2013. Au lieu de cela, Obama a choisi de profiter de l’offre du président russe Vladimir Poutine, à savoir obtenir que les Syriens abandonnent leurs armes chimiques pour destruction, vérifiée par l’ONU, à bord d’un navire américain équipé pour une telle destruction. Le président Trump, en revanche, a choisi de suivre ses conseillers « fous-furieux ». On ne sait pas encore si le piège a fonctionné, ou s’il a saisi l’incident chimique du 4 avril en Syrie comme opportunité pour « exercer des représailles » et regonfler sa popularité.
Il y a des implications plus larges du niveau de malhonnêteté et de dissimulation dans lequel excelle l’establishment de Washington . N’avons-nous pas déjà vu ce film ? Pensez à l’Irak. Une fois de plus, le « renseignement » est « truqué ».
Pour en revenir au Liberty, l’amiral Moorer a raison de dire que si les Américains avaient su la vérité sur ce qui s’est passé le 8 juin 1967, ils auraient pu être plus critiques envers la rhétorique et les objectifs d’Israël. Moorer affirmait que c’est le minimum que nous puissions faire pour les hommes courageux de l’USS Liberty, mais aussi pour tous les hommes et femmes qui sont appelés à porter l’uniforme des États-Unis. Et il a raison pour cela aussi.
Ce livre contribue largement à ce but louable.
[Pour en savoir plus à ce sujet, consulter « Navy Vet Honored, Foiled Israeli Attack » ; « Still Waiting for USS Liberty’s Truth » ; « A USS Liberty’s Hero’s Passing »] (« Un vétéran de la Navy honoré, une attaque israélienne déjouée » ; « Toujours en attente de la vérité sur l’USS Liberty » ; « Disparition d’un héros de l’USS Liberty »]
Ray McGovern travaille avec Tell the Word, l’organe de publication de l’Église œcuménique du Sauveur dans le centre-ville de Washington. Il a travaillé comme analyste à la CIA pendant 27 ans et était « en service » lorsque l’USS Liberty a été attaqué.
Source : Ray McGovern, Consortium News, 21-05-2017
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.
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