Au cœur des ténèbres...

Qu’est-ce qui devrait le plus émouvoir la presse à votre avis, les excès de la démocratie péquiste ou les ramifications secrètes de l’oligarchie libérale ?

Chronique de Louis Lapointe

Prétendre que le PQ mange ses chefs plus que tout autres partis politiques relève davantage du mythe que de la réalité.
C’est oublier l’exceptionnelle longévité de René Lévesque qui a été 17 ans président du PQ, de 1968 à 1985, comme Robert Bourassa qui fut chef du PLQ de 1970 à 1976, puis de 1983 à 1994.
En fait, le PQ n’est pas très différent des autres partis politiques. Voyons ce qu’il en est.
Après sa défaite aux élections de 1981, Claude Ryan avait vu son leadership à la direction du PLQ vigoureusement contesté par des membres de son caucus. Robert Bourassa le remplacera avant de devenir à nouveau premier ministre du Québec en 1985.
Puis, lors de circonstances analogues, le péquiste Pierre-Marc Johnson laissera sa place à Jacques Parizeau qui devint à son tour premier ministre.
À la suite de pression d'occultes lobbies fédéraux, le libéral Daniel Johnson devra lui aussi céder son poste, cette fois-ci à Jean Charest. Ce dernier connaîtra également quelques difficultés après sa défaite de 1998, si bien qu’une fronde s’organisera dans le plus grand secret afin de le remplacer par Martin Cauchon, alors ministre dans le cabinet de Jean Chrétien. Une confidence que j’obtins d’un organisateur libéral lors d’un dîner bien arrosé.
Dans ces circonstances, n’eût été la démission-surprise de Lucien Bouchard, Jean Charest n’aurait probablement jamais pu devenir premier ministre du Québec.
Comme André Boisclair en 2007, Mario Dumont quittera l'ADQ en 2008 après que son parti eut perdu le rang d’opposition officielle.
Le cas de Gilles Taillon qui fut à la tête de l’ADQ l'espace de quelques jours en 2009 ne souffre aucune comparaison possible au PQ.
Somme toute, si Jacques Parizeau, Lucien Bouchard et Bernard Landry n’avaient pas tous démissionné comme ils l’ont fait, le Parti Québécois n’aurait pas eu plus de chefs que les libéraux et les adéquistes depuis 1994, 3 chefs.
***
À l'image d'André Boisclair qui jouissait de peu d'appui dans la population en 2007, Pauline Marois s'apprête à conduire le PQ à la déconfiture. Une situation qui n’a rien d’exceptionnel et qui s’apparente aux difficultés qu'avait connues Jean Charest alors qu'il était chef de l'opposition officielle.
Soutenir que le PQ mange plus ses chefs que les autres partis n’est donc pas un fait avéré, mais d’abord l’invention d’une certaine presse qui aime bien faire porter aux indépendantistes les plus convaincus l’odieux des difficultés de leurs chefs à terminer leur mandat. Une parade utile pour jeter l'opprobre sur les plus obstinés en prétendant que ces derniers font du tort à la cause et au parti en exprimant leurs opinions. Un habile sophisme qui induit l'idée auprès de la population que ce sont ceux qui défendent la cause qui lui nuisent le plus.
On ne pouvait trouver de meilleur stratagème pour dénigrer la cause indépendantiste, une aubaine pour tous les médias qui aiment se mettre du pur et dur sous la dent.
En tirant sur les messagers parce qu'il n'aime pas leurs messages, le PQ ne réussit qu'à nourrir davantage la bête médiatique et amplifier sa diversion savamment orchestrée.
***
Outre les cas de Claude Ryan et de Pierre-Marc Johnson qui furent des victimes de leur caucus, la différence entre les libéraux et les péquistes tient surtout au fait que ce sont les lobbies qui font et défont les chefs libéraux, alors qu’au PQ ce sont d’abord les membres, quand ce ne sont pas les chefs eux-mêmes qui démissionnent!
Si les Québécois souhaitent vraiment que la politique se pratique autrement au Québec, qu’ils n'espèrent surtout pas que la démocratie se manifeste au PQ comme au PLQ, dans le silence et le secret.
Pendant que d'anciens députés du PQ malmènent Pauline Marois, on se doute bien qui décidera du sort de Jean Charest.
À cet égard, la présence de Claude Garcia au côté de Gérard Deltell et celle de Charles Sirois au côté de François Legault, deux anciens libéraux, n'a rien d'étonnant.
Qu’est-ce qui devrait le plus émouvoir la presse à votre avis, les excès de la démocratie péquiste ou les ramifications secrètes de l’oligarchie libérale?

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    30 juin 2011

    En effet «le gouvernement du Québec gouverne pour la minorité du West Island au détriment de la majorité québécoise».
    Et le pire c'est que j'ai le sentiment à tort ou à raison, que même au pouvoir le PQ continuera de même, en étant trop timoré dans les décisions cruciales qu'il a à prendre.
    Et quand j'entend Legault nous vanter son union nouvelle de souverainistes et de fédéralistes unis tous ensemble vers autre chose d'indéfini, bien c'est la même poutine.
    Alors je crois qu'on est quelque chose comme politiquement orphelins.

  • Archives de Vigile Répondre

    30 juin 2011

    @ monsieur Marcel Haché
    Vous avez raison lorsque vous dites que c'est le West Island qui bloque le Québec, qui le garde en otage de connivence avec le gouvernement d'Ottawa. Combien de fois ai-je dénoncé cet état de fait en disant que le gouvernement du Québec gouverne pour la minorité du West Island au détriment de la majorité québécoise? Plusieurs fois! Je n'énumérai pas tous les avantages que cette riche minorité retire de nos aplaventristes à Québec; ce serait trop long. Si le PQ voulait vraiment faire l'indépendance, il dénoncerait cet état de fait mais il ne le fera pas, trop colonisé !
    André Gignac le 30/6/11

  • Marcel Haché Répondre

    29 juin 2011

    Il y a des gagnants à ce que le Québec soit bloqué : ceux que vous nommez, les fédéralistes, profitent grandement et en quasi exclusivité du vote West Island. Si vous observez la carte électorale fédérale du Québec, vous ne pourrez que reconnaître qu’il y a un tel vote, West Island, qui déborde sournoisement les rares comtés restés rouges du Canada tout entier.
    Je n’entends pas souvent les indépendantistes dénoncer ce déni de démocratie. Mais j’entends souvent des indépendantistes dénoncer le mollasson P.Q., coupable de tous les maux, ce qui est repris et amplifié par des médias plus mollassons encore.
    C’est le vote West Island qui bloque le Québec. Mais c’est la mauvaise réaction des indépendantistes qui permet maintenant que perdure pareil blocage.
    Aucun chef du P.Q. ne s’est jamais donné comme mandat d’envoyer son parti à l’abattoir.
    Que font donc les indépendantistes ? Ils s’en prennent plus facilement à un innocent marchand de souliers, qu’à tous ceux du West Island qui nous crachent à la figure. Rien pour donner du tonus à un parti non plus qu’à nos médias.
    Ne voit-on pas que le West Island est lâché par le fédéral ?

  • Archives de Vigile Répondre

    29 juin 2011

    Dans un long article que j'ai écrit l'an dernier pour la revue l'Action Nationale, j'ai eu l'occasion de faire une analyse serrée et détaillée, avec rigueur et discipline, des divers programmes du Parti Québécois portant sur l'accession à l'indépendance.
    Avec preuves factuelles à l'appui j'y démontre que ce ne sont pas les militants de la base du PQ qui sont durs envers les chefs, mais que ce sont les chefs qui ont toujours refusé de suivre les stratégies d'accession à la souveraineté votées par les différents congrès depuis la fondation du parti.
    La prétendue dureté des militants envers les chefs est non seulement un mythe mais une légende urbaine inventée de toutes pièces par les fédéralistes et les nationaleux pour détourner le PQ de son objectif premier qui est celui de faire l'indépendance.
    Les indépendantistes ont toujours été habitués de se faire traiter de tous les noms au PQ et cela dure depuis les divergences idéologiques entre Pierre Bourgault et René Lévesque, entre un indépendantiste et un ancien libéral : "purs et durs", "caribous", pelleteux de nuages, fanatiques etc..
    Et avec la crise actuelle, cela continue. On veut faire porter sur le dos des indépendantistes le peu de popularité électorale de la cheffe actuelle.
    Pierre Cloutier