La semaine dernière, le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement a publié son rapport annuel 2018-19. Il constate l’ampleur, «à spectre complet», des activités de renseignements de la Défense nationale, affirmant que c’est la seule entité au Canada où toutes ces activités d’espionnage sont menées par une seule et même organisation. Le rapport des parlementaires considère que ça pose des risques considérables pour les droits des Canadiens. Certaines des activités des services de renseignement militaires sont tellement sensibles (et/ou inavouables?) qu’elles sont occultées dans le rapport et remplacées par ***.
Je me suis tout de suite demandé si *** était relié aux opérations du nouveau service secret offensif «musclé» des Forces armées au nom énigmatique de Force opérationnelle interarmées «X». Cette appellation FOI-X (JTF-X en anglais) porte d’ailleurs à confusion avec les commandos FOI-2 (JTF-2) chargés de capturer ou exécuter des dirigeants ennemis, de libérer des otages, de détruire des objectifs militaires ou de s’infiltrer derrière les lignes ennemies.
Mais revenons à «X». Comme il s’agit d’une organisation secrète, sa création s’est faite sans tambour ni trompette... même s’il s’agit de militaires. Peu de gens connaissent l’existence de cette organisation militaire secrète qui vient d’inaugurer son nouveau centre opérationnel à Kingston. Une des missions officiellement divulguées du nouveau service est de recruter des sources humaines. Il y a peut-être aussi ***!
Vous pensez qu’appeler «X» un service secret est «quétaine», alors que pensez-vous de sa devise «Cherchez et vous trouverez»? Les militaires, qui adorent les badges, se sont empressés de dessiner un blason pour «X» qu’ils ont fait approuver par le gouverneur général et publier sur son site héraldique.
Les généraux visent grand pour leurs espions. Le plan de développement stratégique 2013-2019 du nouveau service révèle qu’ils veulent que «X» devienne l’un des principaux acteurs dans le domaine du renseignement, non seulement au Canada, mais dans le monde. Vaste programme.
Premier objectif du plan : Assurer à «X» une place prépondérante parmi les services de renseignement canadien «concurrents» : Sections d’enquête de sécurité nationale de la GRC, Service canadien du renseignement de Sécurité (SCRS) et Centre de la sécurité des télécommunications (CST), responsable de l’espionnage électronique. Plus facile à dire qu’à faire. Mais les agents secrets de la défense nationale ont un avantage crucial : contrairement aux autres services secrets canadiens, ils ne sont assujettis à aucun cadre législatif. Ils n’ont qu’à obéir aux ordres. «Allez-y les gars, ne vous en faites pas, on va vous couvrir!»
Ça trouble, avec raison, le «Comité les parlementaires» qui estiment qu’il faut un «fondement statutaire explicite» pour la conduite des activités d’espionnage de la défense nationale. Avec cette expression évasivement ampoulée pour une loi d’encadrement, les députés veulent sans doute éviter de froisser les généraux.
Autre indication que les espions militaires en mènent large. La Défense nationale est en train de négocier l’acquisition de trois avions-espions King air 350 ISR pour utilisation comme plateforme de renseignement et de surveillance, non seulement à l’étranger, mais aussi au Canada. Tiens donc. Quel genre de missions au Canada? En rapport avec *** peut-être? SECRET DÉFENSE!
Les généraux ne lésinent pas quand il s’agit d’équiper leurs espions. Les trois avions à hélices dont la conception remonte aux années 60 coûteraient entre 100 millions et 249 millions de dollars canadiens. Pourtant la U.S. Defense Security Cooperation Agency de son côté informait le Congrès l’automne dernier que la vente se chiffrerait à 300 millions $US c'est-à-dire 389 millions $CAN. Wow! Un Airbus-220, (ex C-Séries de Bombardier) vaut dans les 85 millions. Les «gadgets» électroniques, ça coûte cher. Mais à ce point? Jessica Lamirande, la porte-parole de la Défense nationale, m’assure que des négos se poursuivent toujours six mois plus tard. C’est un sujet idéal d’enquête pour le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement ou tout autre organe chargé de surveiller les dépenses publiques à Ottawa.