À l’image des garderies à 7 $, la nouvelle assurance autonomie sera rentable, prévoit le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). L’investissement initial atteint 500 millions par année, mais, en 2050, les soins à domicile devraient entraîner des économies équivalant à 1 % du PIB, soit 3,3 milliards de dollars, en comparaison du statu quo.
Plutôt que la prestation universelle gratuite, Québec retient l’hypothèse du paiement modulé en fonction des revenus des usagers. Et le privé, dans ce nouveau marché du soutien à domicile, aura sa place.
« Quand on investit 500 millions, on en a pour notre argent ; c’est le même phénomène que pour les garderies », affirme le ministre de la Santé, Réjean Hébert. Il a esquissé les grandes lignes du livre blanc de l’assurance autonomie, qui doit être rendu public en mai, le 22 mars dernier. Il s’adressait à une assemblée de 200 personnes à Drummondville, lors du colloque de l’Association québécoise de gérontologie (AQG). L’enregistrement de son allocution vient d’être rendu disponible sur le site Web de l’AQG. « Vous avez la chance d’en avoir des bouts avant [son dévoilement] », lance d’ailleurs le ministre au public, ajoutant plus tard : « Ce que je vous dis, on garde ça entre nous. »
Les diapositives du ministre, qui comprennent une analyse budgétaire, sont également disponibles sur une page Web du MSSS.
Qu’est-ce que l’assurance autonomie ?
L’assurance autonomie existe en France et au Japon, notamment. Le Québec accuse du retard en cette matière. On consacre à peine 14 % des dépenses publiques en soins de longue durée aux soins à domicile. Réjean Hébert souhaite déposer un projet de loi à l’automne pour une entrée en vigueur au printemps 2014. Tous les adultes seront couverts, sans égard à leur âge ou à la raison de leur perte d’autonomie.
Réjean Hébert déplore que les sommes destinées aux soins à domicile soient « déviées à d’autres fins » dans les CSSS, qui les utilisent pour éteindre des feux plus urgents dans leurs hôpitaux et leurs centres d’hébergement.
L’assurance autonomie imaginée par le ministre commence donc avec une « caisse étanche », destinée à cette unique fin. Le Parti québécois a promis d’y mettre 500 millions de dollars par année. Des gestionnaires de cas seront chargés d’évaluer les besoins des patients. « Ensuite, on fait un plan avec la famille. Et on donne un outil très puissant [au gestionnaire] pour le mettre en action : une allocation », explique le ministre. Avec ces sommes, les services requis seront « achetés » pour le patient. L’allocation pourra être versée à des établissements publics comme des CLSC et des CHSLD, car les patients auront droit aux services tant à domicile qu’en établissement.
« L’allocation peut aussi être octroyée par contrat à des entreprises d’économie sociale, dont on élargirait la mission d’aide domestique pour couvrir l’aide personnelle », ajoute le ministre. Les services d’organismes communautaires figureraient aussi à l’offre de service.
Une place pour le privé
Et le privé ? Il trouvera sa place. Des enveloppes seraient octroyées à des résidences privées en fonction des besoins de leurs locataires. Les entreprises privées pourront aussi être retenues pour livrer des services à domicile. « J’estime essentiel que le financement et la gestion soient publics, mais la prestation peut être privée, sans but lucratif ou même à but lucratif. L’important, c’est que les gens reçoivent le service. Que le prestataire soit privé, ça ne m’empêche pas de dormir », dit Réjean Hébert.
Le ministre souhaite confier la gestion de cette caisse autonomie à la RAMQ. Contrairement à l’assurance médicaments, le régime serait 100 % public.
Attention : la gratuité totale des services est exclue. « Universel, ça ne veut pas dire qu’il n’y aura pas de contribution de l’usager : celle-ci va être établie en fonction de ses ressources », affirme le ministre.
Il veut réduire à l’exception l’octroi direct de chèques aux usagers. « D’abord, ça engendre du travail au noir. Ensuite, il y a un risque d’abus financier des aînés. Troisièmement, il y a un risque de perpétuer les rôles traditionnels des femmes. Et finalement, on veut que le personnel soit bien formé et contrôler la qualité. »
Le ministre concède que, pour les générations futures, la caisse autonomie gagnerait à être capitalisée. « J’aimerais qu’on le fasse. Mais aucun pays ne l’a fait », souffle le ministre, qui semble entretenir peu d’espoir d’innover en cette matière.
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Retour sur l’investissement
L’assurance autonomie « n’est pas une dépense, c’est un investissement », insiste le ministre de la Santé, Réjean Hébert. À court terme, il estime que 200 millions seront récupérés en taxes et en impôts, en raison des aidants naturels restés sur le marché du travail et des emplois nouvellement créés. À moyen terme, les prévisions du MSSS suggèrent la libération de 1100 lits dans les hôpitaux, soit une économie de 200 millions par année. Une diminution du nombre de lits en CHSLD doit permettre d’économiser annuellement 350 millions. Ajoutez à cela un contrôle accru de la croissance des coûts de santé et vous obtenez, selon les prévisions du MSSS, une économie de 3,3 milliards par année (en dollars de 2011) en 2050. Si on n’agit pas, selon le ministre, « c’est de l’argent qui sera dépensé par nos enfants et nos petits-enfants pour s’occuper de nous ».
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