L’enquête sur l’assassinat du préfet Walter Lübcke, retrouvé tué d'une balle dans la tête le 2 juin à son domicile de Wolfhagen (Hesse, dans l'est de l'Allemagne), progresse à grands pas depuis l’arrestation de Stephan Ernst. Interpellé par un commando spécial le 15 juin, celui-ci a reconnu devant les policiers être l’auteur de l'assassinat. Depuis, il a aussi révélé le lieu de sa cache d’armes, qui contenait notamment un fusil à pompe et un pistolet-mitrailleur Uzi, ainsi que les noms du vendeur de l’arme du crime, Elmar J. (64 ans) et d’un intermédiaire, Markus H. (43 ans).
En détention provisoire, ceux-ci font l'objet d'une enquête pour déterminer s'ils avaient connaissance des projets criminels de Stephan Ernst. Les armes, elles, sont entre les mains de la police scientifique pour savoir si elles ont été utilisées dans d'autres crimes. Le meurtrier a quant à lui "déclaré avoir agi seul", a indiqué le ministre de l'Intérieur, Horst Seehofer, qui s'exprimait ce mercredi 26 juin sur le sujet après une réunion parlementaire à huis clos. Enfin, si le vendeur de l’arme est inconnu des services de police, des artefacts nazis ont été retrouvés chez l'intermédiaire, Markus H.
L’appartenance de l’assassin à une mouvance néonazie semi-clandestine ne fait plus de doute. Les amitiés néonazies, les propos et les diverses condamnations pour agressions racistes de Stephan Ernst en témoignent. Quant aux motifs, il a reconnu avoir été présent à la réunion où, en 2015, le préfet Lübcke avait défendu la politique d’accueil des réfugiés du gouvernement fédéral et les valeurs chrétiennes qui la sous-tendent, en proposant à ceux qui partagent un autre avis de quitter l’Allemagne.
Walter Lübcke n’a pas seulement « provoqué » Stephan Ernst. Son nom circulait aussi sur une liste de 10.000 personnes à abattre, dressée par les membres du trio terroriste néonazi NSU. Ceux-ci sont coupables de 11 meurtres racistes commis entre 2000 et 2007. Au lendemain de la neutralisation de cette organisation, en 2011, le gouvernement fédéral et les chefs de la police allemande avaient promis que tout serait mis en œuvre pour que le marécage d’extrême droite qui avait soutenu et caché les membres de la NSU soit asséché.
L’affaire Lübcke, entre bien d’autres, montre aujourd’hui qu’il n’en est rien. Ainsi, le Parquet fédéral a confirmé mardi la mise en accusation de huit hommes originaires des milieux néonazis et skinheads. Membres d’un groupe dénommé « Revolution Chemnitz », ceux-ci ont été arrêtés en octobre dernier. Ils prévoyaient des attaques contre des étrangers et des personnalités politiques lors des festivités du Jour de l’unité allemande (3 octobre). Avant eux, en 2015, la police allemande avait neutralisé la "Oldschool Society" et le "Gruppe Freital", deux formations similaires issues de la même mouvance.
Le rapport annuel 2018 des services fédéraux du renseignement intérieur, présenté ce jeudi, montre plus précisément que cette dangereuse hydre brune continue de se fortifier. Elle compte près de 24.100 personnes, dont la moitié sont signalées comme violentes. Celles-ci préfèrent le coup de poing clandestin à l’action politique légale. Ces milieux constituent, à l’instar d’Al Qaeda ou de Daech pour le terrorisme islamique, une base morale et logistique qui ne commande pas forcément le meurtre, mais le suggère et le facilite. Un schéma hautement inquiétant.