«À soir, on fait peur au monde»

Et qui donc protège les revenus fiscaux de l'État?

Pendant les Fêtes, juste avant le jour de l'An, le ministère québécois des Finances a publié un autre document dans le cadre de ses consultations prébudgétaires, celui-ci sur la démographie, qui trace un portrait assez préoccupant des effets du vieillissement de la population.
Ce document sera sans doute rejeté lui aussi d'un revers de main, comme on l'a fait pour un document sur l'état des finances publiques produit par quatre économistes réputés, qui a été qualifié d'exercice partisan, de manipulation de l'opinion publique de la part d'un gouvernement qui veut faire peur au monde pour mieux faire accepter son agenda. Comme c'est simple. On dénonce le message, on tire sur le messager, on crie à l'offensive idéologique.

Bien sûr qu'il y a des enjeux idéologiques importants dans les choix qui nous attendent. Mais il faut voir l'idéologie où elle doit être. Elle n'est pas dans les faits qui décrivent l'état de la situation, mais dans leur interprétation, et surtout, dans les gestes qu'ils nous mèneront à poser.
Ceci étant dit, le document démographique est moins alarmiste qu'on aurait pu croire parce que les plus récentes simulations montrent qu'il y a eu amélioration. Le taux de natalité a grimpé, l'espérance de vie continue d'augmenter, l'immigration est plus vigoureuse, tant et si bien que, d'ici 2056, les démographes ne voient plus de baisse de la population dans leur boule de cristal. L'hypothèse du déclin, si inquiétante, est écartée.
Il n'en reste pas moins que la croissance de la population sera de plus en plus lente, et qu'elle sera plus lente que chez nos voisins: 0,6% par an au Québec dans les 15 prochaines années, contre 1,0% au Canada et aux États-Unis. Cela a aura des conséquences: une perte du poids démographique du Québec, un vieillissement plus prononcé que chez nos voisins, avec ses effets sur les coûts de santé et sur la marge de manoeuvre de l'État.
Mais il y a un autre impact, plus immédiat, et plus préoccupant. Dès 2013, la population en âge de travailler va commencer à baisser, car il y aura moins de nouveaux travailleurs que de retraités. Moins de travailleurs, ça veut dire une croissance économique moins forte et un potentiel fiscal moins grand, ce qui aggravera une situation financière déjà précaire.
Est-ce de la propagande de rappeler ces éléments, qui sont une réalité mesurable et palpable? Non, ce sont des faits. Des éléments d'information dont on a besoin pour faire des choix éclairés. Ces faits sont relativement neutres, quoique la façon dont ils sont présentés est évidemment colorée idéologiquement: l'optimisme relatif des uns et le pessimisme des autres sont souvent le reflet de leurs convictions.
Mais l'idéologie n'est pas là. Elle vient après. Quand on se demande ce qu'il faut faire pour résoudre l'impasse financière dans laquelle se trouve le Québec. Est-ce qu'on en profite pour remettre en cause un modèle qui repose beaucoup sur un filet de sécurité sociale? Ou est-ce qu'on prend les moyens pour le préserver? Et si oui, comment? Est-ce qu'on cherche des façons différentes d'atteindre les mêmes buts? Comment financer ces services. Qui paiera? Quand? Comment? Les riches, les usagers, nos enfants, personne? Ça, ce sont de véritables enjeux idéologiques.
Mais nier les faits qui nous forcent à cette réflexion, comme tente de le faire la mouvance du statu quo, en espérant ainsi éviter des débats difficiles, en espérant que le bobo disparaîtra par enchantement, c'est une injure à l'intelligence. Une espèce de stratégie de l'autruche collective. Comme si une société pouvait progresser et régler ses problèmes en se racontant des histoires.


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