150 ans plus tard

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«Le Canada est désormais une page blanche sur laquelle chacun écrit sa propre histoire»





Le Canada est la société la plus communautariste de l’Occident. Dans une entrevue que Justin Trudeau accordait au New York Times Magazine quelques semaines après son élection, il a affirmé que « le Canada était le premier pays postnational ». Cette vision radicale rompt même avec celle de son père, Pierre-Elliot Trudeau, car, en imposant le bilinguisme officiel au Canada, PET s’appuyait sur la notion des deux peuples fondateurs. Autrement dit, le fils s’affranchit de cette vision politique.


Mine de rien, nous sommes entrés dans une autre dimension, un autre paradigme. Justin Trudeau croit profondément que le Canada que nous fêtons n’a pas d’assises identitaires, pas de courant dominant comme l’affiche la quasi-totalité des États du monde.


Révolution


Justin Trudeau a imposé cette révolution — car c’en est une — par sa capacité séductrice qui en fait le chouchou de la planète entière. Avec son sourire plus blanc que blanc, son allure dégingandée et une aisance nourrie de la fréquentation en bas âge de tous les grands de la terre en compagnie de son père, il charme, étonne et flatte ses interlocuteurs.


Roi de la communication politique et des apparences, il confirme tous les stéréotypes, positifs certes, mais pas toujours réels sur le Canada, le « pluss beau pays au monde ».


Ce Canada, faut-il s’étonner qu’il réjouisse tous ces Canadiens originaires de pays perturbés, déchirés et pauvres ? En débarquant chez nous, ils sont invités non pas à s’intégrer, mais à affirmer leurs propres valeurs et modes de vie. Comme l’a dit fièrement Justin le magnifique : « Un niqab, une casquette de baseball, un turban, on est tous des Canadiens ».


Déracinement


Oubliés le nationalisme québécois, la société distincte, ces vieux habits d’une époque révolue. Nos valeurs communes, selon Trudeau ? « L’ouverture à l’Autre, le respect, la compassion, la volonté de travailler fort et la recherche de l’égalité et de la justice ». Éradiqués donc l’histoire, les racines et l’imaginaire communs.


Le Canada est désormais une page blanche sur laquelle chacun écrit sa propre histoire. D’ailleurs, il existe deux versions de l’hymne national. Composé par Basile Routhier, pour les paroles, et Calixte Lavallée, pour la musique, voici le début de la version originale en français de 1880, toujours en vigueur en 2017 : « Ô Canada ! Terre des nos aïeux,/Ton front est ceint de fleurons glorieux !/[...]/Ton histoire est une épopée/Des plus brillants exploits./Et ta valeur, de foi trempée,/Protégera nos foyers et nos droits ».


Comparons avec la traduction de la version en anglais de 1968, chantée depuis 1980 : « Ô Canada ! Notre patrie et pays natal ! [...]/Le cœur heureux, nous te regardons grandir/Pays du Nord, puissant et libre/[...] Ô Canada !/Nous sommes prêts à tout pour toi/Dieu garde notre patrie, glorieuse et libre. » Pour les Canadiens francophones, il s’agit du passé de leurs ancêtres et de leurs racines alors que les anglophones chantent la puissance et l’avenir. Deux visions, deux cultures, deux langues dans un rapport de force prévisible. Voilà le Canada postnational en marche.




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