Il a fallu cinq jours pour que Berlin réagisse. Cinq jours au cours desquels l’émotion est montée dans le pays, au fur et à mesure que les plaintes se multipliaient. Certains journalistes, gênés, se demandaient sur les réseaux sociaux de quelle façon leur chaîne publique « devait » (“sollte”) en parler. En France, l’information n’a d’abord circulé que sur les médias alternatifs. Avant que RTL, Europe 1 et enfin l’AFP ne s’en fassent finalement l’écho : « Le gouvernement allemand a condamné mardi une centaine d’agressions sexuelles commises à Cologne, dans l’ouest du pays, la nuit de la Saint-Sylvestre et attribuées par la police à des hommes d’origine nord-africaine. » Ils étaient en tout un millier, selon la police, « agressifs et saouls », rassemblés aux alentours de la gare et de la cathédrale.
Le ministre de la Justice allemand a déclaré qu’il s’agissait « d’une nouvelle forme de criminalité organisée » et « qu’il allait falloir qu’on réfléchisse, qu’on pense aux moyens à mettre en œuvre pour y faire face ». Il a aussi mis en garde contre toute « instrumentalisation » de cette affaire dans le débat sur l’afflux de migrants en Allemagne. « Les réfugiés ne doivent pas faire l’objet d’une suspicion générale », a renchéri le ministre de l’Intérieur.
Ils ont raison.
Non, il ne faut pas instrumentaliser cette affaire. Mais il ne faut pas non plus l’occulter. Et entre l’instrumentalisation et l’occultation, qui relèvent toutes deux de la manipulation, il y a un point d’équilibre qui s’appelle la vérité. La réalité. Ou, en d’autres termes, l’information brute à laquelle tout un chacun a droit dans un pays supposé libre comme l’Allemagne ou la France.
Non, les réfugiés ne doivent pas faire l’objet d’une suspicion générale. Mais pas non plus d’une béatification générale, le statut de migrant n’étant pas en soi un brevet de vertu.
Oui, il va falloir réfléchir. Mais réfléchir n’est pas rêver. Et l’angélisme d’Angela doit céder la place au pragmatisme.
Dans cet angélisme rentre d’ailleurs du néocolonialisme. A-t-on assez vilipendé ceux qui enseignaient « nos ancêtres les Gaulois » à de petites têtes brunes sous des latitudes lointaines. Mais vouloir leur prêter à toute force des ancêtres gaulois n’est pas plus idiot, plus autoritaire ni plus ignorant de « l’autre » que de les imaginer pétris des mêmes réflexes culturels, des mêmes référentiels, des mêmes codes, notamment en matière de relations hommes-femmes. Les guides touristiques mettent en garde, sans qu’on les accuse de racisme : il est des coins du monde où il est vivement déconseillé pour une femme, eu égard aux réactions des autochtones, de se promener seule et légèrement vêtue. Quel regard ces autochtones, devenus allochtones « célibataires » en Allemagne, ont-il porté sur ces jeunes Colognaises errant un soir de 31 ?
Cet « incident » survient quelques semaines après la parution dans le New York Times d’un article sur une initiative norvégienne visant à « apprendre les codes socio-cultuels européens » aux « migrants de sexe masculin ». La seule du genre car, selon le New York Times, « la plupart des pays européens ont renoncé à ces questions d’adaptation par peur de stigmatiser les migrants et d’encourager les discours des politiques anti-immigration ». Pourtant, « beaucoup de réfugiés viennent de cultures où il n’y a pas d’égalité hommes-femmes et où les femmes sont les propriétés des hommes », explique le psychologue Per Isdal, et « le plus grand danger pour tout le monde, c’est le silence ».
Silence des journalistes. Silence des politiques. Silence des féministes dont pas une seule ne s’est encore inquiétée des conséquences de l’afflux de migrants sur la condition féminine en Europe.
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