Paul Journet La Presse (Québec) Même s'il répète que l'abattage selon les rites halal est légal, le PQ s'en inquiète, pour des raisons de «souffrance animale», de «santé publique» et de liberté de choix des consommateurs.
Son porte-parole en agriculture, André Simard, a demandé au ministère de l'Agriculture de lui fournir un portrait d'ensemble de l'abattage fait selon des normes religieuses. Mais il devra attendre. Le ministère ne détient «aucune information» sur la pratique, selon la réponse donnée à sa demande d'accès à l'information.
Le PQ veut maintenant que le ministre de l'Agriculture, Pierre Corbeil, recense et dévoile le nombre d'abattoirs québécois qui utilisent des rites religieux, le volume de production par espèce de viande halal et kasher, le volume consommé ainsi que les importations et exportations. Cette demande a été faite au début février, avant que le nombre de reportages sur le sujet n'augmente dans divers médias, entre autres sur la viande halal servie dans les CPE à l'insu des parents, et les poulets de l'usine Olymel de Saint-Damase, qui sont tous halal, comme le rapportait V hier.
«L'abattage religieux est permis, mais il doit demeurer l'exception. (...) Or l'exception est devenue la règle générale», lance M. Simard. Il estime qu'un «dérapage est en train de se faire».
Le PQ songe à «encadrer» la pratique. «Il faudra faire quelque chose», annonce M. Simard. «Au Québec, l'animal doit être «inconscient» avant qu'on le tue en le vidant de son sang. Ce n'est pas le cas avec la viande halal, regrette M. Simard, un vétérinaire de formation. Cet abattage religieux requiert le «sectionnement de la gorge». L'animal doit aussi être vivant quand on le saigne.
Le gouvernement fédéral songe à assujettir la viande halal à la loi canadienne, comme c'est déjà le cas pour la viande casher. Mais ce n'est pas pour les mêmes raisons que le PQ. La communauté musulmane souhaitait une certification pour contrôler l'étiquetage halal, indiquait alors L'Agence canadienne d'inspection des aliments.
Le marché de la viande halal est en expansion. Il est évalué à 632 milliards $ par année à l'échelle mondiale.
Risque pour la santé?
M. Simard soutient que la viande halal poserait plus de risques pour la santé. «Il y a des risques d'innocuité» avec la viande bovine halal. Selon lui, comme on tranche la gorge, on augmente le risque de contamination avec le tube intestinal, et donc la propagation de bactéries comme le E. coli.
Il dit que la viande halal «ne correspond pas à (ses) valeurs et convictions». Il invite les consommateurs attirés par «l'exotisme» de cette viande de bien s'informer.
Le PQ se défend d'utiliser la viande pour lancer un débat identitaire qui lui profiterait. Même si la pratique est légale, et ne nécessite donc pas d'accommodement à proprement parler, il la qualifie néanmoins «d'accommodement déraisonnable».
Geneviève Lepage, porte-parole de l'Association musulmane québécoise, assure que la viande halal ne pose pas de problème de santé publique. Elle cite une étude d'un chercheur de l'université Cornell. «Les lubies du PQ et de M. Simard, sont selon moi issues d'une idéologie qui vise à stigmatiser la communauté musulmane (et juive)», dénonce-t-elle.
Odieux, dit Khadir
La CAQ appuie cette demande. «Au nom de la liberté de choix des consommateurs, je pense qu'il faudrait fournir cette information aux consommateurs. Il faut de la transparence», dit son porte-parole en matière d'Immigration, Benoît Charette. Il assure toutefois ne pas avoir de problème à manger de la viande halal.
Amir Khadir, lui, juge la position du PQ «odieuse». «Je trouve déplorable que le PQ importe ce débat lancé en France par le Front National et mise sur les craintes de la population», se désole-t-il. Le parti de Marine Le Pen a introduit en campagne électorale ce sujet polarisant.
«Comme médecin, je n'ai jamais vu de problème de santé lié à la viande halal ou casher», dit-il.
Il juge aussi que la position du PQ est hypocrite. «Si c'est la souffrance animale qui les préoccupe, pourquoi ne parlent-ils pas des conditions d'élevage des poulets ou dans les porcheries? Et si c'est la liberté de choisir qui les motive, pourquoi n'ont-ils pas demandé aujourd'hui l'étiquetage obligatoire des OGM?»
Il ne se dit pas pour ou contre l'étiquetage obligatoire de ces viandes. «Qu'un poulet soit tourné vers la Mecque ou le Nord, je m'en fiche.»
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