Le 23 juin, les Britanniques décideront de demeurer dans l’Union européenne ou de la quitter. Alors que les partisans de la rupture (Leave) avec l’Europe talonnent de près ceux qui veulent y demeurer (Remain), «Le Devoir» est allé sonder les enjeux d’un scrutin historique.
«Si dans quatre semaines, l’Écosse vote pour rester [dans l’Union européenne] et que le reste du Royaume-Uni ou l’Angleterre nous tirent à l’extérieur en votant pour le Brexit, je crois que cela justifierait un nouveau référendum. […] Et je crois que cette fois, le résultat sera “ oui ”. »
La semaine dernière, en plein débat sur la BBC à Glasgow, le leader historique des indépendantistes écossais, Alex Salmond, aujourd’hui leader parlementaire des 54 députés du SNP (Scottish National Party) à la chambre des Communes, n’avait jamais été aussi clair. En cas de Brexit, Édimbourg tiendra un second référendum dans moins de deux ans, dit-il. Deux ans, c’est exactement le temps qu’il faudrait au gouvernement britannique pour négocier un accord de sortie de l’Union européenne.
La veille à Westminster, la première ministre écossaise Nicola Sturgeon était venue dire sensiblement la même chose. Selon elle, si l’Écosse devait être malgré elle poussée hors de l’Union européenne, les Écossais « songeraient à nouveau à l’indépendance ».
Ironie du sort, en septembre 2014, les mêmes leaders européens qui viennent aujourd’hui faire la leçon à Londres se précipitaient à Édimbourg pour dire exactement la même chose : si vous décidez de partir, vous n’aurez pas de traitement de faveur ! Sauf que cette fois, Nicola Sturgeon, Jean-Claude Juncker et David Cameron se retrouvent dans le même camp. Certes, la première ministre écossaise dénonce un débat qui « insulte l’intelligence des électeurs » et elle se tient loin des tribunes que ses anciens adversaires occupent. Mais elle n’hésite pas à servir aux partisans du Brexit les remontrances qu’on lui servait hier.
Un changement radical
Pour la députée du SNP à Londres, Tasmina Ahmed-Sheikh, il ne fait pas de doute que si les Écossais devaient quitter l’Union européenne contre leur volonté, cela représenterait un changement radical. « Le peuple écossais se sentirait trahi et en colère. Car le Non à l’indépendance a toujours été présenté comme une garantie du maintien de l’Écosse dans l’Union européenne. Dans ces circonstances, nous serions pleinement justifiés de reposer la question de l’indépendance au peuple écossais. » Un scénario que l’ancien premier ministre conservateur John Major n’avait d’ailleurs pas hésité à juger « très probable ».
Il y a une grosse différence entre les indépendantistes écossais et les partisans du Brexit, dit la députée d’origine anglo-pakistanaise qui a grandi à Édimbourg. « Contrairement aux indépendantistes écossais, les partisans du Brexit n’ont jamais été capables de nous dire à quoi ressemblerait le Royaume-Uni hors de l’Union européenne. » Ahmed-Sheikh rappelle qu’au contraire, le SNP avait publié un volumineux livre blanc plusieurs mois avant le référendum expliquant en détail à quoi ressemblerait une Écosse indépendante.
Est-ce parce que l’Écosse a eu dans l’histoire des relations étroites avec la France ou simplement pour ennuyer Londres ? Toujours est-il que l’Écosse a toujours été plus européenne que l’Angleterre. Au point où, si jamais le Brexit perdait de peu le 23 juin prochain, ce pourrait être largement dû aux Écossais, aux Gallois et aux Irlandais du Nord. Toutes les enquêtes montrent en effet que les bastions du Brexit se concentrent en Angleterre, notamment dans l’Est et le Nord. La seule région d’Angleterre qui est aussi pro-européenne que l’Irlande du Nord, l’Écosse et le pays de Galles est Londres, capitale de la finance internationale.
Des Écossais pour le Brexit
Mais le scénario d’un second référendum en cas de Brexit n’est peut-être pas aussi limpide que le laissent entendre Alex Salmond et Nicola Sturgeon. Certains indépendantistes écossais craignent au contraire que la stratégie actuelle du SNP rende l’indépendance de l’Écosse encore plus difficile. C’est l’opinion de l’ancien leader parlementaire du SNP Jim Sillars. Ce membre fondateur du SNP est l’un des très rares élus écossais à faire campagne pour le Brexit. Sillars ne voit pas pourquoi les Écossais devraient se montrer loyaux à l’égard d’une Europe qui, pendant la campagne référendaire de 2014, n’a pas hésité à menacer l’Écosse de tous les maux. Selon lui, l’idée d’un second référendum suivant un Brexit est « fantaisiste » et fait le jeu du premier ministre britannique David Cameron. L’Écosse deviendra plus facilement indépendante si elle n’est pas dans l’Union européenne, affirme Sillars.
Et pour cause. Le SNP ne propose-t-il pas depuis toujours de maintenir intacts les liens économiques qui l’unissent au Royaume-Uni et même de conserver la livre sterling ? Alors que les exportations écossaises vers l’Union européenne (sans le pétrole) atteignent 11 milliards de livres sterling, les exportations en direction du seul Royaume-Uni sont quatre fois plus importantes et atteignent 48 milliards de livres. La plupart des experts estiment que, si l’Écosse voulait demeurer membre de l’Union européenne malgré un Brexit, elle serait alors obligée de se joindre à l’euro, comme tous les membres de l’Union ont normalement vocation à le faire. Un choix qui risque d’être déchirant alors que l’Écosse devrait négocier simultanément des aménagements économiques avec Londres et Bruxelles. Tout cela à une époque où les revenus du pétrole de la mer du Nord s’effondrent.
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AU ROYAUME DU BREXIT (4 DE 4)
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