Ceux qui croyaient encore qu’un accord pourrait être trouvé à l’Eurogroupe du lundi 11 mai, ouvrant la voie au versement d’une dernière tranche (7,2 milliards d’euros) à la Grèce, seront forcément déçus. Cette réunion n’a accouché que d’une déclaration très diplomatique des 19 ministres des finances de la zone euro, se « félicitant » des « progrès constatés » dans la négociation mais constatant que « davantage de temps et d’efforts sont nécessaires » pour s’entendre.
Pour autant, cet Eurogroupe avait son utilité. Il a eu le mérite de montrer qu’un accord entre Athènes et ses créanciers internationaux (UE, BCE, FMI), est désormais envisageable. Cela n’avait rien d’évident il y a trois mois, quand les pourparlers ont commencé entre le gouvernement Tsipras, qui promettait à ses électeurs d’en finir avec l’austérité, et le reste de l’Eurogroupe, dominé par des dirigeants conservateurs et sociaux-démocrates, pas prêts à des concessions qui nourriraient leurs oppositions internes…
Tsipras plus impliqué
De fait, les discussions avancent enfin plutôt bien. Finie la période — de début février à fin mars — durant laquelle Athènes et ses créanciers ont joué au chat et à la souris, chicanant sur des histoires de procédures. Qui devait représenter les créanciers à la table des discussions ? Où devaient se tenir ces pourparlers : à Athènes, à Paris ?
Quand tout le monde est enfin entré dans le vif du sujet, début avril, les discussions ont patiné à cause d’une équipe grecque brouillonne et pas clairement motivée par la recherche d’un accord. Les équipes ont été remaniées, le ministre des finances, le controversé Yanis Varoufakis, marginalisé, le premier ministre Tsipras s’est en revanche impliqué de plus en plus directement. Au point qu’« aujourd’hui, nous avons un mode de fonctionnement qui n’est pas la panacée mais qui avance bien » soulignait lundi le commissaire européen à l’économie Pierre Moscovici.
L’Eurogroupe du 11 mai acte aussi le fait que le climat d’extrême animosité — très peu propice à un compromis — qui avait culminé lors du précédent Eurogroupe (le 24 avril, à Riga), a été surmonté. Lors de cette réunion, M. Varoufakis s’était retrouvé complètement isolé face à 18 autres ministres à bout de nerfs. Lundi soir, à Bruxelles, le grand argentier grec, volontiers donneur de leçons, s’est montré discret. « Il a juste tenté de modifier à la marge la déclaration qui avait été préparée à l’avance, mais il a été arrêté tout net par Wolfgang Schaüble » assure un proche des discussions.
Le scénario d’un Grexit s’éloigne
La suggestion faite par le ministre allemand, juste avant d’entrer dans l’Eurogroupe, qu’un référendum sur les réformes en Grèce serait une bonne idée, n’a pas du tout été discutée avec ses pairs, toujours selon cette source. Ils n’avaient pas du tout envie en abordant ce sujet, de donner l’impression de s’immiscer dans les affaires d’Athènes.
La déclaration de lundi, a aussi pour but de rassurer les marchés : le scénario d’un Grexit s’éloigne, d’autant que la Grèce a confirmé, lundi, qu’elle rembourserait bien le lendemain, mardi 12 mai, les 770 millions d’euros dus au FMI. Probable, aussi, que la BCE va continuer à relever le plafond des ELA (emergency liquidity assistance), ce financement d’urgence qu’elle fournit encore aux banques grecques.
Quand l’accord interviendra t-il ? En l’absence de grosses échéances de remboursement avant juillet, Athènes et ses créanciers ont maintenant sept bonnes semaines devant eux. Ce n’est sans doute pas de trop pour rapprocher les points de vue, toujours très divergents, sur la liste de réformes que les Grecs doivent fournir.
« Deux semaines » de liquidités
Le gouvernement Tsipras défend un projet de budget 2015 équilibré grâce à de plus grandes rentrées fiscales (avec notamment l’instauration d’une TVA sur les achats des touristes dans les îles grecques). Le FMI conteste le niveau de ces rentrées fiscales et exige la poursuite de la libéralisation du marché du travail et une réforme des retraites, le système actuel étant jugé encore trop coûteux. « Sur ces deux sujets, Tsipras n’aura pas d’accord s’il ne transige pas » estimait une source européenne proche des discussions, lundi.
Le temps presse : plus Athènes tergiverse, plus sa situation économique se détériore, rendant encore plus délicate sa position de négociation… Pour 2015, la commission européenne prévoit désormais un déficit public de 2,1 % du PIB alors que la Grèce avait dégagé un léger excédent en 2014. « La Grèce risque d’être à court de liquidités d’ici deux semaines, tout le monde le sait, ce n’est pas la peine de tourner autour du pot » a déclaré pour sa part M. Varoufakis lundi.
Une signature d’ici fin mai ? Pas impossible pour les plus optimistes des créanciers. Cela permettrait de disposer encore d’un gros mois - d’ici à fin juin, date d’expiration de l’actuel plan d’aide à la Grèce - pour négocier un nouveau plan de soutien (le troisième), et un allégement de la dette du pays (environ 340 milliards d’euros). Une discussion « pas taboue », comme l’a dit au « Monde » le président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, jeudi 7 mai.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé