Vers le confédéralisme, soit le séparatisme

Chronique de José Fontaine

La crise politique belge du 19 décembre 2008 avec la démission d’Yves Leterme s’est résolue pendant les fêtes. Le roi a nommé Premier ministre Herman Van Rompuy (également démocrate-chrétien), le 30 décembre 2008. Les Chambres ont voté la confiance le 2 janvier. Les changements ministériels sont relativement minimes. Le nouveau Premier Ministre est-il plus habile que le précédent ? En fait, les difficultés politiques depuis les élections de 2007 ne sont pas liées à de simples questions de personnes.
La dernière crise
La dernière crise avait comme origine le fait que des pressions avaient été exercées par le Pouvoir exécutif sur la Cour d'Appel de Bruxelles. Le Gouvernement ne souhaitait pas qu'elle réforme un jugement du Tribunal de Commerce, statuant en référé, et déboutant quelques milliers de petits actionnaires du groupe Fortis mécontents des modalités de cette sorte de nationalisation par le Gouvernement puis des conditions de la revente partielle de Fortis à la banque française BNP. Le Gouvernement avait agi ainsi parce que le groupe était menacé de faillite, les 20.000 employés du chômage et les centaines de milliers de Belges qui épargnent à Fortis ou s’y assurent en danger de tout perdre. Les petits actionnaires se sont mobilisés et ont obtenu que l’initiative gouvernementale soit remise en cause, qu'une AG soit convoquée.
Deux Commissions d'enquête parlementaire vont être installées, l'une devant s'informer des pressions du Pouvoir exécutif sur le Pouvoir judiciaire, l'autre des circonstances du rachat de Fortis par le Gouvernement précédent. Les deux principaux ministres impliqués dans la première affaire (séparation des pouvoirs), soit l'ancien Premier ministre et le ministre de la Justice, ont démissionné. Mais Didier Reynders, ministre des finances dans les gouvernements belges précédents et l’actuel, homme fort du Mouvement réformateur, le parti libéral francophone (qui a ravi aux socialistes wallons leur place de premier parti en Wallonie dans le cadre des élections fédérales et rêve de les supplanter aux élections régionales de juin 2009), pourrait être aussi inquiété.
Il devient impossible de jouer le jeu politique belge
Or, les élections régionales sont pour demain. Leur enjeu, c'est la constitution des parlements régionaux en Flandre, en Wallonie et à Bruxelles et elles ont lieu en même temps dans les trois Régions belges. Cela ne clarifie pas les enjeux.
La législature régionale est de 5 ans, la législature fédérale de 4 ans. En 1995 et en 1999, les élections fédérales et régionales eurent lieu en même temps. Puis on les découpla en fonction des voeux des « régionalistes » désireux de distinguer les deux champs politiques (régional/ fédéral). Premières élections régionales séparées des fédérales en 2004 (les élections fédérales avaient eu lieu en 2003). En Wallonie, le président du PS fort de la victoire de son parti au plan wallon s'allie au régional avec les démocrates-chrétiens du CDH, mais reste l’allié des libéraux au plan fédéral. Qu'un Etat fédéré se gouverne autrement que l'Etat fédéral est logique. Mais en Belgique, il n'y a que trois Etats fédérés. Cela complique la vie des gouvernements fédéraux écartelés entre deux espaces publics (Flamands/Wallons et Bruxellois francophones), ou trois (Bruxelles, Wallonie, Flandre).
Les institutions belges ne sont pas plus compliquées qu’ailleurs, mais le jeu politique, lui, ne peut que s’embrouiller de plus en plus étant donné ce que je viens de rappeler. En Belgique, le fait qu'il n'y ait que trois Etats fédérés fait que tout se mélange tout le temps. Il y a eu des élection fédérales en 2003, régionales en 2004, fédérales en 2007. Dans un proche avenir, il y aura des élections régionales en 2009, fédérales en 2011, régionales en 2014, fédérales en 2015 etc !
Seule issue: le confédéralisme
Certains voudraient que les élections régionales et fédérales aient lieu en même temps. Mais cela ne garantirait pas plus de cohérence parce que les champs politiques flamands et wallons sont structurés de manière profondément différente. Les partis flamands et wallons de même famille idéologique sont différents et distincts. Il existe en Flandre des partis (l'extrême droite fascisante et l'ultra-droite populiste), sans correspondant en Wallonie. Quand, dans un Etat fédéral, il n'y a pas plus que deux ou trois espaces politiques différents, le jeu politique y est impossible.
La seule façon de rendre le jeu politique jouable, c'est de réduire l'importance de l’espace belge fédéral. On n'est pas passé pour rien de l'Etat unitaire à l'Etat fédéral. Celui-ci s'avère compliqué à vivre aussi. Mais un retour en arrière est impossible! Les institutions wallonnes, flamandes et bruxelloises fonctionnent bien, en gros. Ce qui fonctionne mal, c’est le fédéral supposé les rassembler. La thèse de Kris Peeters, le Président flamand c’est qu’il faut changer le centre de gravité des institutions du pays (le roi a cité cette opinion dans son discours de Noël), en subordonnant le pouvoir fédéral aux Etats fédérés. L'Etat belge deviendra alors une Confédération d'Etats indépendants.
Mais aussi étrange que semblera ma formule, ce confédéralisme - qui est une forme de séparatisme - est le seul avenir d'une vie politique belge qui resterait commune, certes très vaguement et plus très belge.
José Fontaine

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José Fontaine355 articles

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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.

Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...





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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    10 janvier 2009

    Bonne idée pour la Belgique qui serait aussi bonne pour le Canada.