Un jour une crise belge sera impossible

Chronique de José Fontaine

La crise politique belge survenue le 19 décembre n’est toujours pas résolue. Le roi a finalement désigné un « explorateur » en la personne de l’ancien Premier ministre Wilfried Martens (72 ans, qui fut Premier ministre belge pratiquement de 1979 à 1992), du même parti que celui du Premier ministre démissionnaire, Yves Leterme.
Rétroactes
Désigné le 22 décembre pour cette mission d’ « exploration » (en Belgique, c’est en principe le roi – et c’était plus réel autrefois - qui forme le Gouvernement, mais il désigne pour ce faire des personnalités politiques qui reçoivent les noms les plus divers – formateur, informateur, médiateur, co-médiateur, et maintenant explorateur). Martens est un homme certes toujours attentif, mais retiré de la vie politique active. Sa désignation, le fait que le discours de Noël du roi ait fait allusion à une nécessaire réforme de l’Etat incite les observateurs à penser que c’est au sein du parti du Premier ministre démissionnaire que la crise est la plus difficile. Juristes et observateurs ne sont pas d’accord sur la question de savoir si le motif de la crise – des pressions exercées par le Pouvoir exécutif sur la Justice dans l’affaire de la reprise par l’Etat de la banque Fortis en voie de faillite et cela pour que celle-ci ne réforme pas une décision préalable du Tribunal de commerce favorable (statuant en référé) en faveur de la régularité juridique de l’opération menée par le gouvernement – est réellement grave quant au fond. Il faut dire que le Président de la Cour de cassation, premier magistrat du pays, avait écrit au Président de la Chambre qu’il y avait des indices que des pressions avaient été exercées.
Une crise flamando-flamande
Mais de toute façon le gouvernement démissionnaire réunissant trois partis wallons et francophones (socialistes, libéraux et démocrates humanistes - soit les anciens démocrates-chrétiens), et deux partis flamands (les démocrates-chrétiens et les libéraux), était fragilisé pour mille raisons. D’abord en raison de la difficulté (tenant aux tensions entre Flamands et Wallons), à former un gouvernement après les élections de juin 2007. Devant l'impossibilité de former une coalition après ces élections, un gouvernement, dit « provisoire », avait même été mis en place de la Noël 2007 à Pâques 2008, gouvernement suivi par le gouvernement actuel présidé par Yves Leterme qui, cependant, avait déjà remis sa démission au roi le 14 juillet 2008 (sans compter que Leterme avait déjà démissionné deux fois lorsqu’il accomplissait sa mission de formateur en août et en décembre 2007). Certains jugent que cet homme politique était incompétent. D’autres jugent qu’il incarnait la perpétuelle hésitation de la Flandre en son désir d’indépendance (et de rupture avec l’Etat belge), et l’intérêt de celle-ci à maintenir ses positions dans une Belgique qu’elle domine réellement. La présidente des démocrates-chrétiens flamands a même récemment décidé de ne pas prendre un appel téléphonique qui lui était adressé par le président d’un parti francophone de la majorité gouvernementale (Le Soir de ce mardi 23 décembre). Certes parce qu’elle était submergée. Ce qui est sûr c’est que le Président de la Cour de cassation avait écrit sa lettre au Président de la Chambre uniquement en néerlandais. Dans son discours de Noël, le roi a même plaidé pour un « rééquilibrage du centre de gravité institutionnel » en insistant sur le fait qu’il citait les « médiateurs » nommés par lui en juillet dernier. Or cet accent mis sur le déplacement du centre de gravité institutionnel n’est pas très loin du vocabulaire du Président flamand parlant d’une nécessaire révolution copernicienne (la terre tourne autour du soleil et non l'inverse) dans ce domaine, devant amener à mettre au centre de l’univers juridique belge non plus l’Etat fédéral, mais les Etats fédérés, le fédéral se mettant à leur service.
Ceci pourrait être le dernier enlisement
Il est légitime de parler d’enlisement dans la mesure où la crise politique survient dans un contexte économique mondial déstabilisant (la crise bancaire et financière), au terme des péripéties politiques que j’ai rappelées et aussi parce que des élections régionales (dans les trois Etats fédérés du pays et la petite Communauté germanophone), auront lieu en juin 2009. Ce qui est un enjeu régional tant en Flandre (un nouveau parti populiste ne cesse de monter semblant même capable de disputer la première passe aux partis classiques), qu’en Wallonie (où les libéraux et les socialistes se disputent la première place), sans parler de la Région bruxelloise dont des régionalistes souhaitent plus d’autonomie aussi. On a même songé, tant ces perspectives électorales empoisonnent le débat, faire revoter les Belges à la fois au fédéral et dans les Etats fédérés. Pour remettre les compteurs à zéro. En effet, lorsque les élections des Etats fédérés seront passées en juin prochain (avec les bouleversements qu’elles risquent de provoquer), il ne restera plus que deux petites années de vie au gouvernement fédéral (dont la législature dure quatre ans).
Le vieux routier de la politique qu’est Wilfried Martens veut pourtant former un gouvernement stable. Mais si l’on entend bien ce que veut son parti, ce gouvernement - qui est un gouvernement fédéral - devrait devenir secondaire – comme l’Etat fédéral lui-même - par rapport aux Etats fédérés et à leurs gouvernements. L’enlisement du gouvernement fédéral tiendrait donc peut-être à ce qu’il est chargé d’encore trop de pouvoirs. Ce qui fait penser que le fédéral belge pourrait se dégager de cette situation, c’est que ceux qui tentent de le pousser hors des ornières peuvent espérer qu’il ne sera plus jamais aussi chargé de pouvoirs donc de signification politique qu’il ne l’est encore aujourd’hui.
José Fontaine

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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.

Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...





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