La revue Relations vient de s'adjoindre comme chroniqueur le cinéaste Bernard Émond. Il s'agit là d'un apport heureux à la liste de leurs collaborateurs. Le premier papier du talentueux réalisateur de La Neuvaine tire un constat morose, pour ne pas dire déprimant, de la situation politique québécoise.
Après avoir été enflammé dans sa jeunesse par les mots «Nous vaincrons!», Émond en vient à la conclusion «que nous ne vaincrons pas», que le sort en est comme qui dirait jeté. Il ne lui vient pas à l'idée de se demander ce qu'il est advenu de ses rêves, puisqu'il se sent acculé à la défaite. D'aucuns s'en retourneraient sur leurs terres, la queue entre les jambes, mais Émond, contre toute attente, conserve néanmoins un ersatz d'espoir, «convaincu de la nécessité de la résistance». Nous ne vaincrons pas, mais au moins nous nous battrons pour l'honneur. Ainsi, nous sauverons peut-être les meubles et, assurément, notre âme.
Ces propos me semblent défaitistes à souhait, surtout provenant d'un homme qui n'a jamais caché son engagement pour l'indépendance et le socialisme. Mais on peut comprendre son raisonnement, quand on songe à la démission culturelle (ces chanteurs québécois qui chantent exclusivement en anglais), quand on pense que «l'idée de transmission de l'histoire au Québec est une idée qui a presque disparu» (comme le confiait Émond dans un entretien accordé à Simon Galiero en janvier 2007), quand on regarde nos semblables rivés devant leurs écrans à plasma pour suivre Occupation double ou Loft Story, ou encore agitant leurs petits fanions de la Sainte Flanelle comme des toxicomanes en manque d'un je-ne-sais-quoi.
Affirmer d'une part que nous ne vaincrons pas, et, d'autre part, suggérer qu'il faut à tout le moins se battre pour l'honneur m'apparaît un brin antinomique, mais Émond semble confortable avec l'idée. D'ailleurs, toujours dans l'entretien de 2007, il confiait partager la vue de George Orwell qui disait: «il faut être sans espoir, mais opiniâtre».
Je ne suis pas du tout de ce côté-là des choses, mais je peux néanmoins m'en accommoder tant et aussi longtemps qu'Émond ne démissionne pas, ne jette pas l'éponge. Nous traversons de fait une période difficile, alors que le ciel semble nous être tombé sur la tête. Nous partons de loin, parce que nous n'avons pas su nous relever au lendemain du référendum de 1995 (qui nous a pourtant été volé), parce que les médias et les fédéralistes (qui sont souvent les mêmes) ne nous font pas de quartier non plus et que, bonnasses, nous ne leur rendons pas la monnaie de leur pièce. Mais tout cela peut changer. Il n'en dépend que de nous. Regardez comment il a fallu relativement peu de «guerriers» pour faire annuler la reconstitution festive de la bataille des Plaines, comment l'événement du Moulin à Paroles, d'abord voué aux gémonies par les médias comme la Presse et les radios-poubelles, a obtenu un éclatant succès. Regardez les marches pour l'indépendance qui reprennent de plus belle. Et pensez-vous que la visite royale prévue pour novembre sera un franc succès si elle ose fouler le territoire québécois !
Bernard Émond ne croit pet-être plus pour l'instant que nous vaincrons, soit, mais il ne démissionne pas pour autant, «convaincu de la nécessité de la résistance». Moi, je crois plutôt que «nous vaincrons, car nous n'avons tout simplement pas le droit de perdre!» (Manifeste du Réseau de résistance du Québécois). L'ami Falardeau vient de nous quitter il y a quelques heures. Même dans la tourmente, il n'a jamais abdiqué. Voilà qui nous fournit une raison supplémentaire pour nous battre et, finalement, vaincre... car nous n'avons tout simplement pas le droit de perdre!
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6 commentaires
Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre
3 octobre 2009M. Durand,
Personne ne pourra décréter d’autorité si nous vaincrons ou non. Au mois d’août dernier, le FFM nous présentait ce docu « Questions nationales » où les auteurs voulaient nous consoler en nous mettant en parallèle avec la Catalogne et l’Écosse. Ces deux nations ont depuis longtemps perdu leur langue et luttent encore contre des Empires aussi redoutables que l’Espagne et l’Angleterre. Le premier référendum écossais annoncé pour 2010 vacille à l’intérieur de la coalition qui a fait gagner le Parti Nationaliste Écossais (SNP) par un siège. Le documentaire utilise abondamment le commentaire de Landry et Duceppe. Marois, échaudée par sa participation à « A hauteur d’homme » a refusé d’y participer. Elle a d'ailleurs filé à l’anglaise après la projection alors que Duceppe fraternisait avec Péladeau, qui commandite la production… Preuve que ces trois nationalismes n’ont plus rien de menaçant pour leur pays respectif. Preuve aussi que nos descendants auront encore longtemps des soubresauts de nationalisme comme argument de négociation.
Jean-François-le-Québécois Répondre
29 septembre 2009Pour que nous en venions à vaincre, il faudrait entre autres que certains souverainistes cessent de s'excuser de l'être, presque, comme si c'était une maladie honteuse. Je pense à certains, que je connais personnellement, ici.
Et il faudrait, aussi, que nous répondions, du tac au tac, et sur la place publique, à ces fédéralistes qui essaient de convaincre Monsieur et Madame Tout-le-monde que la souveraineté, c'est dépassé; que ce n'était qu'une mode, qui aurait disparu après 1995! Je pense ici à Alain Dubuc, entre autres...
Archives de Vigile Répondre
29 septembre 2009Salut Luc Bertrand,
Sachez d'abord que je suis de votre avis... un slogan comme "Nous vaincrons !" ne remplacera jamais l'action, d'ailleurs, je ne vous l'apprends pas, ceux qui l'utilisent ne sont pas généralement reconnus pour rester assis sur leur cul. Ce serait trop simple, ou simpliste, comme vous dites. Mais vous comprendrez que mon propos ne se prétendait pas non plus une plate-forme pour l'action, mais un cri pour dire que le combat doit se faire, maintenant, tout le temps, à toute heure, et que Falardeau n'est pas mort tant que ce combat se poursuit. D'ailleurs, au moment où je vous parle, il existe plein d'organisations qui s'activent pour faire avancer notre cause.
Tous les jours, à la Maison Ludger-Duvernay, pour ne nommer que cet endroit, il y a des militants et militantes qui téléphonent pour mobiliser, informer, annoncer des actions, suggérer du "tractage", en un mot, faire de l'agitation-propagande (dans le sens noble, pas dans le sens propagande à la sauce éditoriale de La Presse). Alors, ne vous en faites pas, Luc (comme je connais deux Luc Bertrand, que j'aime bien par ailleurs, je suppose que vous devez être l'un des deux, à moins qu'il y en ait trois !), les slogans sont là pour sonner le tocsin, rien de moins, rien de plus, ce sont des cris pour dire que nous sommes toujours VIVANTS, toujours et plus que jamais aux côtés de l'ami Falardeau, et que le combat continue. Pour ce qui est de l'action, elle se mène sur le terrain où je serai avec vous, patriote, dès la prochaine occasion...
Jean-Pierre Durand
Archives de Vigile Répondre
28 septembre 2009Monsieur Bertrand,
J'ai lu à deux reprises votre excellent commentaire et je suis
d'accord avec vous que l'heure n'est plus au tataouinage avec notre avenir politique.
Je n'arrête pas de le faire sentir aux dirigeants du PQ et de dénoncer ce gouvernement
de traîtres, de judas, de vendus qu'est le gouvernement Charest. J'incite même les
gens à descendre dans la rue et à désobéir civilement afin de manifester leur
mécontentement; je me demande ce que je pourrais faire de plus. Lisez mon
commentaire suite à l'article de M. Julien présentement affiché. À la fin de son
texte, je lui dis que je ne crois plus au référendum et que la seule solution, c'est
une élection référendaire ou décisionnelle suivie d'une constitution républicaine. Je me
demande ce que je pourrais faire de plus pour le moment. Vive la république du
Québec!
André Gignac 28-9-09
Luc Bertrand Répondre
28 septembre 2009Messieurs Durand et Gignac,
Ça va prendre bien plus que des harangues faciles et simplistes comme "Nous vaincrons!", "Le Québec aux Québécois" ou "le Québec, un pays" pour relancer la vague indépendantiste. Au moment où j'écris ces lignes il n'est peut-être même plus minuit moins cinq. Minuit moins cinq avant quoi? Oui, je comprends très bien ce que vous voulez dire, mais, au-delà du peu de temps qu'il reste, il faut également considérer l'ampleur de la "côte" à remonter. D'ailleurs, ce n'est pas la première fois (ni la dernière d'ailleurs, au train où le bon peuple comprend la gravité de la situation par rapport à l'extrême célérité de nos adversaires à capitaliser sur tout ce que le système leur fournit pour creuser le fossé qui nous sépare de la liberté) que nous tentons de sonner l'alarme pour renverser la vapeur. Je crains, malheureusement, que le point de non-retour est désormais chose du passé. Bien sûr, matante Pauline, Gilles Duceppe et les autres bonzes du Parti et du Bloc québécois feignent ne pas le savoir, mais il n'est pas loin le jour où les historiens annonceront qu'il n'est statistiquement et démographiquement plus possible de réaliser l'indépendance du Québec. À moins d'une erreur stratégique très grave de nos adversaires (comme une attaque sournoise et manifeste à l'endroit du peuple québécois de la part du gouvernement fédéral qui susciterait un appui senti et médiatisé du Canada anglais), il n'est plus possible de rattraper le terrain perdu et de recréer la conscience collective nécessaire à un mouvement populaire en direction de l'indépendance. La cause: la direction du Parti québécois et, bien sûr, nos éternels ennemis les médias de masse. En effet, le momentum suscité par le scandale des commandites, les agissements occultes d'Option Canada et les erreurs de jugement graves du premier mandat de Jean Charest ont créé le dernier contexte favorable pour faire l'indépendance. La "Saison des idées" aurait dû être le ferment de cette nouvelle vague susceptible de réussir, cette fois, notre pays. Mais c'était sans compter sur le repli du PQ sur le politiquement correct (la recherche stérile et improductive d'être "plus blanc que blanc" surtout auprès des minorités ethniques et des fédéralistes qui ont acculé le parti - et le mouvement souverainiste par ricochet - au mur alors que ce sont les tenants du NON qui se sont rendus coupables des pires infractions et violations de la démocratie, et ce, en toute impunité) et la loi du moindre effort (se rabattre strictement sur le mécontentement populaire pour reprendre le pouvoir - même si ce pouvoir était en lui-même illusoire puisque détourné de son sens véritable). André Boisclair a saboté pendant son court règne une occasion que Jacques Parizeau a récolté trop tard en 1994 pour réussir et les membres du PQ ont commis l'erreur de vouloir se racheter en livrant le parti tel un chèque en blanc à Pauline Marois, la seule figure d'autorité qu'ils croyaient capable de reprendre les choses en main dans le bon sens, mais également en omettant de voir que les Québécois en général ne voyaient pas en elle une personne crédible pour assumer la gouvernance d'un pays.
Aujourd'hui, la mort de Pierre Falardeau est à l'image de la santé du mouvement indépendantiste. Le patriote trop souvent seul aux barricades n'est plus. À part quelques jeunes convaincus comme Patrick Bourgeois et Éric Tremblay ou des visionnaires tels Robert Laplante que les médias cherchent immédiatement à marginaliser ou à passer sous silence, on ignore les jeunes déjà poussés à l'individualisme à outrance et on se contente de poseurs de pancartes et de "tapisseurs" d'assemblées générales.
Pendant que nous ne nous entendons pas, nos ennemis, eux, ne tergiversent pas, ils passent à l'action et n'hésitent pas à utiliser les moyens de notre État pour servir leurs intérêts et s'en mettre plein les poches. Le seul parti politique québécois ne réclamant rien de plus pour le Québec est au pouvoir et aucun parti fédéral ne cherche à alimenter la convoitise des Québécois pour se démarquer des autres Canadians. Les anglophones et allophones de Montréal en ont plus que le client en demande. Donc, ne comptez pas trop sur l'ennemi pour tenter un ultime ralliement, lui qui contrôle tout l'univers médiatique et le système judiciaire et qui sait surtout trop bien qu'il a gagné la partie.
Faire l'indépendance n'obtiendra jamais l'assentiment du pouvoir qui nous tient sous le joug. Plus nous prendrons du temps pour la faire, plus les gestes pour le faire devront être radicaux, donc impopulaires pour les médias et les profanes. Il n'y a aucun crime à dire publiquement la vérité quand on détient toutes les preuves à savoir pour qui le système profite. Il faut donc reprendre le combat où on l'a véritablement laissé (à la première élection du PQ en 1976 alors que nous avons eu la naïveté de croire en notre libération immédiate ce faisant). Ne nous laissons plus distraire par les beaux discours de bonnes intentions: si nous voulons LE changement, il nous faut l'INDÉPENDANCE en même temps que le pouvoir. Et, surtout, nous n'avons pas à nous en excuser à qui que ce soit, c'est le commencement de tout pour une saine démocratie.
Archives de Vigile Répondre
28 septembre 2009Excellent article Monsieur Durand! Oui, nous vaincrons mais il est minuit moins cinq!
Il faut un rassemblement de toutes les forces vives du Québec comme au printemps
lorsque les Québécois désirent gagner à tout prix la coupe Stanley. Imaginez toute cette énergie collective dirigée vers un seul but: la reconquête de son pays, le
Québec! Ce serait autrement plus valorisant que la conquête de la coupe Stanley, ne
trouvez-vous pas? Ce serait la vraie victoire du peuple québécois! Il faut cesser de
vivre par compensation,il faut se projeter dans le futur en tant que nation normale, c'est
à dire avoir son pays et faire partie du concert des nations. Oui tous unis, nous vaincrons!
André Gignac le 28-9-09