Texte publié dans Le Devoir duvendredi 23 juillet 2010 sous le titre " Cégep 101 ? Une réflexion s'impose"
En plus des argumentaires linguistiques, politiques et historiques qui permettent de comprendre la nécessité d'assujettir les études collégiales aux dispositions de la loi 101, un autre argument mérite d'être exploré, il s'agit de la nature des programmes.
La formation générale commune, dans les cégeps francophones, permet aux étudiants de s'initier suffisamment à la littérature française et aux divers contextes sociaux et historiques l'ayant circonscrite pour que les futurs citoyens, quel que soit le reste de leur formation, apprécient la culture, la littérature et la langue française. De tels préalables sont ensuite nécessaires pour pleinement assimiler et comprendre les bases de la littérature québécoise. C'est souvent à l'aune de ce dernier cours de la formation générale commune que les étudiants ont la chance de véritablement comprendre l'histoire et la psyché de notre peuple au destin particulier.
Ce cours donne à la société québécoise l'occasion de diffuser un ciment culturel, un dénominateur commun par lequel nous pouvons arriver à nous comprendre, à échanger. Où donc les étudiants du collégial apprendront l'histoire du Québec et les oeuvres littéraires fondatrices de son identité si ce n'est dans ce cours, lequel s'insère dans un programme qui prépare l'étudiant à en saisir toute la splendeur ?
Voilà en effet le libellé des objectifs la formation commune en littérature dans les cégeps francophones : « analyser des textes littéraires de genres variés et de différentes époques (premier cours) ; expliquer les représentations du monde contenues dans des textes littéraires de genres variés et de différentes époques (deuxième cours) et finalement, apprécier des textes de la littérature québécoise (troisième cours) ».
Source : http://www.mels.gouv.qc.ca/ens-sup/...
Du côté anglophone, c'est le désert en ce qui a trait la transmission des fondements de la littérature, de la culture québécoise et de l'histoire. Certains enseignants ont certainement la liberté de le faire, mais le programme n'est pas normatif. Le libellé des objectifs parle de lui-même à cet égard : « to analyze and produce various forms of discourse (premier cours) ; to apply a critical approach to literary genres (deuxième cours) et finalement to apply a critical approach to a literary theme (troisième cours). Le programme de français langue seconde, quant à lui demeure ancré dans une approche communicative et non culturelle ou historique, il peut encore moins permettre l'acquisition d'éléments essentiels de l'identité québécoise.
En plus de la distance que crée naturellement le fait que l'enseignement soit dispensé dans des langues différentes, le fait d'enseigner deux corpus aussi radicalement distincts, avec des référents opposés et une conception autre des études littéraires ne peuvent que conduire à la désolidarisation des anglophones de leur identité québécoise potentielle.
La disparité de la formation collégiale institue clairement qu'il y a deux peuples au Québec. Proposer aux immigrants de fréquenter le cégep anglophone ne peut que jeter ces derniers dans les bras du giron de l'anglais. Si on trouve absolument nécessaire que les francophones réussissent leur cours de littérature québécoise, alors que ces derniers nagent dans cette culture et que l'on en fait un pilier de l'intégration des jeunes à la société québécoise, comment penser que des allophones et des anglophones puissent s'intégrer alors que ces derniers n'ont même pas la chance de vivre dans un milieu familial ou social qui soit francophone ?
Le Québec pourrait surmonter son déclin politique et démographique s'il permet aux nouveaux arrivants, ou du moins à leurs enfants, de travailler en français et de tomber amoureux de notre culture.
C'est impossible dans le contexte actuel s'ils ne fréquentent pas le seul établissement qui peut potentiellement leur ouvrir nos portes et surtout, notre coeur. En effet, s'ils s'adressent à nous dans la langue de l'étranger, si on s'entête à faire d'eux des étrangers, il ne faut pas s'étonner qu'ils se conduisent à notre égard en étrangers. Si au contraire nous permettons qu'ils s'approprient notre histoire, notre culture et notre langue, nous ne pourrons plus les distinguer de nous et notre foyer francophone n'en sera que plus chaud et plus grand !
Charles Gill
Le programme du cégep anglais est canadien
Une vision tronquée
La formation collégiale anglaise véhicule une vision fausse de la société québécoise
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4 commentaires
Claude G. Charron Répondre
18 août 2010Excellant texte
J'aimerais bien que Charles Gill me donne la permission de le proposer à Élaine Deslauriers pour qu'il soit publié dans l'édition d'automne du journal de la SSJB-M, Le Patriote. Étant donné que la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal prône l'élargissment de la loi 101 aux cégeps, les arguments de Charles Gill sont pertinents. Et vont aider, du moins je L'espère, à influencer nos membres pour qu'ils et elle fassent pressions sur le PQ et sur leur député afin qu'on légifère en ce sens.
Que monsieur Gill m'envoie un courriel en ce sens. La date de tombée pour recevoir les textes est le 20 août.
Claude G. Charron claudegcharron@sympatico.ca
Jacques Côté Répondre
18 août 2010Je suis professeur de littérature dans un cégep francophone. Votre texte est très pertinent et il apporte un argument fort sur la nécessité de revoir les règles qui entourent l'accessibilité dans les cégeps. Un peuple qui a le contrôle de son éducation - il nous reste encore quelques pouvoirs- ne doit pas causer son propre génocide.
Archives de Vigile Répondre
22 juillet 2010Merci Gilles,
Ce texte est préliminaire à une véritable analyse de la question de l'enseignement collégial. Je crois que c'est en circonscrivant correctement la question dans le cadre du cursus que nous pourrons plus facilement rendre légitime le cégep francophone obligatoire.
Ce combat permet en même temps de mettre à l'avant-plan notre culture et la question de la langue. À la rigueur, si la Cour suprême rejette cette décision, on pourrait rendre obligatoire l'Épreuve uniforme de français pour tous sauf pour ceux ayant fréquenté le secondaire en anglais. Ainsi, les allophones et les francophones prendraient un grand risque en allant faire leurs 2 ans de cégep en Anglais, mais ils ne seraient pas brimés dans leur droit.
Charles Gill
Archives de Vigile Répondre
22 juillet 2010Enfin voilà un commentaire...parlant. Et qui parle fort. Et qui à sa manière situe les choses dans leur juste perspective. En effet, comprendre la société dans laquelle on vit, n'est-ce pas la base sur laquelle se construit un sentiment d'appartenance!
Merci(puis-je dire jeune homme?) et de grâce, recommencez. On a besoin d'idées claires.