Fernand Perreault, président intérimaire de la Caisse de dépôt et placement du Québec, et Pierre Brunet, président du conseil d'administration, ont annoncé des pertes historiques de 39,8 milliards de dollars, un rendement négatif de 25,6% pour l'année 2008. Photo La Presse Canadienne
Les résultats de la Caisse de dépôt pour l'année 2008 constituent une sous-performance qui découle de peu de facteurs, mais au nombre desquels on retrouve une erreur de taille. Essentiellement, beaucoup trop de papier commercial et une mauvaise position de couverture contre les variations du huard face au dollar américain.
Le papier commercial, de l'ordre de 13 milliards, a forcé des prises de pertes ou de réserves de plusieurs milliards. Il faut diagnostiquer avec beaucoup de rigueur pourquoi et comment autant de papier commercial s'est retrouvé dans les portefeuilles de l'organisation.
Quant à la position de couverture du risque de change, il s'agit d'une politique à long terme qui existe depuis longtemps. Sur 10 ans, cette politique vise des résultats neutres, ni profits ni pertes. On a donc perdu ce qui avait été gagné.
Les erreurs commises permettent d'expliquer la différence entre le résultat obtenu par la Caisse et celui du marché moyen comparable qui, en 2008, se situe quelque part entre -16% et -20%, selon les comparables retenus. On peut donc y remédier pour l'avenir et ne pas en tenir responsables l'ensemble des nombreuses équipes de gestion de la Caisse.
Les rendements à long terme, la seule mesure pour de tels fonds, continuent d'être significatifs. Revoyons-les. Les cinq années de 1995 à 1999, ont produit une moyenne annuelle de 14,68%. Les cinq années de 2003 à 2007: 12,4%. Il y a eu trois années de rendement négatif: -4,99% (2001), -9,6% (2002) et -26% (2008). Donc neuf années sur 14 au-dessus de 10%, ce qui est rassurant pour nos déposants. Les années 2001 et 2002 ont produit un cumulatif négatif de -14,59% pour la Caisse, comparativement à -18,2% pour les fonds de retraite publics d'Amérique du Nord durant la même période.
Les marchés sont ainsi faits qu'après les années de vaches grasses viennent les années de vaches maigres, puis les années de vaches grasses, et cela inexorablement, et sans exception dans l'histoire, avec parfois des variations sur la longueur des cycles.
Ceci mène à la préoccupation majeure que devraient avoir la société québécoise, les partis politiques, le gouvernement et les médias: la prochaine période de la Caisse. Car c'est maintenant que les portefeuilles doivent être positionnés pour bénéficier de la reprise des marchés et que tant d'autres questions relatives à la diversification du portefeuille doivent être abordées. Des réponses à ces questions dépendront 80% de la qualité des rendements des années qui viennent.
Or ces rendements futurs, s'ils sont de qualité, pourront permettre de récupérer rapidement les pertes de 2008. Il est donc capital de savoir comment la Caisse sera équipée pour saisir au maximum ce potentiel de rendement qui viendra compenser 2008 et produire l'enrichissement futur.
La Caisse est en déficit de leadership depuis près d'un an: la présidence du conseil doit être changée, des nominations s'imposent aux postes d'administrateurs dont une majorité ont un mandat échu qui les rend bien fragiles pour procéder au recrutement du nouveau PDG. Un déficit de leadership aussi dû à l'absence de PDG permanent. Ce sont là les priorités urgentes et incontournables.
Le recrutement du PDG n'est pas la moindre des tâches à accomplir: le contexte actuel impose la nomination d'un président qui connaît vraiment à la fois la gestion de fonds (pas les banques) et la gestion de grande entreprise. De préférence un président qui connaît la Caisse, car l'urgence du contexte financier et du nécessaire positionnement des portefeuilles ne permet pas le luxe de choisir un président qui prendrait - comme cela est arrivé dans le passé - un an à apprendre la Caisse avant de pouvoir agir en connaissance de cause. D'autant plus qu'il y a en même temps un repositionnement de la contribution de la Caisse dans l'économie québécoise à opérer de façon largement consensuelle dans le contexte actuel.
Pendant que ce travail de gouvernance supérieure s'accomplit, il faut aussi procurer à l'équipe de gestion des 120 milliards de notre Caisse - une des grandes réserves de capitaux à l'échelle de la planète - le support et la tranquillité d'esprit nécessaires à leur travail.
Laissons de côté les vieux démons de la scission de la Caisse et de la gestion externe tous azimuts au détriment de la gestion interne. Laissons aussi de côté la partie non essentielle du show-business médiatique dès que les explications sur les causes de la sous-performance de 2008 sont fournies de façon adéquate du point de vue des organismes déposants.
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Jean-Claude Scraire
L'auteur a été PDG de la Caisse de dépôt et placement du Québec de 1995 à 2002.
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L'affaire de la CDPQ — le scandale
Jean-Claude Scraire2 articles
Conseiller indépendant en matières stratégiques, l'auteur a été président du conseil et directeur général de la Caisse de dépôt et placement du Québec de 1995 à 2002. Il en avait notamment été le responsable des affaires juridiques de 1981 à 1993.
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Conseiller indépendant en matières stratégiques, l'auteur a été président du conseil et directeur général de la Caisse de dépôt et placement du Québec de 1995 à 2002. Il en avait notamment été le responsable des affaires juridiques de 1981 à 1993.
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