Les manifestations se multiplient depuis une semaine à Madison, au Wisconsin, le gouverneur républicain de l’État s’attaquant aux syndicats pour mener sa lutte contre les déficits publics.
Photo : Agence Reuters Darren Hauck
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Claude Lévesque - Le Wisconsin est actuellement au cœur d'une bataille entre les conservateurs proches du Tea Party et les défenseurs des acquis syndicaux aux États-Unis.
Depuis une semaine, les manifestations sont quotidiennes à Madison, la capitale de cet État du Midwest, dont les sénateurs d'obédience démocrate boycottent les travaux de leur institution dominée par une cuvée républicaine fortement marquée à droite.
Au coeur du litige se trouve un projet de loi présenté par le gouverneur républicain, Scott Walker, et visant à limiter la liberté d'action des syndicats de fonctionnaires, ceux de l'État comme ceux des municipalités et des conseils scolaires, qui reçoivent des paiements de transfert de l'État.
Les nouvelles règles rendraient obligatoires des votes d'adhésion chaque année et aboliraient le prélèvement automatique des cotisations syndicales sur les chèques de paie des fonctionnaires, même quand ils profitent d'une convention collective négociée (ce qui s'appelle ici la formule Rand).
La semaine dernière, les membres démocrates de la chambre haute du Wisconsin ont «fui» dans l'Illinois, l'État voisin, afin d'empêcher que le quorum nécessaire à l'adoption de ce projet de loi soit atteint. Le Sénat est convoqué en session aujourd'hui, la majorité espérant qu'au moins un sénateur démocrate se désolidarisera de ses confrères, ce qui suffirait pour qu'un vote soit tenu. Si le boycottage persiste, le gouverneur Walker a menacé d'intenter des procédures judiciaires.
De leur côté, les syndicats et leurs alliés démocrates songent à lancer une pétition pour obtenir la destitution du gouverneur. Ils devront cependant patienter, car une telle campagne peut commencer au plus tôt un an après l'entrée en fonction de l'intéressé, soit en janvier prochain.
M. Walker et ses partisans affirment que le litige est avant tout lié à la lutte contre le déficit, qui atteint environ 3,6 milliards, tandis que ses adversaires démocrates pensent que les républicains essaient de démanteler les syndicats. Le fait que les sociétés et les contribuables nantis aient bénéficié récemment de généreuses baisses d'impôts semble appuyer leurs prétentions. D'autant plus que les fonctionnaires se disent d'accord avec l'idée de cotiser davantage à leurs régimes d'assurance-maladie santé et de retraite pour contribuer à l'assainissement des finances publiques.
«Les mesures contre le droit de négocier collectivement, dont le gouverneur a refusé de discuter avec les syndicats, n'auront aucun impact fiscal», affirme le politologue Dennis Dresang de l'Université du Wisconsin.
La bataille de Madison a pris une dimension nationale. Vendredi dernier, Barack Obama a fait dire par son porte-parole qu'il était conscient des difficultés budgétaires des États, mais qu'il s'opposait à toute attaque contre le droit de négocier collectivement.
La semaine dernière, le quartier où se trouve le Capitole de Madison était rempli de syndiqués, notamment d'enseignants, et de sympathisants à leur cause. Depuis samedi, le mouvement ultraconservateur Tea Party est entré dans la danse. La tenue simultanée de manifestations et de contre-manifestations a inévitablement donné lieu à des comparaisons avec ce qui se passe dans le monde arabe.
Ainsi, le guitariste du défunt groupe rock Rage Against the Machine, Tom Morello, a qualifié le gouverneur Walker de «Moubarak du Midwest». «Madison, c'est le Caire, bis», a ajouté M. Morello, qui devait participer hier soir à un spectacle en compagnie d'autres artistes engagés. Le président d'Americans for Prosperity, une officine proche du Tea Party, n'a pas reculé devant l'hyperbole lui non plus, qualifiant la capitale du Wisconsin de «Ground Zero».
Le Wisconsin a une longue histoire syndicale. C'est dans cet État qu'est né en 1932 l'un des principaux syndicats de fonctionnaires municipaux américains, l'AFSCME. C'est aussi dans le Wisconsin que... 27 ans plus tard, ces derniers ont obtenu les premiers le droit d'y adhérer.
Le Wisconsin n'est pas le seul État américain aux prises avec un déficit budgétaire. C'est le lot d'au moins 44 des 50 États que compte l'Union. Depuis le début de la dernière récession, ceux-ci peinent à percevoir les revenus dont ils ont besoin. Plusieurs autres États ont commencé à s'attaquer aux acquis de leurs fonctionnaires ou s'apprêtent à le faire, mais sans jusqu'ici aller aussi loin que le Wisconsin, même si certains doivent combler des déficits encore plus élevés. «Le gouverneur [Walker] est un peu plus radical que ses homologues de l'Ohio, de la Floride ou du New Jersey. On connaissait ses positions antisyndicales: alors, ce qui arrive n'est pas vraiment une surprise», estime le politologue Dennis Dresang.
Le bras de fer au Wisconsin risque quand même de se reproduire dans d'autres États où le Tea Party a contribué à faire élire des gouverneurs plus enclins à réduire considérablement les dépenses qu'à augmenter les impôts. Il pourrait aussi donner le ton à la longue campagne électorale fédérale, qui s'amorcera officiellement dans moins d'un an. Plusieurs gouverneurs ou ex-gouverneurs républicains qui ont un oeil sur la Maison-Blanche, dont Mike Huckabee, Mitt Romney, Sarah Palin, Mitch Daniels et Tim Pawlenty, ont éloquemment signifié leur accord avec les positions de Scott Walker.
Une partie du Wisconsin se soulève contre le «Moubarak du Midwest»
Le gouverneur républicain Scott Walker veut mettre au pas les syndicats sous prétexte d'assainir les finances publiques
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