Jacques Parizeau, qui n'en ratera jamais une pour mettre ses successeurs dans l'embarras, a affirmé que les référendums sectoriels peuvent être utiles, en permettant de créer une crise politique avec Ottawa.
Il y avait du calcul dans sa sortie, une façon de donner une caution morale à la stratégie de Pauline Marois, tout en lui donnant une petite touche plus radicale. Mais il exprimait aussi une évidence. Une éventuelle victoire référendaire est absolument impossible en dehors d'un climat de crise politique. Et si cette crise n'est pas là, il faut la créer.
Comme le veut le rituel parlementaire, les libéraux se sont indignés. Mais dans la vraie vie, pour qu'une crise soit possible, il faudrait qu'il y ait matière à crise, et il faudrait que les Québécois acceptent de se laisser entraîner. Quel rapatriement de pouvoir les ferait bouger?
On pourrait croire que ce pourrait être le dossier de la culture. Les Québécois peuvent s'enflammer là-dessus, on l'a vu avec les compressions du gouvernement Harper. Il y a un certain consensus sur la question, puisque même les libéraux de Jean Charest réclament le retrait du fédéral de ce dossier. On comprend le principe. Le Québec forme une nation, et son gouvernement doit avoir la maîtrise de ses politiques linguistiques et culturelles, qui définissent cette nation.
Le problème, c'est qu'en culture, le Québec est maître de ses choix, il n'est pas soumis à une quelconque tutelle fédérale. Il est vrai qu'Ottawa dépense des sommes importantes, mais il le fait bien, d'une façon qui sert le monde de la culture, et il le fait généreusement, puisque le Québec reçoit bien plus que son poids ne le justifie. Ce qui mène à deux difficultés. D'abord, qu'est ce que le Québec ferait de différent ou de mieux s'il était seul maître à bord? Une question fondamentale à laquelle on ne répond jamais. Ensuite, le rapatriement des pouvoirs en vaut la chandelle uniquement si Ottawa accepte à la fois de se retirer de ce champ et de rester tout aussi généreux. Ce qu'on pourrait appeler de l'autonomie subventionnée. Bref, quand on creuse un peu, le dossier devient moins clair, on doit soupeser le pour et le contre, et la bataille perd de son mordant.
Un autre dossier, le rapatriement de la perception fiscale, semble attrayant. L'idée, en soi, est logique. Le double système est lourd et coûteux. Notre vie serait plus simple avec une seule déclaration à remplir. Mais laquelle des deux? Techniquement, le gouvernement fédéral, qui perçoit déjà l'impôt sur le revenu pour les autres provinces, est mieux équipé pour prendre en charge une déclaration unique. Et c'est ça qui permettrait au Québec de réaliser de véritables économies. Parce que dans l'autre sens, il y aurait des économies seulement si Ottawa, en plus de laisser Québec percevoir les deux impôts sur le revenu, accepte, encore une fois, de payer le Québec pour le faire.
Mais le vrai débat serait fiscal: parce que les deux déclarations reposent sur des concepts différents, il faudrait qu'il y ait harmonisation des deux systèmes fiscaux. Un débat certes fascinant pour les fiscalistes, mais qui risque d'endormir les gens plutôt que les mobiliser.
Pour justifier un référendum sectoriel sur le rapatriement d'un pouvoir, et à plus forte raison pour mobiliser les citoyens, il faut démontrer le caractère majeur de l'enjeu, il faut un sentiment d'urgence, il faut construire un argumentaire pour montrer en quoi le changement renforcerait le Québec ou améliorerait de façon perceptible la vie des Québécois. Aucune des batailles sectorielles qu'évoque Mme Marois ne remplit ces conditions.
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