Une nouvelle porte vers les États-Unis

L'achat d'Énergie NB par Hydro-Québec réjouit patrons et écologistes

Churchill Falls - Hydro-Québec / Énergie NB

Dans une transaction qualifiée d'historique, Hydro-Québec mettra la main sur les principaux éléments d'actif d'Énergie NB, pour devenir le fournisseur d'énergie électrique du Nouveau-Brunswick à un tarif gelé pendant cinq ans. Hydro met l'accent sur les dimensions financière et environnementale de l'opération. Mais parlant d'une acquisition géostratégique, la société d'État québécoise ne se réjouit pas moins d'obtenir de précieux points d'interconnexion et droits de transport vers les marchés du Maine et de la Nouvelle-Angleterre.
«La géographie est au coeur de la transaction», a résumé Thierry Vandal, p.-d.g. d'Hydro-Québec, dans une entrevue au Devoir. Les éléments d'actif achetés d'Énergie NB comprennent de précieux droits de transport vers les États-Unis. «Pour nous, c'est une extension naturelle de nos marchés. Le réseau est complémentaire et nous offre l'interconnexion vers la Nouvelle-Angleterre et le Maine.»
Thierry Vandal a insisté sur l'extension du réseau québécois, sur un accès plus important au marché de la Nouvelle-Angleterre pour écouler l'excédent des besoins. Ce que ne cesse de dénoncer le gouvernement de Terre-Neuve, qui craint ainsi de se voir couper l'accès aux États-Unis. «Terre-Neuve s'en remet sans cesse à de vieux contentieux. Ils veulent être subventionnés par Ottawa, ne pas payer. Or ce blocage n'existe pas. Ce sont des actifs réglementés. Le réseau va rester ouvert, comme il l'est au Québec», a répliqué M. Vandal, qui a rappelé l'entente conclue en avril dernier permettant à Terre-Neuve de vendre directement aux Américains en passant par les lignes de transmission d'Hydro. «La tarte est assez grande pour tout le monde», a renchéri Jean Charest.
La transaction annoncée hier par les premiers ministres Jean Charest et Shawn Graham se veut l'aboutissement d'échanges entre les deux provinces amorcés au début de 2009 à l'initiative du gouvernement du Nouveau-Brunswick. Afin d'endiguer le développement désordonné de l'offre énergétique de la province, qui a produit une forte poussée de la dette publique et une évolution tarifaire chaotique, cette province a opté pour le concept de plaque tournante énergétique.
Résultat du processus: Hydro-Québec se portera acquéreur des principaux éléments d'actif d'Énergie NB pour une contrepartie de 4,75 milliards, versés en deux temps. Ce prix équivaut à la dette de la société d'État du Nouveau-Brunswick, qui compte pour 40 % de l'endettement de la province. Cette transaction sera financée à hauteur de 4 milliards et s'ajoute au plan de développement de 25 milliards jusqu'en 2013 déposé par Hydro. Elle sera rentable dès la première année et produira un rendement sur l'avoir de plus de 10 %, a précisé Thierry Vandal.
On parle d'un symbole pour la population du Nouveau-Brunswick, qui passe aux mains de la société d'État québécoise. Le protocole d'entente annoncé hier est accompagné d'une date de clôture, fixée au 31 mars 2010. «On peut présumer que cette période de cinq mois va permettre aux débats de se faire», a souligné M. Vandal. Il est question d'une intégration commerciale d'actif desservant quelque 370 000 abonnés, soit un peu moins de 10 % des 3,9 millions d'abonnés d'Hydro, de la conservation du nom, du maintien des emplois et d'un siège social à Fredericton.
Environnement
Le p.-d.g. revient toutefois sur cette réalité évoquée par le gouvernement de cette province, une réalité dominée par le poids de la dette publique, par un développement désordonné et par des tarifs élevés. «C'est un enjeu fiscal important pour le Nouveau-Brunswick. Et également un enjeu environnemental.»
L'achat porte sur le réseau de distribution et sur l'actif de production, qui comprend sept centrales hydroélectriques d'une capacité totale de 900 MW et une centrale d'appoint au diesel. Dans un deuxième temps, Hydro accueillera également la centrale nucléaire de Point Lepreau, présentée comme étant similaire à celle de Gentilly, une fois les travaux de réfection terminés. «Nous n'assumons aucune responsabilité quant à ces travaux. Nous ne serons responsables d'aucun litige et les actifs financiers couvrant les besoins associés au démantèlement éventuel de cette centrale nucléaire nous serons transférés», a ajouté M. Vandal. «Nous ne recevons aucun passif dans cette transaction», insiste-t-il.
Les centrales thermiques demeurent la propriété du gouvernement du Nouveau-Brunswick. Trois d'entre elles seront fermées, dont celle de Dalhousie, qui cessera progressivement sa production. Les centrales de Coleson Cove et de Belledune demeureront en exploitation afin d'assurer la stabilité du réseau. Hydro pourra toutefois demander à la province de les fermer après un préavis d'un an, et tous les droits d'émission lui reviendraient. «Nous mettons en place des mécanismes qui viennent accélérer le transfert vers des énergies plus propres.» Ces centrales deviennent non économiques dans un contexte de crédits d'émission de GES et l'approvisionnement du Québec pourra aisément compenser. «Nous avons tous les éléments pour répondre aux besoins à long terme» de la province, a soutenu Thierry Vandal.
Le Nouveau-Brunswick souhaitait un marché en équilibre, une stabilisation tarifaire et une transition vers les sources d'énergie renouvelables. La province voulait également se doter d'un nouveau cadre réglementaire et tarifaire. Sur ce dernier point, l'entente annoncée hier accorde à la population du Nouveau-Brunswick un gel tarifaire de cinq ans, au tarif de 11 ¢ le kWh pour le résidentiel et le commercial, comparativement à 7 ¢ au Québec. Dans l'industriel, les tarifs seront alignés sur ceux prévalant au Québec. La réduction peut donc osciller entre 15 et 30 %, atteignant le tarif offert aux alumineries installées au Québec, a illustré Thierry Vandal. Pour les clients d'Énergie NB, cette tarification révisée représente une valeur de 5 milliards, a estimé le Nouveau-Brunswick.
Accueil environnemental
Cette transaction a été applaudie par les milieux patronaux québécois et accueillie favorablement par des groupes écologistes. Équiterre et le Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick estiment que cette vente d'actif «pourrait s'avérer bénéfique au plan de l'amélioration de la qualité de l'air ainsi qu'en matière de réduction d'émissions de gaz à effet de serre». Ces organisations ont toutefois pressé Hydro-Québec de fermer Belledune et Coleson Cove, «les plus problématiques au plan environnemental».
André Bélisle, président de l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique, est plus tiède. Il voit également d'un bon oeil la fermeture des centrales thermiques. Il dénonce cependant l'achat de la centrale nucléaire, une deuxième pour Hydro-Québec, qui va à l'encontre de la volonté clairement exprimée par la population québécoise, a-t-il déploré.


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