Quoiqu’il advienne lundi, l’élection du 8 décembre sera historique. Peu importe les résultats, nous savons déjà que le gouvernement qui sera choisi marquera probablement la fin d’un cycle, si ce n’est la fin d’un régime. Le dernier premier ministre à avoir cumulé 3 mandats consécutifs fut le dernier de la grande noirceur. Devant ses décisions iniques, en raison du copinage éhonté qui le caractérisait, mais surtout à cause de la chape de plomb sous laquelle il maintenait alors le Québec, les Québécois ont décidé de faire le grand ménage en faisant leur première grande révolution. Quoi qu’on dise rétrospectivement de cette révolution dite tranquille, nous savons tous d’expérience qu’elle a façonné le Québec d’aujourd’hui, souvent pour le meilleur, rarement pour le pire.
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La présente campagne électorale a démontré hors de tout doute que le vide politique ne menait nulle part, qu’on ne peut inspirer un peuple en faisant le tour du Québec à bord d’un autobus tout en scandant des slogans insipides. Les Québécois n’ont pas été intéressés par cette campagne parce que les partis ne se sont pas intéressés à eux en suggérant que le calme douillet du centre pouvait à la fois inspirer et rassurer les Québécois. Sans aucun doute, cela a démontré une grande méconnaissance du peuple québécois de la plupart des faiseurs d’image et d'élections.
Certes, on peut rêver de ses pantoufles, mais peut-on rêver de passer une vie en pantoufles surtout si on est un jeune ? Le pouvoir est actuellement entre les mains d’une génération qui a bâti le Québec et qui, en ces temps difficiles, espère aujourd’hui pouvoir prendre un jour une retraite bien méritée, un rêve que ne peuvent partager les générations actives et montantes. Alors que ces jeunes veulent construire un Québec à leur image, aucun des partis ne fait véritablement de place pour leurs rêves, aucun des partis n’a vraiment voulu les faire rêver dans la présente campagne électorale.
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Dans un billet publié le 26 avril dernier, L’engagement, j’expliquais que la politique déteste le vide. Citant Simon Hogue*, un jeune étudiant à la maîtrise en science politique à l’université libre de Bruxelles, qui a étudié la corrélation entre les trois régimes parlementaires - français, italien et britannique - et le nombre de groupes de pression qui existe dans ces pays, j’expliquais que c’est sous le système bipartite anglais que les groupes de pression sont le plus nombreux et que l’engagement bénévole est le plus marqué. Un régime similaire à celui que nous avons présentement au Québec.
« En chiffres absolus, 19,4% des Britanniques travaillent bénévolement pour des groupes de pression liés à des causes, tandis que 6,4% des Italiens et 3,6% des Français le font.(…) Les données deviennent encore plus intéressantes lorsqu’elles sont divisées par sous-groupes de pression liés à des causes. Sur les 19,4% de Britanniques qui s’investissent dans les groupes, 40,2% le font pour des groupes écologistes. De son côté, seulement 1,8% des Italiens s’impliquent dans les groupes verts, soit 28,1% des individus impliqués. La situation de la France est similaire à celle de l’Italie avec 0,9% des répondants disant travailler bénévolement pour les groupes écologistes, c’est-à-dire 25% de ceux qui prétendent participer activement. Autant en nombre absolu qu’en nombre relatif, la Grande-Bretagne s’investit beaucoup plus que l’Italie et la France en ce qui a trait aux groupes verts. Or, des trois, seul le système partisan britannique n’exploite pas le clivage homme/nature. Cela laisse à penser que, devant les carences de leur système partisan, les Britanniques se mobilisent pour représenter autrement leurs intérêts et valeurs écologistes. »*
Le bipartisme britannique favoriserait donc l’engagement d’un nombre de travailleurs bénévoles plus élevé au sein de groupes de pression. Il y aurait également une relation entre le nombre de bénévoles engagés dans une cause et le fait que ce clivage n’est pas exploité par les partis politiques. On constate donc que dès que les partis politiques délaissent un clivage, il est repris par un groupe de pression. Les travaux de ce jeune étudiant apportent probablement le meilleur éclairage sur les raisons de l’échec de la présente campagne à intéresser les électeurs québécois.
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Le Parti québécois a été historiquement un parti qui exploitait tous les clivages qui existaient dans la société québécoise: indépendantisme/ fédéralisme, environnement/ pollution, pauvreté/richesse, jeunes/vieux. Or, afin de se rapprocher du centre, le PQ a délaissé le discours qui encourageait la polarisation autour de ces enjeux et qui entretenait les clivages politiques qui attiraient des gens de toutes tendances au sein du PQ, surtout des jeunes.
En délaissant ces clivages parce qu’il voulait plaire à des électeurs qui ne s’intéressaient pas à la politique, mais qui rêvaient juste à plus de confort, le PQ a accepté que les éléments les plus progressistes, les plus polarisés de son parti quittent le navire. Il récolte dans la présente élection ce qu’il a semé, l’abstentionnisme de ceux qui ne se retrouvent dans aucun des partis politiques présents dans l’arène politique.
Mais comme l’expliquait Simon Hogue, ce vide ne saurait durer. La présence d’un gouvernement triomphaliste et arrogant qui n’en aura que pour les amis du régime ne pourra qu’encourager la multiplication des groupes de pression au sein de la société québécoise. La place que le PQ ne fera pas dans ses rangs aux éléments les plus radicaux parce qu’il souhaite encore plus d’unanimité et de discipline au sein du parti, se fera ailleurs.
Si, cette fois-ci, le PQ doit se satisfaire de l’opposition officielle, il aura tout de même la chance d’avoir devant lui un gouvernement qui fera probablement beaucoup d'erreurs en raison de sa trop confortable majorité. Des erreurs qui permettront au PQ de radicaliser son discours sur des enjeux comme l’indépendance, la pauvreté, l’environnement et la jeunesse.
Le post-mortem qui suivra la défaite annoncée de lundi devra donc moins porter sur le leadership que sur les idées que le PQ a délaissées en cours de route et qui ont créé un très grand vide au sein de ses effectifs. Si le PQ renoue avec sa tradition de parti d’idées, il pourra non seulement s’attirer à nouveau la sympathie de ses anciens partisans qui l’ont momentanément délaissé, mais également celle des groupes de pression nés en réaction au gouvernement de Jean Charest et celle des autres partis politiques qui se sont créés à l’entour des questions de l’indépendance, du progrès social, de l’environnement, des régions, des enjeux qui mobilisent et font rêver les jeunes et beaucoup de Québécois qui le sont demeurés dans leur coeur.
Si la défaite anticipée de lundi peut être perçue par plusieurs comme une amère défaite, à mon avis elle doit surtout être vue comme une occasion pour le PQ et les progressistes québécois de renouveler le discours, de se refaire des forces, mais surtout de moderniser leur plan d’action en revenant ostensiblement vers la gauche et l’indépendance qui ont fait les beaux jours des mouvements progressistes et du PQ.
Qui sait, si nous avons suffisamment maturé collectivement au cours de cette période, peut-être pourrons-nous alors parler d’une grande et d’une vraie coalition regroupant tous les partis de gauche qui ont intérêt à s’entendre afin que le Québec ne soit pas pris ad vitam aeternam dans les griffes des forces néolibérales qui, sans aucun doute, vont s’en mettre plein les poches à nos dépens au cours des quatre prochaines années. De quoi en faire rager plusieurs, probablement une majorité de Québécois!
Louis Lapointe
La fin d'un régime
Une élection historique
À l'aube d'une nouvelle révolution
Chronique de Louis Lapointe
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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fon...
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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.
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1 commentaire
Jean-François-le-Québécois Répondre
7 décembre 2008Moi, pour ma part, cela fait depuis le printemps 2003 (la première élection de Johhny Charest) que je rage; et à l'époque, j'étais loin d'être le seul (pendant le premier mandat de ce dernier, on aurait dit qu'il y avait des manifestations à chaque semaine!).
Si jamais le peuple québécois donne un 3e mandat à Charest, moi, je crois que je vais m'expatrier; et oui, bien sûr, s'il fallait qu'il soit majoritaire, il vous fera rager pendant les quatre années suivantes.
Seulement... les Québécois, vont-ils cesser d'avoir peur, un jour, et sortir Charest de l'Assemblée nationale, quitte à prendre un certain risque? Quitte à faire face à l'inconnu, ou à une période de reconstruction de nos acquis...?