Toujours, le goût de l'avenir (4)

Le temps des responsables

Le Québec et la crise


En avril 2004, Michel Venne annonçait dans ces pages la création de l'Institut du Nouveau Monde. Cinq ans plus tard, il se demande: où en est le Québec? Voici le dernier d'une série de quatre articles, tous disponibles à www.inm.qc.ca.
J'écoute chaque année des centaines de jeunes participants aux écoles d'été de l'Institut du Nouveau Monde parler de l'avenir. Ils dessinent les contours du monde dans lequel ils veulent vivre. Ils en énumèrent les principes dans des manifestes et des déclarations. Les principes, mais surtout les exigences, car ces jeunes ont une idée claire de ce qu'il faut et ne se satisfont pas de grands discours sur de vagues projets de société. Ils demandent de l'action. Et ils interpellent les individus.
Lorsque nous leur avons proposé de rédiger la Déclaration jeunesse de Québec, proclamée l'an dernier devant 3000 personnes dans la Vieille Capitale, ils ont accepté de relever le défi. Ils ont formulé des priorités. Mais ils ont refusé de s'en tenir aux mots. Chaque signataire, ont-ils décidé, doit inscrire à côté de son nom l'engagement à faire un geste concret pour mettre en oeuvre les principes d'accès à l'éducation, de justice sociale et de respect des différences inscrits, parmi d'autres, dans le texte solennel.
Chaque personne est ainsi interpellée, invitée à faire quelque chose à sa portée, à ne pas attendre qu'une institution, un État, une organisation des Nations unies, une entreprise, vienne les sauver.
L'appel des jeunes est un appel à la responsabilité.
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En 2006, nous avons publié les manifestes du Début global rédigés par les 600 jeunes de notre école d'été. Tous reprenaient les termes d'un nouvel humanisme. La plupart d'entre eux exprimaient la volonté d'un nouveau dialogue entre les générations. Mais tous, d'une manière ou d'une autre, invitaient leurs congénères à se lever et à faire.
Le texte qui m'avait le plus interpellé s'intitule justement Debout.
Les jeunes auteurs n'interpellent pas les institutions pour résoudre les problèmes. Ils ne s'adressent pas aux entreprises. Non, mais ils tutoient les patrons, les hommes et les femmes en position de décider. «Hey les boss, debout! Ne gagez plus sur la planète... Investissez dans la pensée...»
Ils ne sont pas plus complaisants avec les syndicats. En fait, ils les ignorent et parlent directement aux travailleurs: «Debout travailleurs! Vous êtes les créateurs... Que produisez-vous? La machine qui vous remplacera? Allez, sors de ta boîte, construis le monde.» Et ainsi de suite.
Ces jeunes sont convaincus que l'État a un rôle majeur à jouer. Mais dans Debout, ils n'interpellent pas la machine bureaucratique ni le Parlement. Ils s'adressent encore aux personnes qui y détiennent le pouvoir.
«Debout, chefs d'État, politiciens. Cessez de réparer, bâtissez. Cessez d'être des acteurs, soyez des réalisateurs. Pinocchio, cesse de mentir, laisse la langue de bois...»
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Parfois, je me dis que ces jeunes ne voient pas l'importance de l'action collective, de l'institutionnalisation des mouvements sociaux pour en faire des forces capables ensuite d'influence. Puis je me dis qu'ils la découvriront bien assez vite.
Entre-temps, ce qui compte, c'est d'entendre leur message. Ils nous disent que nous courons à notre perte si nous ne nous comportons pas, tous, désormais, de manière responsable. Si nous refusons d'assumer, chacun et chacune d'entre nous, la part du devoir qui nous incombe comme citoyens.
La logique de la responsabilité est d'ailleurs celle du développement durable, la doctrine qui mobilise tant de jeunes. Le développement durable, loin d'être simplement synonyme de protection de l'environnement, est une nouvelle attitude fondée sur une vision globale des choses qui intègre l'économie, le social, l'environnement et la culture. Fondée également sur le long terme, qui transcende donc les générations.
Cette nouvelle attitude est contradictoire avec les paramètres de la vie économique actuelle, où les bilans financiers trimestriels sont devenus des guides impitoyables, et avec les paramètres de la vie politique partisane où l'horizon dépasse rarement la durée d'un mandat électoral de quatre ans.
La doctrine de la responsabilité a des impacts sur la façon dont on produit les biens et les services, dont on livre et finance les soins de santé, dont on gère les écoles, dont on encadre l'activité agricole ou l'aménagement des villes. Cela implique plus d'autonomie locale, mais aussi une conception nouvelle de la démocratie dans laquelle les citoyens sont appelés à participer davantage aux décisions.
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Le temps des responsables est venu. C'est un temps exigeant. Nous avons un peu de mal à entrer dans cette ère nouvelle. Cela s'explique entre autres par le fait que pour exercer des responsabilités au-delà de nos intérêts personnels, nous avons besoin de croire que les autres feront de même. Pour cela, il faut qu'existe un certain consensus en faveur d'un idéal partagé, d'une mission commune, d'une finalité rassembleuse.
Or, depuis quelque temps, les sociétés occidentales, dont le Québec, ont peine à retrouver ou à se donner de nouveaux repères garantis par des autorités publiques conscientes de leur rôle de gardiennes du bien commun.
Le détour par la responsabilité individuelle est peut-être nécessaire pour reconstruire ce qui peut nous unir. Responsables chacun de soi, mais aussi des autres qui nous entourent et qui nous sont chers, responsables de la planète, nous serons en mesure d'élever cette exigence au-delà des personnes pour lui donner une nouvelle signification dans l'univers politique.
Pour l'heure, le Québec a besoin d'adultes qui se tiennent debout. Levons-nous!
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Ce soir, à la Grande Bibliothèque, une table ronde sur les défis du Québec souligne le 5e anniversaire de l'INM. Prière de s'inscrire sur [www.inm.qc.ca->www.inm.qc.ca].
michel_venne@inm.qc.ca
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Michel Venne, Directeur général de l'Institut du Nouveau Monde

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Directeur général Institut du Nouveau Monde

Michel Venne est le fondateur et le directeur général de l’Institut du Nouveau Monde. Il est le directeur de L’annuaire du Québec, publié chaque année aux Éditions Fides. Il prononce de nombreuses conférences et est l’auteur de nombreux articles scientifiques. Il est membre du Chantier sur la démocratie à la Ville de Montréal, membre du comité scientifique sur l’appréciation de la performance du système de santé créé par le Commissaire à la santé et au bien-être du Québec, membre du conseil d’orientation du Centre de collaboration nationale sur les politiques publiques favorables à la santé, membre du conseil d’orientation du projet de recherche conjoint Queen’s-UQAM sur l’ethnicité et la gouvernance démocratique.





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