La justice canadienne réclame 18 mois de prison pour la militante du mouvement pro-vie Mary Wagner, qui s'était rendue en décembre 2016 dans une clinique pour distribuer des fleurs aux femmes enceintes voulant avorter et les dissuader de renoncer à leur enfant.
Le procès a démarré mardi à Toronto pour décider si une peine supplémentaire devait s'ajouter aux six mois que Marie Wagner a déjà passés derrière les barreaux après sa dernière arrestation.
Au total, la militante a réussi à dissuader plus de 100 femmes d'avorter. Et sa position a un coût: à l'âge de 43 ans, elle a déjà passé au total près de cinq ans en prison.
Une révolte à genoux
Mary est née dans une famille nombreuse catholique qui la soutient depuis qu'elle a commencé sa lutte il y a plusieurs années. Diplômée de l'université de Victoria où elle a appris la littérature anglaise et le français, elle est détentrice d'un master en art. Pendant un certain temps, elle a travaillé dans une organisation chrétienne s'occupant des personnes handicapées puis dans un centre de crise pour femmes enceintes.
C'est là que son combat pour sauver des fœtus a commencé. Mary a été interpellée la première fois en 1999 dans une clinique où elle tentait de dissuader une adolescente de 16 ans d'avorter et avait refusé de quitter l'établissement sur ordre du personnel.
Comme l'explique Mary Wagner, pour elle « chaque vie humaine a de la valeur, à partir du moment de sa conception », et elle ressent la « vocation de défendre son prochain en danger ». Après sa première interpellation Mary a tout de même continué de visiter les cliniques d'avortement pour convaincre les jeunes femmes de ne pas mettre un terme à leur grossesse en se mettant à genoux et en leur remettant des roses blanches en disant: « Je suis ici pour vous soutenir avec votre enfant ». Elle expliquait aux patientes les dangereuses conséquences des interruptions de grossesse tues par les médecins.
En général personne réagissait brusquement: le plus souvent l'activiste était expulsée et après chaque arrestation elle passait généralement quelques mois en prison pour délinquance. De plus, les tribunaux ont reconnu plusieurs fois les agissements de la militante pro-vie comme une « ingérence dans les affaires privées ».
Mary Wagner a purgé sa plus longue peine entre août 2012 et juillet 2014: on lui proposait à l'époque d'être libérée sous caution à condition que, pendant la période d'essai, elle ne s'approche pas d'une clinique d'avortement à moins de 100 mètres. Mais Mary a refusé, estimant que cette proposition allait contre sa morale.
Un bouquet de fleurs en prison
Mary Wagner a de nouveau été arrêtée le 12 décembre alors qu'elle se trouvait dans une clinique privée pour distribuer des fleurs aux patientes et les persuader de renoncer à l'avortement. Depuis, elle attendait son verdict en prison. De leur côté, les médias canadiens préfèrent ne pas en parler: la seule publication à couvrir en détail les péripéties de la militante pro-vie est Life Site News.
Le site a été immédiatement attaqué par le personnel de la clinique qui a exigé d'interdire toute publication concernant Mary Wagner. La clinique a saisi le tribunal en insistant sur le blocage du site car les journalistes avaient divulgué les noms des médecins et avaient l'intention de publier une vidéo montrant comment le personnel expulsait violemment Wagner dans la rue.
Le tribunal a refusé de bloquer le site mais a tout de même interdit aux médias de dévoiler publiquement l'identité des membres du personnel de la clinique et de les prendre en photo — exception faite de Heather Culbert, propriétaire de la clinique où Mary a été arrêtée et présidente du département canadien de l'organisation internationale Médecins sans frontières.
Toutefois, la vidéo de l'expulsion de la militante a pu être diffusée, sachant que tous les acteurs de la scène sauf Wagner et Culbert devaient être floutés. On sait que la caméra de surveillance a enregistré l'expulsion de l'activiste par Culbert et le personnel sans attendre l'arrivée de la police.
La directrice a poussé plusieurs fois Wagner, qui est tombée au sol, après quoi Culbert s'est mise à la frapper du pied droit pour la faire sortir. La police a appréhendé Mary quand elle marchait déjà dans la rue. Personne ne s'est indigné d'une telle méthode de rétablissement de l'ordre. Les avocats de Culbert s'inquiètent seulement que les prochaines visites du personnel de la clinique au tribunal pour faire leur déposition puissent les pousser à démissionner, de crainte d'acquérir une mauvaise réputation.
Le groupe de soutien
En dépit d'une position indifférente des autorités canadiennes, des dizaines de partisans viennent assister aux procès de Mary Wagner. En règle générale, elle refuse de plaider en sa défense et passe plusieurs heures en silence la tête baissée en signe de solidarité avec les victimes des avortements, qui n'ont pas le droit de parole.
Curieusement, le plus grand nombre de partisans de Wagner vit en Pologne. En 2017, ils ont décidé de la soutenir moralement en détention et ont envoyé en prison des lettres de vœux avec des remerciements pour son anniversaire. Sous la pression de la société, elle a même été relâchée le 10 juin après six mois de détention en attente de son procès.
L'avortement au Canada
Dans le domaine de la naissance, le Canada adopte une position ferme de libre choix ( pro-choice ). C'est aujourd'hui l'un des rares pays du monde où il n'existe aucune interdiction ni restriction à l'interruption volontaire de grossesse. Il n'existe que des règlements concernant le lieu et les médicaments prescrits.
Il s'avère que toute citoyenne du Canada, même en état de grossesse avancée, peut décider de se débarrasser d'un enfant déjà formé. Ainsi, la docteure Saira Markovic, directrice de la clinique de gynécologie de Toronto spécialisée en avortement de grossesses tardives ( plus de 16 semaines ), détentrice du prix de la Fédération nationale des avortements instauré pour les « héros invisibles du mouvement pro-choice », a témoigné contre Wagner au procès de 2013. D'après Markovic, Mary est coupable d'avoir voulu imposer ses convictions à ses patientes.
A titre de comparaison, en Russie chaque femme adulte est en droit de décider de prolonger sa grossesse ou non uniquement si elle ne dépasse pas 12 semaines. Après ce délai, la loi permet d'avorter uniquement en cas de raisons médicales tangibles, par exemple s'il y a un risque pour la vie de la mère. En Russie, on ne récompense certainement pas et on ne qualifie pas d' « héroïnes » ceux qui choisissent l'avortement.
Cette attitude ne s'explique pas seulement par le fait que l'avortement représente un sérieux risque pour la santé de la femme: l'aspect éthique entre également en jeu car plus la grossesse est avancée, plus le fœtus ressemble à un homme à part entière.
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